Occitanie : Faire face aux sécheresses

Fortes chaleurs, sécheresses, fonte des glaciers, inondations... Le Réseau Action Climat propose un panorama des conséquences du changement climatique dans toutes les régions de France. Quelles sont les impacts qui concernent l'Occitanie ?

FRANCE - VERDOUBLE RIVER - DROUGHT
© Idriss Bigou-Gilles - Hans Lucas - Hans Lucas via AFP

Multiplication des sécheresses et conséquences

Comme toutes les régions de France, l’Occitanie a connu une hausse significative de la température moyenne au cours des dernières décennies. Ce réchauffement est estimé à +1,8 °C entre le début du XXe siècle et la période 2001-2020, dont +1,4 °C depuis 1950-70. Chacune des 4 dernières décennies a été plus chaude que la précédente, avec environ +0,4 °C par décennie depuis les années 1980[1].


Évolution des températures moyennes (°C) annuelles en Occitanie de 1950 à 2020. La courbe en rouge représente la moyenne glissante des données annuelles par périodes de 11 ans[2].

 

Cette hausse se poursuivra dans les années à venir, à un niveau qui dépendra de nos émissions de gaz à effet de serre. Si ces dernières suivent leur trajectoire actuelle (scénario RCP4.5), on peut s’attendre à un réchauffement de +1 °C supplémentaire (par rapport à 2001-2020) d’ici 2050, et de +1,4 °C d’ici la fin du siècle. Si nos émissions continuent d’augmenter, on pourrait observer jusqu’à +3,8 °C de plus d’ici 2100. À noter que ce réchauffement est plus marqué l’été que l’hiver.

L’une des conséquences de cette hausse de la température est l’augmentation du nombre et de l’intensité des sécheresses, puisqu’elle accélère l’évapotranspiration[3], réduisant l’humidité des sols. Ce phénomène est aussi causé par d’autres facteurs liés au changement climatique, notamment la baisse des précipitations annuelles (-1,6 % par décennie sur 1960-2020), surtout marquée durant l’été, ainsi qu’une augmentation du nombre maximum de jours consécutifs sans pluie. Ces effets, combinés à d’autres facteurs d’origine humaine comme l’artificialisation des sols[4] et la pression de l’agriculture intensive, accentuent le risque de sécheresse. On a ainsi observé un triplement de la surface moyenne concernée par la sécheresse depuis 1960[5]. Le nombre de jours secs devrait encore augmenter de 25 % si les émissions suivent leur trajectoire actuelle, et jusqu’à 50 % selon le scénario le plus pessimiste.

En parallèle, la hausse des températures et la diminution de l’enneigement en montagne augmentent la durée et l’intensité des étiages[6] des cours d’eau, c’est-à-dire des périodes où ils atteignent leur niveau le plus bas. Les montagnes d’Occitanie alimentent en effet une part importante des cours d’eau de surface et souterrains, certaines rivières pourraient ainsi devenir intermittentes. L’Ariège devrait subir une baisse de 20 % de ses débits annuels d’ici le milieu du siècle (par rapport à 1985-1995).

Ce risque de sécheresse aura de fortes conséquences sur les usages de l’eau, en particulier durant la période estivale. Le Réseau d’Expertise sur les Changements climatiques en Occitanie (RECO) alerte sur la question de l’accès à l’eau : « L’eau est la première ressource concernée par le dérèglement climatique avec tous les indicateurs au rouge »[7]. Les conflits liés à la ressource en eau devraient augmenter, et les différents types d’usages seront tous impactés : domestique, agricole, industriel, énergétique… Or dans certains cas la demande en eau pourrait augmenter du fait du changement climatique. Par exemple, dans le secteur du canal de Gignac sur le bassin versant de l’Hérault, la demande en eau pour l’irrigation agricole pourrait augmenter de 11 à 48 %. La gestion de l’eau et notamment les usages agricoles devront être repensés pour s’adapter aux nouvelles conditions climatiques.

L’agriculture, qui occupe plus de la moitié des sols de la région, est particulièrement affectée par ces impacts. Au-delà des contraintes hydriques, les températures élevées perturbent la croissance des végétaux, les épisodes météorologiques extrêmes ou les épisodes de gel tardif détruisent des récoltes, l’érosion détruit des terres cultivables, les calendriers de récolte sont perturbés… Pour l’Occitanie, première région viticole et deuxième en grandes cultures céréalières, les conséquences pourraient être dévastatrices. Le secteur de la viticulture subit par exemple des baisses de rendements, des modifications des caractéristiques du vin (par exemple le taux d’alcool a augmenté de 11 à 14° depuis les années 1980), ou encore des pertes de récoltes dues aux événements météorologiques extrêmes. L’élevage est également impacté, notamment par le stress thermique affectant les animaux et les déficits de fourrages dus à l’augmentation des températures.

