Nouvelle-Aquitaine : Des territoires variés, tous impactés

Fortes chaleurs, sécheresses, fonte des glaciers, inondations... Le Réseau Action Climat propose un panorama des conséquences du changement climatique dans toutes les régions de France. Quelles sont les impacts qui concernent la région Nouvelle-Aquitaine ?

FRANCE-WILDFIRES
© Thibaud Moritz - AFP

Des sécheresses plus longues, plus marquées, plus souvent

Région la plus vaste de France, la Nouvelle-Aquitaine est composée de territoires très divers, comptant à la fois l’une des plus longues façades littorales et la plus grande étendue de forêts de l’hexagone, mais aussi de vastes espaces ruraux, des territoires montagneux des Pyrénées et du Massif Central, sans oublier ses zones urbaines… Elle est donc exposée à des aléas climatiques très variés. 3,9 millions de personnes, soit 69 % de la population régionale, sont déjà exposés à au moins un aléa climatique[1].

Parmi ces menaces, la sécheresse est celle qui concerne le plus grand nombre de Néo-Aquitains. Si le cumul de précipitations annuel indique une variabilité spatiale importante et pas de réelle tendance générale, on constate en revanche une évolution assez claire concernant les moyennes saisonnières. Depuis 1950, on observe en effet une baisse de précipitations de -6,5 mm par décennie l’été, mais aussi de janvier à mars[2]. En parallèle, les températures ont augmenté de +1,4 °C depuis 1950, une hausse plus marquée durant les mois d’été. Les étés sont donc plus chauds et moins pluvieux, ce qui conduit à une multiplication des sécheresses. En témoignent les épisodes récents dans la région : en 2018, 2019, 2021, la sécheresse a entraîné des déficits hydriques dans la majeure partie de la région, mais c’est l’année 2022 qui a battu tous les records : l’année la plus chaude jamais enregistrée dans la région a compté plus de 70 jours au-dessus de 30 °C et une sécheresse qui a débuté au printemps et duré plusieurs mois. La Nouvelle-Aquitaine avait alors connu des pertes agricoles record et près de 2 000 communes du Sud-Est de la région avaient subi des difficultés d’approvisionnement en eau potable.

Les projections indiquent que les sécheresses seront de plus en plus fréquentes et intenses, avec des étiages[3] plus sévères et plus longs et une forte perturbation des cycles hydrologiques. Les débits des rivières pourraient être réduits de 20 à 40 % selon les scénarios[4]. Des épisodes extraordinaires, comme la sécheresse de 2022, pourraient devenir la norme si les émissions de gaz à effet de serre poursuivent leur trajectoire actuelle. Et selon le scénario le plus pessimiste, l’indice d’humidité du sol pourrait baisser de 25 % sur la quasi-totalité de la région d’ici la fin du siècle[5] ; seuls certains secteurs de Charente-Maritime, des Deux-Sèvres et de la Vienne connaîtraient une baisse limitée à 10 %. En conséquence, les tensions autour des usages de l’eau seront de plus en plus marquées, avec une concurrence entre l’agriculture et l’accès à l’eau potable, qui représentent respectivement 46 % et 37 % de la consommation d’eau de la région, mais aussi l’industrie et la production d’énergie (pour l’hydroélectricité et le refroidissement des centrales nucléaires).

Conséquences pour l’agriculture

Le secteur agricole, très important en Nouvelle-Aquitaine qui est la première région française mais aussi européenne pour la valeur de sa production agricole, est particulièrement vulnérable face à ces épisodes de sécheresse. L’année 2022 en est un exemple parlant, avec une production totale annuelle estimée à 7,8 millions de tonnes (contre 9 millions en moyenne habituellement) : c’est le plus faible total depuis le début du XXIe siècle. Cela s’explique par la sécheresse record, mais aussi par les températures extrêmes qui provoquent l’échaudage[6] des cultures, la vulnérabilité accrue aux pathogènes en période de sécheresse (maladies, ravageurs…), ou encore les conséquences sur le bétail (surmortalité, déficits de fourrage, stress hydrique…). 2022 avait, de plus, été marquée par des épisodes de gel tardif, qui sont rendus plus probables par le changement climatique du fait des floraisons précoces durant les périodes douces en hiver. D’autres facteurs, comme l’intensification des événements météorologiques extrêmes (sécheresses et canicules, mais aussi précipitations intenses, incendies, inondations…) peuvent également entraîner des pertes de production agricoles.

