La Provence-Alpes-Côte d’Azur en surchauffe

Fortes chaleurs, sécheresses, fonte des glaciers, inondations... Le Réseau Action Climat propose un panorama des conséquences du changement climatique dans toutes les régions de France. Quelles sont les impacts qui concernent la région Provence-Alpes-Côte d’Azur ?

Incendie à Aubagne et Carnoux en Provence.
© Fabien Courtitarat - Hans Lucas - Hans Lucas via AFP

Des étés extrêmes de plus en plus souvent

Si la hausse des températures concerne toutes les régions de France, peu seront impactées à la hauteur de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. La température moyenne a déjà grimpé de +2,2 °C par rapport à l’ère pré-industrielle (1850-1900)[1], et les années exceptionnellement chaudes ne cessent de se succéder : les 7 dernières années (2017-2023) sont les plus chaudes jamais enregistrées dans la région[2], dont l’année 2022 qui est de loin la plus chaude. Cette élévation des températures continuera de progresser à un rythme que détermineront nos futures émissions de gaz à effet de serre. Par rapport à la fin du XXe siècle (période de référence 1976-2005), la moyenne régionale devrait augmenter de +1,6 à +2,2 °C d’ici 2050 selon les scénarios[3] : il s’agit du plus fort réchauffement projeté dans l’Hexagone. À l’horizon 2100, seule une réduction drastique de nos émissions de gaz à effet de serre pourrait contenir cette hausse en dessous de +2 °C. Si les émissions mondiales continuaient d’augmenter, elle pourrait atteindre jusqu’à +5,5 °C par rapport à 1976-2005.


Température moyenne annuelle en Provence-Alpes-Côte d’Azur : écart à a référence 1976-2005. Observations et simulations climatiques pour 3 scénarios d’évolutions RCP 2.6, 4.5 et 8.5. (Météo-France, 2022)[4]

À noter que ce réchauffement des moyennes annuelles est encore plus marqué en période estivale : selon le pire scénario, on pourrait atteindre un réchauffement moyen de +7 °C en été d’ici la fin du siècle[5]. Un été considéré comme exceptionnel, comme celui de 2003 avec sa canicule qui avait marqué tous les esprits, serait alors considéré comme normal, voire froid. À Aix-en-Provence par exemple, la ville devrait connaître une augmentation de +3,4 °C l’été à plus de +6 °C si les émissions sont élevées selon le GREC Sud. En comparaison, elle avait connu durant l’été 2003 une température de +3,5 °C par rapport à la moyenne.

Alors que les températures moyennes augmentent, les journées chaudes et vagues de chaleur sont également de plus en plus fréquentes et marquées. Depuis le début des mesures de Météo France en 1947, le nombre de vagues de chaleur enregistrées est trois fois plus élevé depuis l’année 2000. Le nombre de journées chaudes (dont la température maximale est supérieure à 25 °C) a augmenté de 6 à 8 jours par an entre 1961 et 2014 et devrait exploser d’ici la fin du siècle : de 32 jours selon le scénario d’émissions intermédiaires et jusqu’à 59 jours selon le scénario pessimiste. De même pour les jours de vague de chaleur : à Marseille, on pourrait passer de 1 jour par an (période 1976-2005) à 73 d’ici la fin du siècle[6] selon le pire scénario, avec une température qui pourrait atteindre la barre des 50 °C. Si ces projections paraissent lointaines, on peut noter que la barre des 44 °C a été atteinte en 2019 (record de 44,6 °C à Saint-Chamas), que Marignane a connu un total de 160 journées chaudes en 2022, tandis qu’Avignon a subi 36 jours dont la température dépassait les 35 °C la même année. Pour finir, le nombre de nuits tropicales, c’est-à-dire dont la température ne descend pas en dessous de 20 °C, est lui aussi en forte augmentation, avec de graves répercussions pour la santé puisqu’elles ne permettent pas au corps de récupérer de façon optimale. Nice a ainsi enregistré 104 nuits tropicales durant la seule année 2022, dont 60 consécutives. Les villes, où l’effet d’îlot de chaleur urbain[7] empêche les températures de redescendre la nuit, sont particulièrement exposés aux fortes chaleurs. Avec 80 % de la population en zone urbaine, la région PACA est extrêmement vulnérable à ces épisodes, qui causent un problème majeur de santé publique voué à s’amplifier.