Les sécheresses entraînent d’autres conséquences indirectes, dont le phénomène de retrait-gonflement des argiles (RGA)[8], particulièrement marqué en Occitanie : 68 % du territoire est concerné par ce risque, soit 63,2 millions d’habitants exposés dont 1,2 millions en zone d’aléa fort. Sur les événements passés, la région représente 27 % du coût national des dommages liés au RGA, avec une explosion ces dernières années : dans le Gard, le nombre de sinistres de RGA reconnus dans le département a augmenté de 1000 % depuis le début du siècle[9]. Alors que les sécheresses sont en augmentation et que le parc immobilier continue de s’étendre, les coûts pourraient s’envoler au cours du siècle.

Carte d’exposition au retrait-gonflement des argiles à l’échelle régionale[10]

Le secteur de l’énergie devra lui aussi s’adapter à ce climat plus sec. Aujourd’hui, l’hydroélectricité est la première source d’énergie avec 32,7 % de la

production électrique en Occitanie. Le déficit en eau que connaîtra la région dans les prochaines décennies oblige à repenser le mix énergétique de la région.

Des épisodes extrêmes à répétition

Une autre conséquence du changement climatique est l’augmentation en fréquence et en intensité des événements météorologiques extrêmes. Les vagues de chaleur, pluies intenses et sécheresse pourraient ainsi se multiplier dans les années à venir, provoquant de nombreuses répercussions : inondations, glissements de terrain, pertes agricoles… Alors que la région est déjà la plus impactée par les sinistres climatiques : dans l’hexagone, trois des quatre départements les plus touchés par les inondations, tempêtes et sinistres sécheresse entre 1989 et 2018 sont situés en Occitanie (le Tarn-et-Garonne, l’Aude et le Tarn). La hausse des températures devrait notamment provoquer une augmentation de l’intensité des épisodes méditerranéens (dont les épisodes cévenols), ces phénomènes de pluie causés par la rencontre de masses d’air chaud provenant de la Méditerranée et de masses d’air froid situées en altitude. Lors de tels épisodes, l’équivalent de semaines de précipitation peut tomber en quelques heures et provoquer d’importantes inondations et des glissements de terrain. De manière plus globale, 2,5 millions d’habitants sont exposés aux inondations en Occitanie, un risque exacerbé par l’artificialisation des sols, en forte augmentation dans la région.

Les canicules sont également de plus en plus fréquentes et intenses : sur les 32 vagues de chaleur enregistrées dans la région depuis 1950, 28 ont eu lieu entre 2001 et 2023. Un été comme celui de 2019, considéré comme un été exceptionnellement chaud avec notamment le record national de chaleur de 46 °C enregistré à Vérargues (Hérault), sera banal en fin de siècle. En effet, en 1980-2100, 9 étés sur 10 connaîtront des températures similaires, et les canicules exceptionnelles de cette période seront environ 3,5 °C plus chaudes que celle de 2019. Les territoires urbains, qui regroupent 74 % de la population régionale, sont les plus impactés par ces épisodes. À Toulouse, le nombre de jours de forte chaleur (c’est-à-dire avec une température maximale dépassant les 30 °C) a doublé depuis les années 1950[11], et devrait être encore 2 à 4 fois plus élevé d’ici la fin du siècle selon le scénario d’émissions. Dans le même temps, le nombre de nuits tropicales (avec une température minimale de 20 °C) a triplé à Nîmes, passant de 8 à 24 jours par an. Il pourrait atteindre 60 jours par an d’ici la fin du siècle si les émissions poursuivent leur trajectoire actuelle et 100 dans le scénario le plus pessimiste.

Ces épisodes météorologiques extrêmes ne sont pas sans risque pour la santé, à commencer par le danger direct qu’ils font courir aux habitants ainsi que la surmortalité en lien avec les fortes chaleurs. Les canicules peuvent, en outre, entraîner des phénomènes de déshydratation, des coups de chaleur et une aggravation de certaines maladies chroniques. Les personnes âgées et les jeunes enfants sont les plus exposés, mais les facteurs sociaux entrent également en jeu, notamment à travers l’isolation des logements ou l’exposition à la pollution de l’air, exacerbée pendant les pics de chaleur. Les maladies infectieuses comme la dengue sont par ailleurs en augmentation en raison de la propagation d’animaux pouvant les transmettre, en particulier le moustique tigre, désormais présent dans toute l’Occitanie.

Enfin, tout cela peut avoir des répercussions sur la santé mentale, du stress post-traumatique causé par les catastrophes naturelles à l’anxiété générée chez les populations concernées.

Paysages en danger

L’Occitanie regroupe des paysages très variés dont deux massifs montagneux majeurs, puisqu’il comprend la plus grande partie des Pyrénées et une partie du Massif Central.

