Les Pays de la Loire entre sécheresses et inondations

Fortes chaleurs, sécheresses, fonte des glaciers, inondations... Le Réseau Action Climat propose un panorama des conséquences du changement climatique dans toutes les régions de France. Quelles sont les impacts qui concernent les Pays de la Loire ?

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© Bertrand Guay - Archives - AFP

Une hausse de la température aux multiples répercussions

L’élévation de la température est déjà marquée dans la région Pays de la Loire, avec un réchauffement de +0,37 °C par décennie depuis les années 1980[1]. Cette tendance se poursuivra dans les décennies à venir, à un rythme qui dépendra de nos futures émissions de gaz à effet de serre. Dans le plus optimiste des scénarios, cette hausse devrait atteindre +1 à +1,15 °C d’ici 2055 (par rapport à 1976-2005) et se stabiliser autour de cette valeur jusqu’à la fin du siècle. Toutefois, la trajectoire actuelle nous amène plutôt vers un réchauffement de +1,3 à +1,6 °C dès 2050, et dans le scénario le plus pessimiste, on pourrait atteindre +2,5 °C en milieu de siècle et jusqu’à +4 °C d’ici 2100. Dans tous les cas, le réchauffement sera plus marqué l’été que l’hiver, et dans les terres plus que sur les côtes.

Augmentation des températures moyennes en région Pays de la Loire selon les scénarios RCP2.6 (dit optimiste, avec une forte réduction des émissions de gaz à effet de serre) et RCP8.5 (dit pessimiste, avec une augmentation des émissions)[2]

 

Parmi les nombreuses conséquences de cette hausse des températures, l’augmentation des sécheresses est l’une des plus importantes, déjà fortement marquée et avec à son tour de graves répercussions. La hausse de l’évapotranspiration[3], liée à celle des températures, couplée à la stagnation du cumul des précipitations, entraîne une augmentation des sécheresses en nombre et en intensité. On compte déjà 7 jours de sécheresse météorologique par an de plus que sur la période 1976-2005 (24 aujourd’hui contre 17). Si les émissions continuent d’augmenter, on devrait compter 4 jours supplémentaires de sécheresse estivale chaque année en milieu de siècle, et 10 de plus en 2100, portant le total à 27 par an.

De nombreux impacts découlent de ces sécheresses. Le risque de feux de forêt s’accentue peu à peu, et pourrait augmenter de 40 % sur la majeure partie du territoire Ligérien si les émissions de gaz à effet de serre continuent d’augmenter. Les puits de carbone sont d’ailleurs en forte baisse dans la région selon le Haut Conseil pour le Climat[4]. Les écosystèmes variés de la région subissent eux aussi les effets de ces sécheresses, combinés à la hausse des températures mais aussi aux autres pressions anthropiques (destruction des habitats, surexploitation des espèces, pollutions, espèces envahissantes…). En conséquence, “40 % des poissons, 30 % des oiseaux et amphibiens, 24 % de la flore, 21 % des reptiles et 10 % des mammifères” sont menacés d’extinction selon le GIEC des Pays de la Loire[5], entraînant une dégradation voire une disparition des services écosystémiques rendus par ces espèces (alimentation, bois, filtration de l’eau, protection face aux aléas climatiques, absorption de carbone…).

La question de la ressource en eau devient un enjeu majeur dans les Pays de la Loire, comme dans la quasi-totalité des régions de France. Le bassin de la Loire, déterminant pour la région, sera particulièrement touché avec une réduction de 25 à 30 % de la ressource en eau d’ici 2070. Les débits des cours d’eau devraient par ailleurs fortement diminuer : celui de la Loire pourrait baisser de 20 à 50 % à l’horizon 2100 (par rapport à 1971-2000).

En parallèle de la quantité, la question de la qualité de l’eau se pose également, sous la pression de cette diminution des débits, mais aussi de la hausse des températures, de la pollution (nitrates, pesticides, rejets de matière organique…) ou encore de la salinisation des cours d’eau notamment dans l’estuaire de la Loire. Ainsi, 86 % des masses d’eau de la région pourraient ne pas entrer dans les critères définissant un “bon état” en 2027.

