Industrie

La nécessaire et complexe question de la transition climatique pour la chimie

A l’instar de la métallurgie et du ciment, la chimie est une filière méconnue dont les applications se retrouvent pourtant partout dans notre quotidien : produits azotés et engrais utilisés par l'industrie agro-alimentaire, surabondance des produits plastiques et des fibres synthétiques ou encore molécules pour l’industrie pharmaceutique.

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Cette industrie de pointe et à forte valeur ajoutée est également extrêmement polluante puisqu’elle représente à elle seule près de 5% des émissions nationales, comme le rappelle le Shift Project.

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L’industrie chimique représente à elle seule 5% des émissions de gaz à effet de serre françaises

Zoom sur la filière chimie en France

La chimie est l’une des rares filières de l’industrie française qui soit en excédent commercial (exporte plus qu’elle n’importe). Les entreprises qui composent ce secteur, contrairement aux cimenteries et aciéries, sont principalement des PME et des entreprises de taille moyenne. Son chiffre d’affaires s’élève à 120 milliards d’euros par an, avec 45% d’exportations. C’est un secteur à forte valeur ajoutée qui emploie plus de 330 000 salariés, majoritairement dans des emplois qualifiés.

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La production des entreprises de la chimie a pour usages principaux :
– les produits ménagers (emballages, objets de grande consommation, cosmétiques et pharmaceutiques)
– l’agriculture (engrais, pesticides)
– la construction (plastiques, colles, additifs)
– l’industrie automobile (plastiques)

Les émissions de gaz à effet de serre de la filière chimie

La filière de la chimie est, avec la filière cimentière et celle des mines et de la métallurgie, l’une des plus émettrices puisqu’elle représente à elle seule près d’un quart des émissions de l’industrie française.

Elle est la plus grande filière industrielle  consommatrice d’hydrocarbures et d’énergie à l’échelle européenne. Le vapocraquage – procédé permettant d’obtenir des produits chimiques à base d’hydrocarbures (27%), les produits azotés et engrais (14%), ainsi que la production de plastiques (8%) constituent les sources principales d’émissions de gaz à effet de serre pour la filière.

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sites industriels chimiques présents sur le territoire français représentent 50% des émissions de la filière, notamment sur les territoires du Havre, de Fos-sur-Mer et de l’Est.

La filière a réduit de plus de moitié ses émissions de gaz à effet de serre depuis 1990, principalement du fait d’une amélioration de l’efficacité énergétique (moins de consommation pour une production équivalente) et une réduction du N2O – le protoxyde d’azote émis au cours de la production de certains acides. En revanche, ses émissions de CO2 ont stagné tout au long de la période.

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Quelles solutions pour une chimie moins émettrice de gaz à effet de serre ?

Comme l’énonce le Shift Project “les efforts historiquement entrepris par la filière jusqu’à aujourd’hui lui confèrent une potentielle culture industrielle de l’adaptation de ses systèmes de production à la contrainte environnementale”. Pour autant, les solutions proposées par la filière sont encore insuffisantes.

La feuille de route décarbonation du Conseil National de l’Industrie propose l’accentuation des leviers déjà connus et existants et le déploiement de leviers technologiques de rupture (électrification des procédés, hydrogène et captage de carbone) pour réduire les émissions de la filière chimie. Pourtant, la  feuille de route incluant ces propositions ne présente une stratégie qu’à 2030 et n’assure pas de parvenir aux objectifs fixés par les objectifs français de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Par ailleurs, celle-ci n’envisage pas de réduire la demande et la production.

Les recommandations du Réseau Action Climat

Pour atteindre les objectifs fixés au niveau national et européen, la transition de la filière chimie doit être plus ambitieuse, et la nécessaire prise en compte de leviers de rupture tels que l’hydrogène ou l’électrification des procédés ne doit pas céder la place aux leviers non technologiques, tels que la sobriété. Ces efforts devront d’ailleurs intégrer les  impacts et objectifs de réduction des différentes formes de pollutions et des dommages causés à l’environnement, du fait du caractère dangereux des substances chimiques produites.

La sobriété : réduction de l’énergie et de la quantité de matière utilisée

La présence massive de combustibles fossiles dans le secteur chimique, à la fois comme matière première et source d’énergie, entraîne naturellement des émissions de gaz à effet de serre à chaque étape de la vie du produit. Électrifier les procédés de production (en remplacement des énergies fossiles utilisées comme source d’énergie) augmentera automatiquement la demande globale en électricité et en hydrogène, ce qui aura un impact sur la disponibilité en énergie. 

La réduction des matériaux et d’énergie utilisés et une gestion plus efficace de ces ressources doivent être des priorités afin de réduire les impacts environnementaux de la filière chimie ainsi que la dépendance à l’égard des approvisionnements étrangers, notamment dans le contexte du conflit ukrainien.

L’association Négawatt et le Shift Project s’accordent sur la nécessité de diminuer la demande en produits chimiques, par la réduction des besoins en aval de la chaîne de production : celle-ci doit passer notamment par une réduction de la consommation de plastique, ainsi que la diminution de l’utilisation des engrais dans l’agriculture.

L’éco-conception des plastiques pour développer l’économie circulaire et réduire la pollution

Malgré l’attention médiatique portée sur la question des emballages plastiques et la réglementation croissante du secteur, la consommation de plastique continue à augmenter en France. Pour atteindre les objectifs fixés pour la filière de la chimie, il est nécessaire à la fois de réduire la consommation de plastique – via l’éco-conception des produits et l’évolution des usages – et d’augmenter significativement les niveaux de réemploi et de recyclage. La France recycle actuellement 20 à 25% de ses plastiques, un chiffre largement insuffisant quand on le compare par exemple aux projections de Négawatt qui prévoit un taux cible de recyclage des plastiques de 90% à horizon 2050 et taux réel de 41%.

La fin de l’utilisation et de l’exportation des produits chimiques dangereux

Près de 75 % des substances chimiques produites en Europe sont dangereuses pour la santé humaine et/ou l’environnement. L’Agence européenne pour l’environnement a déclaré que la majorité de ces produits (environ 70 000 substances) ne disposait pratiquement d’aucune transparence sur leurs dangers ou leurs expositions. 

L’élimination progressive des substances dangereuses présente le double avantage de s’attaquer à la dangerosité et aux niveaux de production des produits chimiques, ce qui contribue idéalement à réduire l’utilisation des combustibles fossiles. Une première étape consiste à éliminer progressivement les substances chimiques préoccupantes des produits de consommation, en commençant par celles pour lesquelles il existe déjà des alternatives plus sûres comme la pâte à modeler comestible ou le remplacement du bisphénol A.

EN BREF

  • L’industrie de la chimie est une économie à forte valeur ajoutée, bien implantée sur notre territoire, dont les applications sont présentes partout dans notre quotidien 
  • C’est également une industrie polluante : près de 5% des émissions nationales, et fortement consommatrice d’hydrocarbures
  • L’industrie chimique a su se transformer pour réduire une partie de ses émissions depuis les années 1990, mais de nombreuses actions restent à mettre en oeuvre
  • Le Réseau Action Climat appelle à ne pas oublier les leviers d’action suivants :
    • La fin de l’utilisation et de l’exportation des produits chimiques dangereux 
    • La réduction de la quantité de matière et d’énergie utilisée
    • L’éco-conception, notamment des plastiques pour développer l’économie circulaire et réduire la pollution
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