COP23 : Pas question de faire mauvais genre !
Les populations des pays en développement, ayant le moins contribué aux émissions de gaz à effet de serre, sont en première ligne des impacts croissants des sécheresses, inondations et catastrophes naturelles liées au changement climatique et de plus en plus imprévisibles.
Cultiver les terres et accéder à la propriété foncière, avoir accès à l’eau, assurer des récoltes régulières : les fonctions-clé pour répondre aux besoins de la famille et de la communauté, dont une importante partie est assurée par les femmes, sont bouleversées. D’ici 2030, si rien n’est fait, ce sont 120 millions de personnes supplémentaires qui pourraient basculer dans la pauvreté à cause du changement climatique.
Pourquoi parle-t-on de double injustice ?
Malgré la mise en place de cadres législatifs dans de nombreux pays, les inégalités entre femmes et hommes, filles et garçons, subsistent en matière d’accès à l’éducation et à l’emploi, d’accès et de contrôle du foncier et des revenus. Face aux chocs climatiques, les femmes encourent davantage de risques que les hommes et ont moins de ressources pour anticiper ou réagir. Dépendant fortement de l’eau et des produits de la forêt qui ont tendance à se raréfier, les femmes voient leurs rendements agricoles et leurs moyens de subsistance fortement diminuer. La hausse des migrations liées au changement climatique les expose davantage aux violences sexuelles, ou augmente leur charge de travail suite au départ du conjoint. Pourtant, les femmes jouent un rôle de premier plan dans la lutte contre les dérèglements climatiques, en s’appuyant sur leurs savoirs et savoir-faire traditionnels pour une agriculture résiliente, une gestion durable de l’eau, la production d’énergies renouvelables à l’aide de technologies sûres et adaptées. Leurs initiatives doivent être soutenues et amplifiées.
Quelle prise en compte du genre dans les négociations climatiques ?
Apparue pour la première fois dans les négociations climatiques lors de la COP7 (2001) à Marrakech, la question du genre a mis plus de dix ans avant de s’imposer comme un élément permanent à l’ordre du jour des COPs, à Doha en 2012. La dimension sociale du changement climatique a longtemps été ignorée par les négociateurs, avant tout focalisés sur les enjeux chiffrés de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Cependant, l’opiniâtreté de la société civile et d’un nombre limité de bloc de négociations a permis d’aboutir à l’adoption du premier programme de travail sur le genre de la Convention-Cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) lors de la COP20 à Lima en 2014.
Mis en place sur une période initiale de deux ans, ce programme de travail a créé un espace d’échange pour les Etats et la société civile sur les bonnes pratiques en matière d’intégration du genre dans les politiques climatiques, et de mettre à disposition des Etats des outils pour pouvoir le faire concrètement. Mais sa mise en œuvre reposait quasi-exclusivement sur les ONG et un cercle restreint de pays champions. Lors de la COP22 à Marrakech, les Etats ont choisi de prolonger ce programme de travail de trois années complémentaires, dont la première serait consacrée à l’élaboration d’un plan d’action opérationnel.
Comment la COP 23 peut-elle transformer l’essai ?
La présidence fidjienne de la COP23 a à cœur l’adoption de ce premier plan d’action sur le genre qui doit contribuer à combattre les inégalités existantes mais aussi à améliorer l’efficience des politiques climatiques. La copie sur laquelle se pencheront les Etats à la COP23 requiert un sérieux effort de priorisation car le plan d’action s’étalera sur une période de seulement deux ans et contient pour l’instant près de 70 activités. Les délégations vont donc devoir trancher et montrer qu’elles souhaitent des résultats concrets et ambitieux.
Pour la société civile, ce plan d’action doit s’appliquer à l’ensemble des sujets traités par la CCNUCC (réduction des émissions, adaptation, financement, technologie, etc) et guider les travaux de tous.tes les délégué.e.s. Il ne doit pas rester l’apanage des expert.e.s genre et servir quatre objectifs principaux. Le premier est de former les Etats sur comment prendre en compte et répondre aux enjeux de genre dans l’ensemble de leurs politiques et actions climatiques (Contributions Déterminées au niveau National, Plans Nationaux d’Adaptation), en s’assurant que les pays rendront régulièrement des comptes sur leurs efforts en la matière. Le deuxième est d’assurer la mise à disposition de données sur les impacts différenciés du changement climatique mais aussi des politiques climatiques sur les femmes, les hommes, les filles et les garçons. Le troisième est de viser à une parité femmes-hommes dans les délégations nationales, les instances décisionnelles et tous les organes de la CCNUCC ainsi qu’aux niveaux régional et national, et d’assurer la participation entière et effective des femmes autochtones et des communautés locales au sein de ces instances. Enfin, il est essentiel que l’ensemble des financements climatiques et autres moyens de mise en œuvre promeuvent activement l’égalité femmes-hommes, notamment le transfert et développement de technologies respectueuses de l’environnement et socialement équitables. La COP doit appeler les mécanismes financiers à simplifier leurs procédures de demandes de subventions, notamment pour faciliter l’accès des associations locales de femmes à ces fonds.
Mais adopter un plan d’action sans lui dédier de ressources reviendrait à le condamner à l’échec. Les Etats doivent s’engager clairement à apporter un soutien notamment financier aux activités contenues dans le plan d’action et nommer au plus vite leurs points focaux “genre et climat”. Le site de la CCNUCC en recense seulement 11 à l’heure actuelle sur 196 Parties à la Convention…Le compte n’est pas encore bon !
Article rédigé par Fanny Petitbon (CARE France), Anne Barre (WECF International) et Véronique Moreira (WECF France)
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