Les sols sont eux aussi dégradés, par les sécheresses mais aussi en raison du fort taux d’artificialisation[6] de la région (le quatrième plus élevé de France avec 11,2 %), qui est en forte expansion : la superficie des sols artificialisés a doublé depuis le début des années 1980. Les sols naturels n’occupent plus que 20,6 % du territoire régional, dont la majorité est occupée par des terrains agricoles (68,2 %).


Occupation des sols dans les pays de la Loire[7]

Répercussions économiques : l’agriculture et l’industrie en manque d’eau

Le secteur de l’agriculture est en première ligne face aux périodes de déficit hydrique, qui vont imposer de plus fortes restrictions sur les usages de l’eau dans les décennies à venir. Le tout alors que les besoins du secteur devraient croître de façon importante du fait des températures plus élevées et donc de l’augmentation de l’évapotranspiration. La demande en eau destinée à l’irrigation devrait augmenter de 28 % à l’horizon 2050. Les cultures céréalières, comme le colza, pâtiront fortement de ce manque d’eau. La modification des conditions climatiques entraîne d’autres répercussions : modification des dates de récolte et de leur qualité (altération des fruits, augmentation du taux de sucre pour les vignes…), augmentation du risque de gels tardifs, ou encore exposition aux événements climatiques extrêmes. La hausse des températures favorise par ailleurs le développement de parasites, aussi bien pour les cultures (pyrales, champignons…) que pour le bétail (virus avec risque de multiplication des zoonoses).

En plus de la hausse de la température moyenne, on observe aussi une recrudescence des jours de forte chaleur : la région a enregistré plus de vagues de chaleur entre 2000 et 2024 que durant la période 1950-2000. Dans un scénario à fortes émissions de gaz à effet de serre, le nombre annuel de journée dont la température dépasse 25 °C pourrait augmenter de 30 jours par an d’ici 2050 et de 45 d’ici la fin du siècle (par rapport à 1976-2005), portant le total à 95 jours chauds par an en 2100. Ces fortes chaleurs entraînent un risque d’échaudage[8] pour les cultures, mais aussi un risque pour la santé du bétail, qui représente 80 % des exploitations et dont la filière volaille constitue un quart de la production nationale. Cela entraîne des baisses de productivité mais aussi une importante surmortalité au sein des cheptels. Les exploitations marines sont loin d’être épargnées, le réchauffement étant aussi très marqué pour les températures marines, cumulé à l’acidification des océans. Cela perturbe les écosystèmes aquatiques et bouleverse les chaînes alimentaires sous-marines, : les stocks auraient déjà diminué de 3 % par décennie depuis les années 1950. La culture des huîtres est également impactée par l’acidification qui perturbe le développement, et la hausse des températures favorisent le développement de maladies et la prolifération d’algues toxiques.

Au-delà des secteurs agricoles, c’est toute l’économie de la région qui est remise en question par les impacts du changement climatique, comme l’expose le GIEC des Pays de la Loire[9] : “Qu’il s’agisse de l’irrigation agricole, de l’élevage bovin, de la production industrielle ou de la production énergétique (refroidissement de la centrale de Cordemais), l’économie des Pays de la Loire montre une forte dépendance à la disponibilité d’eau douce que la croissance de la population vient également accentuer”. L’exposition aux événements climatiques extrêmes fait peser une menace supplémentaire sur les différents secteurs. Les emblématiques chantiers navals de Saint-Nazaire, par exemple, font face à un fort risque de submersion qui pourrait les amener à être régulièrement inondés. Les infrastructures sont elles aussi concernées, notamment pour le transport : dilatation des rails par la chaleur, altération de routes ou de bâtiments par phénomène de retrait-gonflement des argiles[10], inondations, érosion… Pour l’industrie, cela pourrait causer de véritables difficultés d’acheminement et de stockage des matières premières. Sans oublier le secteur du tourisme, qui subira les conséquences du recul des plages face au phénomène d’érosion.

À ces problématiques structurelles s’ajoutent l’exposition des travailleurs aux aléas climatiques. Le GIEC des Pays de la Loire détaille les baisses de productivité associées aux fortes chaleurs : au-delà de 30 °C, les pertes peuvent atteindre 30 à 40 % pour le secteur de la construction et jusqu’à près de 100 % à 40 °C. Les personnes en extérieur sont les plus exposés, mais ce ne sont pas les seuls : à 35 °C, les travailleurs de bureau peuvent perdre jusqu’à 21 % de productivité. Mais plus qu’un problème de productivité, l’exposition aux fortes chaleurs peut entraîner de graves effets sur le corps humain : hyperthermie, coups de chaleur, risques cardiovasculaires… Il s’agit d’une véritable question de santé publique.