La possibilité de produire des céréales estivales, comme le maïs (qui représente 40 % de la production régionale de céréales et dont 31 % du total national est produit dans la région), est remise en cause par la multiplication des sécheresses. De plus, les besoins en irrigation (dont le maïs dépend particulièrement) sont en hausse, ce qui devrait creuser davantage les déficits hydriques.

Besoins en eau pour la culture du maïs en Dordogne : on constate que lors d’un été sec, qui sera de plus en plus fréquent dans le futur, la couverture des besoins en eau sera insuffisante dans une grande partie du département[7]

Concernant la culture de la vigne, emblématique du Bordelais, la sécheresse risque de détériorer les vignes et l’augmentation des températures entraîne un décalage des périodes de récolte et peut engendrer une hausse du degré d’alcool et de la quantité de sucre dans les vins. Toutefois, ce secteur ne devrait pas se retrouver menacé de disparition à condition que des mesures d’adaptation soient prises (voir encadré).

Sols argileux et incendies, des répercussions de la sécheresse

Autre conséquence de la multiplication et de l’intensification des épisodes de sécheresse : l’augmentation du risque de retrait-gonflement des argiles[8]. 3,4 millions d’habitants (dont 1,3 millions en zone d’aléa fort)[9] et un tiers des maisons sont d’ores-et-déjà exposés à ce phénomène en Nouvelle-Aquitaine[10]. Les départements les plus touchés sont la Gironde, la Charente-Maritime, la Dordogne et le Lot-et-Garonne. Un risque qui devrait augmenter en intensité, en fréquence, et concerne de plus en plus de zones géographiques.

Exposition actuelle au retrait-gonflement des argiles en région Nouvelle-Aquitaine (© Géorisques)[11]

Par ailleurs, les sécheresses ont de graves répercussions sur les forêts, qui représentent un tiers du territoire régional. Les Landes, qui abritent la plus grande forêt d’Europe, ont vu leur stock de bois diminuer de 50 % entre 1999 et 2009[12]. Certaines essences, comme le hêtre, sont particulièrement vulnérables à la hausse des températures et aux sécheresses, et la disparition d’espèces végétales peut avoir d’importantes répercussions sur les écosystèmes et la biodiversité locale. De plus, les sécheresses diminuent la résistance face aux maladies ou ravageurs (par ailleurs favorisés par le changement climatique), mais aussi face aux feux de forêts.

La région est déjà touchée par des feux de grande ampleur : parmi les 72 000 hectares de forêt brûlés en France lors des incendies de 2022, 45 000 sont situés en Nouvelle-Aquitaine[13]. Si les incendies sont le plus souvent d’origine humaine (criminelle ou par négligence), le changement climatique rassemble toutes les conditions propices au déclenchement, au maintien et à leur propagation : hausse des températures, sécheresse des sols, diminution des pluies, multiplication des ravageurs. De plus en plus de zones sont ainsi concernées, et les périodes de risque s’étirent progressivement avant et après la période estivale. La probabilité d’observer des incendies hors normes augmente aussi, c’est-à-dire des feux auto-alimentés, avec un comportement imprévisible et une vitesse de propagation élevée : lorsqu’un tel incendie brûle plus de 10 000 hectares, on parle de méga-feu.

À l’échelle nationale, le danger de feux de forêts a augmenté de 18 % entre 1961-1980 et 1989-2008 selon Météo France. La moitié des forêts de l’hexagone devraient être exposées au risque d’incendie dès 2050, contre un tiers actuellement.

