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La France trahit ses engagements climatiques en voulant relancer la quête des hydrocarbures en Guyane

Alors que la France s'est positionnée comme un leader dans la lutte contre les énergies fossiles, en adhérant à des initiatives telles que la Beyond Oil and Gas Alliance, Manuel Valls, Ministre des Outre-mer, a déclaré le 11 février qu’il voulait ré-“ouvrir le débat” sur l’interdiction de la recherche et l'exploitation des hydrocarbures.

Extraction des énergies fossiles, pétrole
©Zbynek Burival

Pourtant, lors de la COP28, la France a adopté une position ferme en faveur de la sortie des énergies fossiles, aujourd’hui retranscrite dans la première version de la troisième Stratégie Nationale Bas-Carbone. Dans les temps critiques que nous traversons, nous attendons de la constance. La COP30, prévue à Belém, au Brésil, en novembre 2025, a besoin de leaders et de pays qui s’engagent véritablement vers la sortie des énergies fossiles, et non de doubles discours.

Cette incohérence flagrante, entre les propos du Ministre des Outre-Mer et les anciennes positions diplomatiques et nationales de la France, menace directement les écosystèmes précieux de la région et bafoue les engagements climatiques de notre pays.

Les territoires d’outre-mer, tels que la Guyane, devraient être soutenus dans un développement qui ne repose pas sur l’exploitation des énergies fossiles. Il est impératif que la France abandonne immédiatement toute tentative de retour en arrière et investisse massivement dans ces régions pour leur permettre un avenir respectueux de l’environnement tout en respectant ses engagements internationaux. Rappelons que l’exploitation du pétrole au large des côtes guyanaises, qui menaçait la pêche locale, la biodiversité marine et le récif corallien de l’Amazone avait remué la vie locale entre 2012 et 2018. Dès 2012, les guyanais se sont mobilisés massivement contre des projets de recherche pétrolière autorisés malgré les risques de marée noire et leur impact climatique. De nouveau en 2018, sur les 7 183 avis déposés lors de l’enquête publique sur les forages de Total en Guyane, deux seulement étaient favorables au projet. Ainsi, le Ministre de l’Outre-Mer se positionne contre les retours du public guyanais émis massivement en 2018. Finalement, Total lui-même avait fini par abandonner ses travaux de recherche quelque temps avant l’annulation de ses autorisations par le tribunal car le gisement n’était pas assez rentable.

En définitive, que ce soit au niveau environnemental, social et économique, l’exploitation pétrolière en Guyane n’a absolument aucun sens en 2025 et il est temps de se tourner vers des filières vraiment durables sur le territoire.

Si le gouvernement entend respecter ses engagements climatiques et réduire la dépendance coûteuse et destructrice aux énergies fossiles, il doit préciser clairement les propos de Manuel Valls, ministre des Outre-Mer, et réaffirmer son engagement pour une sortie juste et équitable de toutes les énergies fossiles. 

Nolwenn ROCCA, coordinateur de Guyane Nature Environnement, 

“Les propos graves et irresponsables du Ministre des Outre-mer ne sont pas surprenants au regard des prises de position extractivistes de l’État Français. Le développement de l’activité minière, qui cause notamment en Guyane une déforestation annuelle de près de 500 ha de forêt primaire selon les chiffres communiqués par les institutions, et les tentatives de relance d’une activité pétrolière ne sont pas à la hauteur des enjeux environnementaux. Ils se heurtent tant à la lutte contre le réchauffement climatique qu’à l’érosion de la biodiversité.”

Christophe Barbarini, référent “Urgence climatique” de l’association Mayotte à Soif 

“La politique  « drill baby drill » ne peut atteindre la France et les DOM sans augmenter leurs risques majeurs d’exposition aux événements climatiques extrêmes liés au dépassement d’1,5°. Si la prospection et l’industrie fossile devaient reprendre en Guyane, elles auraient aussi comme effet  l’aggravation de la vulnérabilité de tous les DOM, dont ceux de l’Océan Indien qui doivent déjà faire face à des cyclones désastreux, tels que Chido récemment à Mayotte. La France risque, par l’annonce du Ministre, d’engager encore plus sa responsabilité dans la mise en danger d’une grande partie de sa population d’Outre-Mer.”

Gaïa Febvre, Responsables des politiques internationales, Réseau Action Climat France 

“À l’approche de la COP30 au Brésil, et alors que nous célébrons les 10 ans de l’Accord de Paris, la France doit faire preuve de constance dans ses engagements. Toute incohérence, telle que la réouverture du débat sur l’exploitation des hydrocarbures en Guyane, nous fait perdre un temps précieux tout en déligitimisant le travail collectif engagé vers la sortie des énergies fossiles. Dans un contexte où le multilatéralisme et les politiques climatiques sont mis à rude épreuve, il est impératif d’honorer nos engagements internationaux et d’arrêter les retours en arrière. “

Fanny Petitbon, Responsable France, 350.org

“Le Premier ministre doit être le garant intransigeant de la loi Hulot et des engagements internationaux de la France pour sortir des énergies fossiles, actés notamment lors de la COP28. Toute tentative de retour en arrière au sein de son gouvernement doit être stoppée net. À moins qu’en tant qu’élu historique de Pau, bastion de Total Énergies, il ne soit tenté de profiter du contexte politique instable pour justifier de nouveaux reculs… Remettre en question l’interdiction de la recherche et de l’exploitation des hydrocarbures en France, et en Guyane en particulier, ferait non seulement perdre toute crédibilité climatique à la France mais surtout condamnerait ses citoyens et citoyennes à subir davantage de cyclones, d’inondations et d’incendies.”

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