Paquet de lois pouvoir d’achat : des reculs sur le climat et pas de solutions pérennes pour les ménages en situation de précarité
Le parlement s’est accordé sur le paquet pouvoir d’achat. Cet accord montre que ni le Gouvernement ni les Chambres n’ont intégré que la transition écologique reste le meilleur moyen pour lutter contre la précarité. Pire, les premiers grands textes de ce quinquennat intègrent des mesures climaticides. Décryptage.
Le parlement s’est accordé sur le paquet pouvoir d’achat composé d’une loi de finances rectificative pour 2022 et d’une loi portant mesures d’urgence pour le pouvoir d’achat. Cet accord montre que ni le Gouvernement ni les Chambres n’ont intégré que la transition écologique reste le meilleur moyen pour lutter contre la précarité. Pire, les premiers grands textes de ce quinquennat intègrent des mesures climaticides, alors que la France subit une sécheresse historique et des canicules à répétition. Décryptage.
Une relance des énergies fossiles
Dans son titre III, le projet de loi pouvoir d’achat comporte une surprise de taille : la relance de la centrale à charbon de Saint Arvold, et la création d’un nouveau terminal méthanier. Pourtant, la crise énergétique actuelle est la conséquence directe de notre dépendance aux énergies fossiles, que nous allons continuer d’entretenir avec ces décisions. Le manque d’anticipation a caractérisé la politique de la France en matière de transition énergétique, aggravant cette crise énergétique : la France a pris du retard dans le développement des énergies renouvelables, atteignant une part de seulement 19 % en 2020, loin des 23 % fixés comme objectif. De la même manière, les économies d’énergies n’ont pas été au rendez-vous : l’objectif de baisse de 7 % de la consommation d’énergie entre 2012 et 2018 a été très loin d’être atteint et a été décalé à 2023. A ce retard dans la mise en œuvre des solutions s’ajoutent des problèmes de corrosion pour plusieurs réacteurs nucléaires, faisant craindre un hiver sous forte tension. La relance du charbon aurait pu être évitée. Tout doit être fait pour réduire les pics de consommation cet hiver et éviter le recours à cette énergie particulièrement polluante.
La guerre en Ukraine a occasionné une difficulté d’approvisionnement en gaz fossile. La France est néanmoins peu dépendante du gaz russe qui ne représentait que 17 % de son approvisionnement avant cette crise. La création d’un nouveau terminal méthanier est donc d’autant plus inquiétante qu’elle n’est pas nécessaire, comme le rappelle l’agence internationale de l’énergie dans son rapport de mai 2021. Un nouvel équipement avec en plus un tribut climatique particulièrement lourd à payer : de nouvelles infrastructures gazières ne sont pas compatibles avec nos objectifs climatiques. Ce terminal sera utilisé pour importer du GNL, davantage émetteur de gaz à effet de serre que le gaz importé par gazoduc, d’autant plus s’il s’agit de gaz de schiste, particulièrement polluant Mais au-delà même de cet impact dramatique, il s’agit de développer une nouvelle méga-infrastructure de gaz fossile dans le port du Havre, et ce en totale dérogation avec le droit commun pour faciliter son implantation. Ce qui pose inévitablement des risques directs pour la sécurité et la santé des travailleurs et des habitants, alors même que les terminaux méthaniers sont régulièrement le théâtre d’accidents graves.
Maigres consolations : le parlement a obtenu que l’exploitation du terminal soit bornée à 5 ans, et qu’une étude sur les impacts environnementaux du terminal soit réalisée
Alors même que la Première Ministre dans son discours de politique générale affirmait que la France serait la première nation à se passer des énergies fossiles, le Réseau Action Climat souligne l’incohérence de cette relance du fossile à peine quelques semaines plus tard.
Pas de mesures pérennes pour enclencher la transition juste
La crise environnementale s’accompagne d’une crise sociale avec une précarité qui ne fait qu’augmenter. Ces crises sont liées entre elles car l’insuffisance de l’action climatique pendant les années passées renforce les difficultés financières des ménages vulnérables. Par exemple, le retard sur le déploiement du véhicule électrique et des mobilités alternatives contribue à faire peser sur le budget des ménages une hausse des prix des carburants qui entraîne un surcoût de 50 à 100 euros par mois et par véhicule. De même, le rythme trop lent des rénovations performantes des bâtiments aggrave les effets d’une hausse des prix de l’énergie… Ainsi, les foyers modestes sont les premiers impactés par le changement climatique tant par les effets directs (logements mal isolés où ils souffrent davantage des canicules) que par les surcoûts liés à leur dépendance aux énergies fossiles.
L’Etat se doit d’apporter des réponses structurelles et pérennes pour sortir durablement les ménages de cette situation. C’est pourquoi le Réseau Action Climat préconisait des mesures permettant de sortir durablement les ménages de la précarité. Ces propositions étaient issues du Pacte du pouvoir de vivre dont nous sommes membres : la hausse des minima sociaux, ainsi que leur accessibilité dès 18 ans, et l’augmentation dans chaque branche des bas salaires.
Les propositions n’ont pas été retenues, la loi se limitant à des mesures temporaires et exceptionnelles qui rattrapent à peine l’inflation. Pire encore, certaines mesures favorisant l’achat d’énergies fossiles ne sont pas ciblées socialement. Elles vont donc aussi profiter aux plus aisé.e.s, au détriment à la fois de la transition écologique et de la lutte contre la précarité.
Des aides à l’achat de carburant et de fioul non ciblées vers les ménages qui en ont vraiment besoin
Plusieurs mesures de la loi prévoient une aide financière à l’achat d’énergies fossiles sans être ciblées socialement. Or les plus aisées n’ont pas besoin de s’appuyer sur la solidarité nationale pour faire face à la crise énergétique. L’exemple le plus parlant est celui du carburant avec une baisse de 30 centimes par litre pour tous les consommateurs : fruit d’un accord entre Les Républicains et la majorité présidentielle, ce dispositif est néfaste pour le climat et favorise les plus aisés. En effet, selon une étude du Conseil d’analyse économique, la remise sur le prix à la pompe a bénéficié deux fois plus aux ménages aisés qu’aux foyers modestes. Une indemnité carburant plus importante ciblée vers les rouleurs les moins fortunés aurait évité ce cadeau climaticide.
Un manque global d’accélération de la transition
Répondre aux enjeux de pouvoir d’achat, c’est aussi accélérer l’accès aux solutions de la transition écologique (mobilités durables, rénovation performante des logements, alimentation plus saine…). Pourtant, ces textes contiennent très peu de mesures dans ce sens. Seules quelques avancées sur les mobilités, notamment une augmentation du forfait mobilité durable, ont été intégrées au texte. La grande majorité des propositions portées par des député.e.s ou sénateurs.trices visant à accélérer la transition ont été rejetées.
Mais, la séquence financière ne fait que s’ouvrir : à la rentrée sera discuté le premier projet de loi de finances du quinquennat. L’occasion pour le Gouvernement et les parlementaires de rectifier le tir, et d’enfin amorcer une transition juste.
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