Pour ces deux massifs, l’enneigement a déjà diminué de manière très significative depuis les années 1980, encore plus que dans les Alpes. La hausse des températures entraîne une remontée de la limite pluie-neige ainsi qu’une période de fonte plus importante. Certains secteurs, comme le versant sud des Pyrénées orientales, pourraient voir leur enneigement diminuer de 60 à 80 % si les émissions suivent leur trajectoire actuelle et même totalement dans le scénario le plus pessimiste. Même constat dans le Massif Central, avec en plus une diminution des précipitations au cours des dernières décennies, et qui subit même, à basse altitude, des jours au-dessus de 30 °C l’été. Comme dans les Alpes, les glaciers sont tous menacés de disparition, dont certains à moyen voire à court terme. C’est le cas du glacier d’Ossoue (Hautes-Pyrénées), qui a perdu 80 m d’épaisseur et 64 % de sa surface entre 1924 et 2019[12]. Une fonte encore en accélération, en témoigne l’année 2022 record avec une perte de 4,5 m d’épaisseur.

Tous ces impacts sur la montagne entraînent un ensemble de répercussions sur les écosystèmes, les économies locales, les ressources naturelles, l’agriculture, et contribuent à augmenter certains risques, comme la sécheresse, puisque la baisse de l’enneigement contribue à l’augmentation des périodes d’étiage. De nombreuses stations de ski dans la région sont confrontées à la question de la viabilité de leur modèle économique, alors que le nombre de jours skiables est en chute libre. Selon une étude du WWF[13], si le réchauffement atteint +2 °C à l’échelle mondiale, l’enneigement naturel ne serait suffisant que pour 3 stations de ski dans l’ensemble du massif des Pyrénées.

Les montagnes ne sont pas les seuls espaces naturels menacés, puisque les forêts, qui représentent 36 % du territoire régional, sont également en proie aux effets du changement climatique. Sécheresse, fortes chaleurs, propagation de nuisibles (pathogènes et espèces envahissantes)… Les différentes essences subissent des baisses de croissance et on observe des extinctions locales d’espèces végétales et animales. Cela réduit les services écosystémiques rendus par les forêts : réduction des risques naturels, stockage du carbone, etc. Le risque de feux de forêts est aussi en augmentation, puisque le changement climatique accentue les conditions propices à leur déclenchement, leur maintien et leur expansion. Météo France indique ainsi que le nombre de jours à risque augmentera de 30 à 45 jours dans les départements de l’Aude, du Gard, de l’Hérault et des Pyrénées-Orientales[14]. Les surfaces brûlées devraient augmenter de 54,5 % dans la région selon le scénario d’émissions intermédiaires (RCP4.5)[15]. Les zones humides, essentielles pour leurs fonctions écologiques (stockage de l’eau, faune, flore, stockage de carbone…) sont elles aussi menacées par la hausse des températures, qui vient ajouter une pression supplémentaire à ces milieux fortement dégradés par l’urbanisation.

Enfin, les zones littorales et marines ne sont pas épargnées. L’érosion et la montée des eaux menacent les infrastructures et habitations de bord de mer, tandis que les mers subissent de plus en plus de vagues de chaleur marines. 14 se sont produites entre 2008 et 2017 contre seulement 2 entre 1982 et 1991, avec des conséquences très graves pour les écosystèmes marins.

Dans tous ces milieux, les conséquences du changement climatique entraînent une perturbation importante des écosystèmes. La biodiversité en Occitanie est particulièrement riche, avec de nombreuses espèces uniques en France (bouquetin ibérique, ours brun…) voire endémiques (desmans des Pyrénées, ophrys de l’Aveyron…). L’augmentation des températures, les sécheresses et l’augmentation des événements extrêmes sont les principales menaces pour les écosystèmes. Ils provoquent, entre autres, une modification des aires de distribution des espèces contraintes de migrer vers le nord ou en altitude, ce qui n’est pas toujours possible, en particulier pour les espèces montagnardes. De manière générale, les cycles biologiques des espèces sont perturbés, avec toujours des répercussions sur les différents écosystèmes ainsi que sur les activités humaines.

Lire le rapport complet

Sources

[1] Réseau d’expertise sur les changements climatiques en Occitanie (RECO) – Cahier Régional Occitanie sur les Changements Climatiques

[2] RECO – Cahier Régional Occitanie sur les Changements Climatiques

[3] Voir lexique

[4] Voir lexique

[5] RECO – Quel climat en 2100 ?

[6] Voir lexique

[7] RECO – Cahier Régional Occitanie sur les Changements Climatiques

[8] Voir lexique

[9] Association Conséquences – Maisons fissurées – 20 millions de français exposés, beaucoup plus à l’avenir

[10] RECO – Cahier Régional Occitanie sur les Changements Climatiques

[11] RECO – Quel climat en 2100 ?

[12] Ministère de la transition écologique et des territoires –  Impacts du changement climatique : Montagne et Glaciers

[13] WWF – Dérèglement climatique – Le monde du sport à +2 °C et +4 °C

[14] Météo France via Ouest France

[15] RECO – Cahier Régional Occitanie sur les Changements Climatiques

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