Les Hauts-de-France prennent l’eau
Fortes chaleurs, sécheresses, fonte des glaciers, inondations... Le Réseau Action Climat propose un panorama des conséquences du changement climatique dans toutes les régions de France. Quelles sont les impacts qui concernent la région Hauts-de-France ?
Les inondations, risque majeur de la région
Par sa forte densité de population, ses caractéristiques socio-économiques et sa longue bande littorale, la région Hauts-de-France est l’une des plus exposées aux aléas climatiques. 63 % des communes sont exposées à des risques climatiques, un chiffre qui atteint 81 % pour le Pas-de-Calais et 95 % pour le Nord[1].
Vulnérabilité des Hauts-de-France par territoires[2]
Le risque d’inondations concerne 6 communes sur 10 en Hauts-de-France et 2,2 millions d’habitants, en particulier les inondations par ruissellement[3], qui se produisent lorsque l’eau issue des précipitations ne peut plus s’infiltrer dans les sols. La région est également fortement menacée par des inondations par débordement des cours d’eau (ou crues) et par remontée des nappes phréatiques.
Le risque de submersion est également élevé dans les zones côtières. Parmi les 1,5 millions de personnes exposées en France, près d’un tiers (464 600) réside sur la façade Manche-Est[4]. 90 % des côtes des Hauts-de-France sont par ailleurs soumises à un phénomène d’érosion[5], menaçant les habitations et infrastructures en bord de mer.
Au-delà des dégâts occasionnés, les inondations entraînent des répercussions sur l’accès à une eau saine et à l’électricité, la qualité de l’eau, les infrastructures ainsi que la santé physique et mentale des victimes.
Parmi les causes de cette exposition figure la nature du paysage des Hauts-de-France, mais aussi l’artificialisation des sols[6], particulièrement marquée dans la Région (9,2 % des sols sont artificialisés du fait de l’urbanisation). Le changement climatique est un facteur supplémentaire, qui aggrave ces risques de plusieurs manières. D’une part, à travers la modification du régime de pluies. Le cumul de précipitations est en hausse dans la région : par exemple, Boulogne-sur-Mer a connu une augmentation de 29,3 mm par décennie depuis les années 50[7]. On observe aussi des épisodes de pluie plus concentrés sur des périodes plus courtes. Moins de pluies l’été, ce qui favorise les sécheresses (et donc la dégradation des sols), et plus de pluies l’hiver, avec des épisodes extrêmes plus probables, ce qui augmente le risque de saturation des sols.
D’autre part, la montée du niveau de la mer est déjà marquée dans la région, à l’image de Boulogne-sur-Mer, qui a connu une hausse de +12,3 cm entre 1976 et 2021[8]. Cela augmente le risque de submersions marines mais agit aussi sur les inondations continentales : l’eau présente en excès sur les terres est parfois au même niveau d’altitude que la mer (voire plus bas – cf. encadré), et ne peut donc s’écouler vers cette dernière, rendant ces épisodes plus longs et dévastateurs. Ces espaces pourraient subir des submersions de plus en plus fréquentes voire permanentes dans certaines zones basses. Les inondations à répétition ayant frappé les Hauts-de-France en novembre 2023[9] sont un exemple significatif : l’équivalent de 3 mois de pluie sont tombés en 2 semaines sur la région, impactant 244 communes (reconnues en catastrophe naturelle) et 450 000 habitants.
Zones exposées à l’élévation du niveau de la mer à marée haute, pour une hausse du niveau de la mer de 0,5 m. Le scénario actuel d’émissions de gaz à effet de serre nous mène vers une hausse de 0,44 à 0,76 m à l’échelle mondiale d’ici la fin du siècle[10].
90 % de la région menacée par le retrait-gonflement des argiles
Les épisodes de sécheresse, rendus plus probables et plus intenses par le changement climatique, réduisent la capacité des sols à absorber de l’eau, aggravant le risque d’inondations, mais aussi de retrait-gonflement des argiles (RGA)[11]. Ces phénomènes liés aux variations de teneur en eau des sols argileux entraînent des mouvements de terrain. Ces derniers peuvent entraîner la dégradation d’infrastructures et d’habitations et dans certains cas contraindre des habitants à se déplacer. Il s’agit du risque affectant le plus de personnes en Hauts-de-France, avec environ 3,8 millions d’habitants menacés[12]. 90 % de la surface de la région et 89 % des maisons individuelles identifiées sont exposées au risque de RGA[13], dont 46 % dans des zones d’exposition moyenne ou forte. Les départements les plus exposés sont l’Oise et le Nord, (respectivement 63 % et 50 % de leurs surfaces en zone d’exposition moyenne ou forte).