En parallèle, les journées froides et jours de gel sont en recul, surtout en moyenne montagne. Le GREC Sud cite l’exemple d’Embrun, qui devrait voir son nombre annuel de jours de gel (une centaine) divisé par deux d’ici la fin du siècle. Or un hiver froid est nécessaire pour de nombreuses espèces animales mais aussi végétales, à l’image de l’abricot Bergeron dont la culture sera compromise dès les années 2050 dans la vallée du Rhône[8]. Les hivers doux sont aussi propices aux épisodes de gel tardif, qui auraient causé plus de 2 milliards d’euros de dégâts en 2021 sur l’arboriculture et la vigne. Ils favorisent par ailleurs la survie des ravageurs, comme le puceron, avec pour conséquence des pertes agricoles qui s’ajoutent aux dégâts causés par les chaleurs : stress hydrique, dépérissement des cultures, ralentissement de la croissance voire destruction des végétaux par échaudage[9], baisse de production et surmortalité du bétail… L’agriculture va devoir s’adapter à ces nouvelles conditions climatiques dans la région.

Épisodes méditerranéens et sécheresses

Le changement climatique augmente le nombre et l’intensité des aléas climatiques extrêmes, dans la région PACA comme ailleurs. Nous avons parlé des vagues de chaleur, mais cela concerne aussi les sécheresses, incendies, inondations, ou encore les épisodes méditerranéens. Ces derniers, qui correspondent à de violents orages durant lesquels tombe l’équivalent de plusieurs mois en quelques jours, sont déjà plus fréquents. On en observe 3 à 6 par an, soit 2,7 fois plus qu’en milieu de siècle dernier[10]. Combinés à la forte artificialisation des sols[11], ils peuvent provoquer des inondations et d’importants dommages. Ils seront de plus en plus intenses avec le changement climatique et toucheront des zones plus étendues.

La région est également en proie à des sécheresses plus longues et intenses : le GIEC décrit la zone méditerranéenne comme particulièrement vulnérable à cet aléa. Ce dernier est renforcé par la hausse des températures, qui conduit notamment à une évapotranspiration[12] plus marquée et donc à un assèchement des sols. De plus, la région connaît une baisse du cumul des précipitations entamée depuis 1960, surtout l’été (-45 %) et l’hiver (-30 %). Ces deux effets combinés entraînent une fragilisation de la ressource en eau, qui se traduit par une réduction des débits annuels et des masses d’eaux souterraines de 10 à 20 % d’ici 2050[13]. Dans le même temps, on devrait observer une augmentation de 40 % des étiages[14] estivaux et des assecs, en durée comme en intensité. Cette accentuation des sécheresses se poursuivra au cours du siècle à un niveau qui dépendra de nos émissions de gaz à effet de serre. Dans le cas d’un scénario pessimiste, les épisodes considérés comme extrêmes de nos jours – comme la sécheresse de 2022 qui a entraîné un déficit de 70 % dans la région avec un étiage très marqué de la Durance[15] – seront la norme à la fin du siècle. La problématique des usages de l’eau se posera de plus en plus, entre les besoins liés aux usages domestiques (dont l’eau potable), à l’industrie, l’énergie, le tourisme… et bien sûr l’agriculture, qui représente aujourd’hui 66 % des prélèvements en eau. Alors que la demande est et sera croissante pour la plupart de ces domaines, l’accès à l’eau pourra se révéler difficile, avec parfois des coupures temporaires. L’ensemble de ces secteurs va devoir s’adapter à ce nouveau contexte de déficit hydrique et repenser ses pratiques

Les forêts dépérissent

Une autre conséquence directe des sécheresses est l’impact sur les milieux forestiers, majeurs dans la région. PACA abrite en effet 1,6 millions d’hectares et représente la deuxième région la plus boisée de France métropolitaine (en proportion de surface boisée), derrière la Corse. Le stress hydrique entraîne des difficultés d’alimentations pour les arbres, dont la croissance est ralentie. Elle induit également une vulnérabilité accrue aux ravageurs (scolytes, chenilles processionnaires, champignons pathogènes…), qui sont par ailleurs favorisés par le climat plus doux. Ces effets liés à la sécheresse s’additionnent à la hausse des températures qui perturbe les cycles de développement des végétaux, ainsi qu’à la pollution de l’air, qui dégrade leur santé. Ces impacts, exacerbés lors d’épisodes de chaleurs et/ou de sécheresses extrêmes, affectent de façon importante les forêts, dans des zones de plus en plus vastes (notamment vers des nouvelles zones en altitude, autrefois épargnées). En conséquence, la moitié des peuplements régionaux étaient considérés comme dépérissants en 2018[16]. Parmi les essences les plus exposées, on compte le sapin, le pin sylvestre, le chêne pubescent ou encore le pin d’Alep. Même les espèces les plus résistantes montrent un fort taux de mortalité.

La dégradation des forêts cause la perte des services écosystémiques liés : production de bois, refuge pour la biodiversité, séquestration du carbone, protection de la ressource en eau, lutte contre l’érosion, tourisme, etc.