Une vulnérabilité accrue aux submersions

Comme tout le littoral Atlantique, la région Pays de la Loire et ses 450 km de côtes est exposée à l’élévation du niveau de la mer. Provoquée principalement par la fonte des glaciers terrestres et par la dilatation thermique due à la hausse des températures océaniques, celle-ci est en accélération et estimée à 10 cm à Saint-Nazaire rien qu’entre 1980 et 2019. Ce phénomène est irréversible à long terme et l’eau continuera de monter pendant des siècles voire des millénaires, cependant les futures émissions de gaz à effet de serre détermineront à quel rythme cela se produira. En l’absence de politiques climatiques, le niveau de la mer pourrait augmenter de 76 cm par rapport à la fin du XXe siècle.

Si cette hausse de quelques dizaines de centimètres peut sembler anodine, elle correspond en réalité à des conséquences désastreuses pour les zones côtières, à commencer par l’accentuation du risque de submersion. Les marais, ainsi que les plaines littorales et leur faible relief qui bordent la région, sont fortement exposés à cette menace, surtout pour les zones fortement artificialisées. Or la région connaît une urbanisation et un développement économique important sur sa bordure océanique, qui devra faire face à des inondations de plus en plus fréquentes. En effet, avec un niveau de la mer plus élevé, les marées à coefficient élevé et les tempêtes pourraient entraîner des inondations quasi-automatiques pour ces zones. Pour y faire face, la politique du « tout-digue » ne sera pas efficace à long terme.


Territoires à risque important d’inondation dans la région Pays de la Loire[11]

 

La tempête Xynthia, qui a frappé la région en 2010, donne un aperçu de cette exposition aux risques sur le littoral ligérien. Cet événement a profondément marqué la population par l’ampleur de ses dégâts (2,5 milliards d’euros de dégâts) et surtout les 47 décès provoqués en France dont 29 à La Faute-sur-Mer (Vendée)[12]. Si le lien entre changement climatique et intensification des tempêtes n’a pas été démontré, on sait en revanche que les dégâts sont plus importants avec un niveau de la mer plus haut. Les dommages liés aux inondations par submersion devraient ainsi augmenter de 100 % à 150 % en Vendée et en Loire-Atlantique d’ici à 2050. En plus de ce risque de submersion, l’érosion côtière grignote peu à peu les plages de ces deux départements. Les falaises de Loire-Atlantique reculent en moyenne de 8 cm par an, mais sur certaines zones, ce recul peut atteindre jusqu’à 30 cm/an[13]. De plus, les épisodes météorologiques extrêmes peuvent provoquer des reculs de plusieurs mètres à quelques dizaines de mètres d’un coup. Toutes les habitations et infrastructures de bord de mer devront ainsi se préparer à un recul du trait de côte qui sera lui aussi de plus en plus élevé au cours des décennies à venir. La région devra anticiper rapidement ces phénomènes et penser son adaptation sur le long terme aux nouvelles conditions climatiques qui impliqueront inéluctablement un repli dans des zones moins exposées.

Lire le rapport complet

Sources

[1] GIEC des Pays de la Loire – 1er rapport – Juin 2022

[2] GIEC des Pays de la Loire – 1er rapport – Juin 2022

[3] Voir lexique

[4] Haut Conseil pour le Climat – Rapport annuel 2023

[5] GIEC des Pays de la Loire – 1er rapport – Juin 2022

[6] Voir lexique

[7] GIEC des Pays de la Loire – 1er rapport – Juin 2022

[8] Voir lexique

[9] GIEC des Pays de la Loire – 1er rapport – Juin 2022

[10] Voir lexique

[11] GIEC des Pays de la Loire – 1er rapport – Juin 2022

[12] Ouest France –  Xynthia, dix ans après. Récit en images du drame de la tempête en Vendée

[13] BRGM – Identification et cartographie des aléas liés aux talus et falaises du littoral de Loire Atlantique

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