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Négociations internationales sur le climat : la [lente] ascension vers Katowice

Le Réseau Action Climat analyse les résultats de la session de négociations de la CCNUCC (Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique), qui s'est déroulée à Bonn du 30 avril au 10 mai 2018.

Presidency event on the Talanoa Dialogue - Closing with Frank Bainimarama
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Alors que 2018 doit être l’année tremplin pour assurer la relève des engagements climatiques de l’ensemble des pays, le chemin vers la COP24 à Katowice en Pologne est encore long. Et il passera par Bangkok, pour une session de négociations supplémentaire, comme l’ont décidé les 196 pays réunis à Bonn à l’occasion des négociations internationales sur le climat. Retour sur ces 10 jours de discussions aux résultats encourageants, mais encore insuffisants pour rendre l’accord de Paris crédible, robuste et ambitieux sur le long terme.

Un manuel d’application toujours en chantier

À Bonn, les négociateurs ont repris le travail qui doit aboutir à la fin de l’année 2018 à l’adoption d’un ensemble de règles du jeu de l’accord de Paris, hérité de la COP21. Ce manuel doit rendre les contributions individuelles des pays robustes, permettre leur révision à la hausse tous les 5 ans à travers un bilan mondial et rendre les États redevables de leurs actions en créant des règles de transparence claires.

La bonne nouvelle, c’est que les pays se sont attelés sérieusement à la tâche. La moins bonne, c’est que la plupart des chantiers sont encore inachevés, notamment en ce qui concerne la transparence des engagements ou les règles pour rendre les financements climat plus prévisibles. Les États ressortent de cette session comme ils y sont entrés : avec plus de 200 pages de textes – plus précis certes – mais encore à réduire, affiner et finaliser pour donner corps aux engagements de la COP21.

La session de négociations supplémentaire décidée par les pays, et qui aura lieu à Bangkok du 3 au 8 septembre est donc indispensable. Elle devra permettre aux négociateurs de passer à la vitesse supérieure, et d’aboutir à de véritables textes à négocier pour la COP24. C’est essentiel, car des règles robustes, transparentes et justes peuvent inciter les pays à prendre des engagements plus ambitieux, et guider l’action de l’ensemble des acteurs impliqués dans la lutte contre les changements climatiques.

Enfin, les pays ont démontré leur bonne volonté en établissant un processus clair pour continuer les travaux sur les règles entre la session de Bonn et celle de Bangkok. Ainsi, ils n’arriveront pas les mains vides en Thaïlande et pourront se remettre au travail sur des propositions de textes améliorés.

Un début prometteur pour le “Dialogue Talanoa”

La session a aussi été l’occasion d’entamer la première phase du Dialogue Talanoa au cours d’une journée de partages d’expériences. Trois questions ont été soulevées : où en est on ? Où veut-on aller ? Comment y parvenir ?Pour rappel, le dialogue entamé doit aboutir d’ici la fin de l’année à une relève collective de l’ambition climatique pour se remettre sur les rails d’un réchauffement global à 1,5°C. Une nécessité alors que les promesses des pays mettent aujourd’hui la planète sur une trajectoire de réchauffement à plus de 3°C d’ici à la fin du siècle.


Certains pays se sont distingués, comme l’Union européenne, les Pays les Moins Avancés et les petits États insulaires, en annonçant que ce dialogue devrait mener à une révision à hausse des contributions nationales (CDN) des pays avant 2020. De même, cette phase a permis des échanges nouveaux et constructifs, sans les jeux de postures habituellement observés entre les pays. Malgré tout, le plus dur reste à faire : les déclarations effectuées à Bonn doivent à présent être traduites en actes.  Pour cela, la présidence fidjienne de la COP23, et la présidence polonaise de la COP24 ont un rôle crucial à jouer. Elles devront amplifier la mobilisation politique autour du Dialogue Talanoa et fournir des étapes précises pour parvenir à des annonces de réhausse des engagements.

L’Union européenne, après son annonce dans les enceintes onusiennes, va devoir elle aussi concrétiser son ambition. Sept ministres de l’environnement européens se sont déjà déclarés en faveur d’une ambition plus forte de l’Union à l’horizon 2030 et 2050. Il s’agit maintenant de donner les gages de cette ambition. Le Dialogue Talanoa européen du 13 juin prochain sera la première occasion d’approfondir ces déclarations.

Les soutiens financiers, pierre angulaire de l’action


Enfin, 2018 doit tout autant être l’année de la relève de l’ambition que celle des soutiens financiers. En effet, ces soutiens sont cruciaux pour permettre aux pays en développement de mettre en oeuvre pleinement leurs politiques climatiques (CDN), y-compris leur partie conditionnelle, et de relever leurs engagements.

Malheureusement, la session de Bonn n’a pas permis de démontrer les progrès nécessaires sur ces aspects. Les pays sont encore loin d’adopter des standards communs pour compter leurs financements climat et pour leur donner de la prévisibilité. La question du financement des pertes et dommages, ces impacts inévitables des changements climatiques, est également restée sans réponse. Ce manque d’avancées est inquiétant, car il pourrait cristalliser les tensions et mettre en péril le succès de la COP24, alors que son objectif est de renforcer la crédibilité de l’accord de Paris et la confiance entre les pays.  

Les pays développés doivent donc à présent prendre l’ampleur du défi et être prêt à revenir à Bangkok puis à Katowice avec des signaux clairs. En particulier, démontrer comment ils tiendront leur promesse de mobiliser 100 milliards de dollars par an d’ici 2020 et amplifier leur soutien au Fonds Vert pour le climat, canal privilégié pour l’allocation des financements climat qui débutera sa recapitalisation à l’automne. Les prochains rendez-vous internationaux de haut-niveau, comme le Dialogue de Petersberg et la réunion des ministres de Chine, du Canada et de l’Union européenne en juin, ou encore les G7 et G20 devront s’atteler à cette question.

La France, qui souhaite se positionner en tant que leader international sur le climat, ne pourra elle-même pas rater le coche en 2018. Elle doit se préparer dès maintenant à faire sa part de l’effort financier pour le Fonds Vert, continuer à jouer un rôle proactif pour relever l’ambition climatique de l’Union européenne et rendre sa politique nationale sur le climat véritablement cohérente avec ses engagements.

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