Selon le scénario du GIEC à émissions de gaz à effet de serre élevées, le risque d’incendie est en augmentation dans toute la France, et particulièrement dans plusieurs départements de Nouvelle-Aquitaine[14]

Cela peut avoir de nombreuses répercussions dans différents secteurs : perte de biodiversité végétale et animale, dégradation de la qualité de l’air (et donc risques pour la santé), baisse des puits de carbone, pertes économiques (secteurs du bois, du tourisme, destructions de biens et de terrains…).

Érosion : l’océan gagne du terrain

Causée par la fonte des glaciers et la hausse des températures marines (par dilatation thermique), l’élévation du niveau de la mer est l’une des conséquences irréversibles à long terme du changement climatique d’influence humaine. En Nouvelle-Aquitaine, cette conséquence se traduit par un phénomène d’érosion et de recul du trait de côte, aggravé par les événements météorologiques extrêmes (tempêtes, précipitations intenses…). La côte sableuse perd en moyenne 1 à 3 mètres par an[15], avec parfois des reculs jusqu’à 30 mètres lors de fortes tempêtes. Cumulé à une hausse de la démographie en particulier sur les zones littorales, cela entraîne une augmentation des habitations exposées à l’érosion mais aussi à la submersion marine. 85 000 à 115 000 habitats permanents seraient situés en zones potentiellement inondables rien que dans la Métropole de Bordeaux.

Selon un décret publié le 31 juillet 2023[16], 242 communes en France doivent prendre des mesures pour s’adapter à l’érosion du littoral. Parmi ces communes : La Rochelle en Charente-Maritime, Arcachon en Gironde, Biscarrosse dans les Landes, Biarritz dans les Pyrénées-Atlantiques… Avec 43 communes concernées par l’érosion, la Charente-Maritime est le 2e département de France où le trait de côte recule le plus.

À noter que si les territoires littoraux sont fortement exposés aux aléas climatiques, les zones de montagne sont loin d’être épargnées. Enneigement en chute libre, forte augmentation des températures avec de graves répercussions sur les cours d’eau et la biodiversité… Que ce soit dans le Massif Central ou les Pyrénées, les régions montagneuses de Nouvelle-Aquitaine devront elles aussi s’adapter à de nouvelles conditions climatiques parfois extrêmes.

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Sources

[1]  Caisse centrale de réassurance – La prévention des catastrophes naturelles par le Fonds de prévention des risques naturels majeurs en Nouvelle-Aquitaine – Édition 2023

[2] CNPF – Le changement climatique et la forêt En Nouvelle-Aquitaine

[3] Voir lexique

[4] AcclimaTerra – Anticiper les changements climatiques en Nouvelle-Aquitaine. Pour agir dans les territoires

[5] AcclimaTerra – Gestion quantitative de l’eau et usages agricoles sous contrainte climatique

[6] Voir lexique

[7]  AcclimaTerra – Gestion quantitative de l’eau et usages agricoles sous contrainte climatique

[8] Voir lexique

[9]  Caisse centrale de réassurance – La prévention des catastrophes naturelles par le Fonds de prévention des risques naturels majeurs en Nouvelle-Aquitaine – Édition 2023

[10] DREAL Nouvelle-Aquitaine – Focus sur le retrait gonflement des argiles

[11] Géorisques via l’Observatoire Régional des Risques Nouvelle-Aquitaine

[12] AcclimaTerra – Anticiper les changements climatiques en Nouvelle-Aquitaine. Pour agir dans les territoires

[13] Centre de ressources pour l’adaptation au changement climatique – Feux de forêt : à quoi s’attendre et comment s’adapter ?

[14] Le rapport de la mission interministérielle : Changement climatique et extension des zones sensibles aux feux de forêts – via DRIAS – les futurs du climat

[15] ONERC – Le littoral dans le contexte du changement climatique

[16] Légifrance – Décret établissant la liste des communes dont l’action en matière d’urbanisme et la politique d’aménagement doivent être adaptées aux phénomènes hydrosédimentaires entraînant l’érosion du littoral

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