Exposition de la région Hauts-de-France au retrait-gonflement des argiles[14]
Coup de chaleur dans les villes
Comme les autres régions de France, les Hauts-de-France font face à l’élévation des températures, avec des conséquences importantes pour les grandes agglomérations durant les extrêmes de chaleur. À Lille, la température a augmenté de 2,3 °C entre 1955 et 2022[15]. D’ici 2080, le climat lillois pourrait ainsi s’apparenter à celui que connaît aujourd’hui Angers dans un scénario optimiste, et à celui de Toulouse dans un scénario à fortes émissions de gaz à effet de serre[16]. Les autres villes ne sont pas épargnées : comme à Lille, 15 jours de vagues de chaleurs supplémentaires ont été enregistrés entre 1955 et 2018 à Cambrai et Saint-Quentin[17].
À l’échelle de la région, cette hausse devrait se poursuivre d’ici la fin du siècle. Si les émissions de gaz à effet de serre suivent leur trajectoire actuelle, cela se traduira par une augmentation de +1,8 à +2,5 °C, avec des étés plus chauds, comptant de 4 à 25 jours supplémentaires au-dessus de 25 °C. Les nuits tropicales, c’est-à-dire dont la température ne descend pas en dessous de 20 °C, n’existaient pas dans la région il y a quelques années : on devrait en connaître de 2 à 7 par an d’ici 2100, et jusqu’à 28 si les émissions de gaz à effet de serre sont très élevées. Elles sont amplifiées en ville et dans les zones artificialisées[18] en raison de l’effet îlot de chaleur urbain[19], qui empêche le refroidissement durant la nuit.
À noter que les épisodes de froid sont par ailleurs en fort recul : Boulogne-sur-Mer a perdu 24 jours de gel entre 1955 et 2018, avec des conséquences importantes sur les cycles naturels, les écosystèmes et l’agriculture.
Des répercussions dans tous les secteurs
Ces impacts entraînent des répercussions dans tous les secteurs, notamment pour la santé. Les effets néfastes des vagues de chaleur sont par exemple nombreux : déshydratation, coups de chaleur, aggravation des maladies chroniques, etc. L’économie est également impactée : on estime que 70 % de l’activité économique des Hauts-de-France est météo-sensible[20], c’est-à-dire sensible à des phénomènes météorologiques, eux-mêmes aggravés par le changement climatique.
La biodiversité est aussi fortement affectée, alors que la région Hauts-de-France constitue le couloir de migration le plus fréquenté d’Europe de l’Ouest. Parmi les conséquences déjà visibles, on observe une perturbation des cycles naturels, par exemple les circuits de migration des oiseaux comme la cigogne blanche. Les déplacements d’espèces envahissantes vers des zones toujours plus vastes, entraînent de nouvelles formes de concurrences entre espèces et peuvent amener à des disparitions d’espèces locales. La chenille processionnaire du pin a par exemple étendu son territoire et menace de nombreuses espèces en forêt. La sécheresse, les fortes chaleurs, les inondations, l’érosion, la montée du niveau de la mer… sont tous des facteurs qui peuvent nuire aux différents écosystèmes de la région Hauts-de-France.
Sources
[1] Observatoire Climat – Hauts-de-France
[2] CERDD – Adaptation au changement climatique : les Hauts-de-France s’organisent
[3] Caisse centrale de réassurance – La prévention des catastrophes naturelles par le Fonds de prévention des risques naturels majeurs en Hauts-de-France – Édition 2023
[4] Cerema – Enjeux humains en zones de submersion marine et dans les secteurs en érosion
[5] CERDD – +2 °C ? Le changement climatique près de chez vous
[6] Voir lexique
[7] Observatoire Climat Hauts-de-France – Précipitations annuelles
[8] Observatoire climat HDF – Hauteur d’eau marégraphique
[9] Le Monde – Inondations dans les Hauts-de-France : au moins 550 millions d’euros de dégâts
[10] GIEC – RE6 GTI – Les bases scientifiques physiques
[11] Voir lexique
[12] Caisse centrale de réassurance – La prévention des catastrophes naturelles par le Fonds de prévention des risques naturels majeurs en Hauts-de-France – Édition 2023
[13] Observatoire Climat Hauts-de-France – Surfaces exposées au RGA
[14] Région Hauts-de-France – Les risques liés au retrait ou au gonflement des argiles
[15] Observatoire Climat Hauts-de-France – Température moyenne
[16] CERDD – +2 °C ? Le changement climatique près de chez vous
[17] CERDD – Tour d’Horizon Climat Énergie en Hauts-de-France – édition 2022
[18] Voir lexique
[19] Voir lexique
[20] CERDD – +2 °C ? Le changement climatique près de chez vous
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