De la combinaison des fortes chaleurs, de la sécheresse et du dépérissement des milieux forestiers résulte des conditions idéales pour le déclenchement, le maintien et la propagation des incendies. Ce risque est ainsi en augmentation en particulier pour les Bouches-du-Rhône, le Var et le Vaucluse. La probabilité de feux extrêmes (ou méga-feux) explose, avec une fréquence qui pourrait progresser entre 42 % et 90 % d’ici 2100 en fonction des scénarios[17].

La mer monte, les glaciers fondent

Au-delà de ces événements soudains, le changement climatique a des conséquences sur le long terme, comme l’élévation du niveau de la mer. Déjà mesuré à +20 cm à Marseille, ce phénomène dû à la hausse des températures et la fonte des glaciers est en pleine accélération et a doublé au cours des 20 dernières années pour atteindre la vitesse de 4,4 mm/an. D’ici 2100, cette hausse pourrait atteindre 40 cm à 1 m en fonction des émissions, et bien au-delà si les glaciers venaient à fondre à un rythme plus élevé que prévu. Avec 4 habitants sur 5 vivant en zone littorale, la région PACA est directement exposée à ce risque, qui accentue entre autres l’érosion côtière. Le tourisme, moteur économique de la région, sera impacté par la disparition de certaines plages. Les petites plages qui ne peuvent pas reculer, car accolées à une falaise, une route ou autre obstacle artificialisé ou naturel, sont vouées à disparaître durant la deuxième moitié du siècle. Les infrastructures et habitations de bord de mer sont également concernées, et la seule issue est souvent la relocalisation. Bien que cette option pose des problèmes d’acceptation sociale, elle devient parfois inévitable face à la montée des eaux. La route de Sète à Marseillan, déplacée en 2019, est un exemple de cette relocalisation déjà entamée[18]. L’élévation du niveau de la mer aggrave par ailleurs le risque de submersion, face auquel les marais de Camargue sont en première ligne.

Les littoraux ne sont pas les seules zones touristiques qui souffrent du changement climatique. Les montagnes subissent elles aussi la hausse des températures avec, même en altitude, des nuits tropicales et des records avoisinant les 40 °C. Depuis les années 1960, l’isotherme (c’est-à-dire la ligne d’altitude correspondant à une même température) a grimpé de 300 mètres, impliquant une remontée de la limite pluie-neige. En effet, même si les cumuls de précipitations ont globalement stagné et devraient rester stables à l’avenir dans les zones montagneuses, elles tombent de plus en plus sous forme de pluie et donc moins sous forme de neige, du fait de la hausse des températures. En conséquence, l’enneigement a globalement diminué de 20 % depuis 1960. La couche neigeuse a diminué d’environ 20 cm en moyenne montagne (1000-2000 m d’altitude). Pour les stations de cette altitude, l’avenir du ski pourrait être compromis durant la deuxième moitié du siècle. De plus, les glaciers des Alpes du Sud sont majoritairement appelés à disparaître : selon le GREC Sud, il est hautement probable que 231 des 256 glaciers du massif des Écrins aient disparu d’ici la fin du siècle[19].

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Sources

[1] GREC Sud – Relation entre ozone, qualité de l’air et changement climatique

[2] GREC Sud – La pollution atmosphérique à l’ozone et le changement climatique en région Provence-Alpes-Côte d’Azur

[3] Météo France via Ouest France

[4] GREC Sud – La pollution atmosphérique à l’ozone et le changement climatique en région Provence-Alpes-Côte d’Azur

[5] GREC Sud – Les synthèses des cahiers du GREC-SUD. Enjeux climatiques en région Provence-Alpes-Côte d’Azur

[6] GREC Sud – Enjeux climatiques de la ville de Marseille

[7] Voir lexique

[8] Association Conséquences – Douceur hivernale : l’urgence de penser maintenant l’adaptation

de notre agriculture au climat futur

[9] Voir lexique

[10]  GREC Sud – Les synthèses des cahiers du GREC-SUD. Enjeux climatiques en région Provence-Alpes-Côte d’Azur

[11] Voir lexique

[12] Voir lexique

[13] GREC Sud – Le changement climatique en région Sud et son impact sur la ressource en eau et les milieux aquatiques

[14] Voir lexique

[15] GREC Sud – Enjeux climatiques de la ville de Marseille

[16] GREC Sud – La pollution atmosphérique à l’ozone et le changement climatique en région Provence-Alpes-Côte d’Azur

[17]  GREC Sud – Les synthèses des cahiers du GREC-SUD. Enjeux climatiques en région Provence-Alpes-Côte d’Azur

[18] GREC Sud – Le tourisme face au changement climatique en région Provence-Alpes-Côte d’Azur

[19] GREC Sud – Les synthèses des cahiers du GREC-SUD. Enjeux climatiques en région Provence-Alpes-Côte d’Azur

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