Pass rail : tout ça pour ça ?
Aujourd’hui, mardi 4 juin, le Ministre des transports, Patrice Vergriete, a annoncé les modalités du “pass rail”. Celui-ci sera destiné aux jeunes de 16 à 27 ans, pour un tarif de 49€. Il permettra de voyager de manière illimitée en TER (sauf Transilien) et Intercités, pendant un mois coulant entre juillet et août.
Cette expérimentation est un pas dans la bonne direction puisqu’elle va permettre à des milliers de jeunes de voyager en train à un prix abordable. Nous espérons qu’elles et ils seront le plus nombreux possible à saisir l’occasion. Le fait de permettre d’utiliser le pass sur 31 jours consécutifs est par ailleurs une bonne nouvelle, en offrant de la flexibilité aux bénéficiaires.
C’est néanmoins une grande déception par rapport aux premières annonces qui ont été faites autour d’un pass rail “à l’allemande” l’année dernière. Parmi les principaux renoncements : l’absence des transports du quotidien, des Transiliens (TER en Île de France), la limitation à la période estivale et aux jeunes. Il suffit de comparer le budget de cette mesure (15 millions d’euros en France, 3 milliards en Allemagne, soit 200 fois plus) pour réaliser le manque d’ambition du projet. Espérons que cette ambition soit revue à la hausse, et que les investissements dans les infrastructures ferroviaires se concrétisent au plus vite.
Ni transports du quotidien, ni longue distance : que vise vraiment le “Pass Rail” ?
En l’état le “pass rail” ne répond pas aux enjeux de mobilité du quotidien, puisque les transports urbains (bus, métros, cars…) en sont exclus, tout comme les services vélo (vélos en libre-service, location de vélo en gare, stationnement sécurisé…). La complémentarité entre ces modes de transports est pourtant un levier puissant pour proposer des alternatives attractives et pratiques à la voiture individuelle. Par ailleurs, un ticket climat ambitieux devrait absolument être accessible toute l’année, et à l’ensemble des citoyens, pour avoir un effet notable sur les émissions de CO2.
Afin d’améliorer rapidement l’accès aux transports du quotidien, la mise en œuvre du ticket climat pourrait se faire en priorité à l’échelle régionale avec le soutien financier de l’Etat. Il s’agit à la fois de l’échelle la plus pertinente pour répondre aux besoins de déplacement du quotidien et celle qui permettrait une mise en place la plus rapide possible. En tant qu’Autorités Organisatrices de la Mobilité au niveau régional, les Régions disposent de nombreuses cartes en main pour coordonner l’intégration de l’ensemble de l’offre de transport du quotidien et en définir la politique tarifaire.
Le pass rail ne répond pas vraiment aux enjeux d’accessibilité à la mobilité longue distance non plus, puisque le TGV est exclu du dispositif. Certains jeunes pourront profiter des prix bas pour voyager loin en Intercités de jour ou de nuit (avec supplément de 20 euros pour une couchette), et c’est tant mieux pour elles et eux, mais cela reste circonscrit en termes de population éligible. Puisque le ticket est présenté comme une expérimentation cette année, il pourrait être étendu dans les années à venir à l’ensemble des Français. Une mesure de justice sociale quand on sait que 40% des Français ne partent pas en vacances.
Le gouvernement pourrait également renforcer l’accessibilité du TGV, dont les passagers sont majoritairement issus de catégories sociales privilégiées. Cela passerait par exemple par une baisse de péages (via une prise en charge directe par l’Etat), une tarification solidaire sur les billets de TGV, ou le renforcement du billet de congés annuel (peu connu aujourd’hui, et qui permet “seulement” une réduction de 25% sur un billet de TGV). Offrir un billet de TGV à 29€ tous les ans par exemple, voilà qui encouragerait le plus grand nombre à prendre le train pour les vacances, et limiterait les inégalités d’accès à la mobilité longue-distance.
Des investissements dans les infrastructures ferroviaires qui peinent à voir le jour
Plus largement, la politique ferroviaire du gouvernement est une source d’inquiétude pour nos organisations. Après des annonces enthousiasmantes sur la tarification (“pass rail” à l’allemande) et les investissements ferroviaires (les “100 milliards”), force est de constater que les engagements budgétaires ne suivent sur aucun des deux sujets. L’Etat n’a toujours pas investi 1€ supplémentaire dans la régénération et la modernisation du réseau, faisant peser le financement supplémentaire sur le groupe SNCF jusqu’en 2027, via ses bénéfices qui alimentent le “fonds de concours”. Ce choix stratégique fait peser l’intégralité de l’effort sur les usagers d’un opérateur ferroviaire, et n’est pas du tout à la hauteur des investissements annoncés. Résultat ? La France ne rattrape pas le sous-investissement ferroviaire chronique dont elle a souffert, mettant en danger l’existence même de certaines liaisons locales.
D’autres dossiers sont également au point mort, comme la commande de nouveaux trains de nuit, annoncée en 2022, puis 2023, puis 2024, sans que cela se traduise budgétairement. Or sans commande de nouvelles voitures couchette cette année, il devient de plus en plus improbable de réussir à ouvrir 5 nouvelles lignes de trains de nuit d’ici 2030, comme s’est engagé le président de la République.
Toutes ces orientations nécessitent des investissements publics importants, et donc des recettes supplémentaires. En février 2023, Matignon annonçait le souhait du gouvernement de « mettre à contribution les secteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre comme l’aérien et ceux qui dégagent des profits importants comme les sociétés d’autoroute », afin de financer le grand plan d’investissement ferroviaire. C’est cette voie qu’il faut emprunter en mettant fin aux niches fiscales dont bénéficie le secteur aérien (près de 10 milliards d’euros par an) et en renforçant le malus sur le poids des véhicules.
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