La France a-t-elle respecté ses objectifs climat-énergie en 2023 ?
Alors que la France entière attend encore et toujours la dernière mouture de la stratégie climat-énergie du gouvernement, quels sont les progrès réalisés jusqu’à présent ? Depuis 2017, le Réseau Action Climat publie l’Observatoire Climat Énergie, un tableau de bord objectif et indépendant pour le suivi des objectifs nationaux.
En 2023, la France a réussi à respecter le budget carbone que fixait la dernière Stratégie nationale bas carbone (SNBC), avec un peu de marge. En particulier, le secteur des bâtiments continue de voir ses émissions baisser, sous l’effet croisé des prix de l’énergie qui sont restés élevés, mais également de la sobriété volontaire, de la montée en puissance de la rénovation performante des bâtiments et de l’électrification du chauffage.
De même, le secteur de l’industrie continue sa baisse d’émissions. Comme nous le soulignions dans notre rapport sur la décarbonation de l’industrie française, cette baisse repose encore en grande partie sur la baisse de la production, et elle ne pourra se poursuivre sereinement qu’en entamant une véritable transformation industrielle.
Dernier secteur très émetteur qui tient ses engagements, l’agriculture respecte son budget carbone à quelques tonnes près, marqué par la baisse du cheptel bovin (de manière plus ralentie que les années précédentes), mais également par la baisse notable de l’usage d’engrais azotés.
En revanche, le secteur des transports, qui n’a pas connu de grande réorientation, n’atteint pas ses objectifs. Ses émissions baissent toutefois, largement marqué par la hausse des prix des carburants, qui a incité les automobilistes à modifier leurs habitudes et réduire leurs déplacements. En revanche, si l’aviation domestique a connu une légère diminution de ses activités, notons que l’aviation internationale, non incluse dans les émissions territoriales, continue de voir ses émissions s’envoler, avec une hausse de 16% entre 2022 et 2023 !
Enfin, le secteur le plus éloigné de ses objectifs reste celui des forêts et des sols. La croissance des forêts et l’apport de matières organiques aux sols doit absorber le carbone que les autres secteurs continueront d’émettre. Cependant, les forêts ne sont pas en forme, heurtées par des sécheresses et des parasites renforcés par le réchauffement climatique. En fin d’année, et d’après des chiffres encore à consolider, les puits de carbone français n’ont absorbé que la moitié de l’objectif, trop élevé, issu de la SNBC. Un rappel qu’il faut repenser notre politique forestière pour privilégier la durabilité des forêts plutôt que leur rentabilité, mais aussi renforcer la baisse des émissions dans les autres secteurs.
Du côté de notre énergie, le tableau est contrasté. La réduction globale de notre consommation d’énergie a permis de tenir nos objectifs de baisse de la consommation d’énergie fossiles, hormis pour les produits pétroliers où la consommation dépasse légèrement l’objectif. En revanche, la France n’atteint que cette année l’objectif de part d’énergies renouvelables qu’elle s’était fixée pour 2020, avec 22,2% de l’énergie finale brute consommée. En réalité, c’est surtout la baisse, en grande partie contrainte, des consommations qui a permis l’atteinte de nos objectifs. La sortie des énergies fossiles ne pourra être réalisée suffisamment rapidement que si la France renforce sa production d’électricité au plus vite, c’est-à-dire en accélérant sérieusement sur l’énergie éolienne et le photovoltaïque.
Un tableau contrasté qui appelle à des changements structurels
En fin de compte, les chiffres de l’Observatoire Climat Energie font preuve d’une atteinte fragile des objectifs climatiques, et permettent d’identifier les faiblesses des politiques sectorielles qui doivent être comblées en priorité. Une nouvelle fois, le Réseau Action Climat appelle à prendre la mesure de l’urgence climatique et à agir rapidement, mais surtout de manière ambitieuse et non seulement cosmétique, ou par des mesurettes qui ne seraient que des pansements sur des plaies béantes.
Les mois prochains seront critiques pour la planification écologique. Non seulement des changements structurels sont nécessaires afin de pérenniser les avancées conjoncturelles après la sortie de la crise des prix de l’énergie, mais la France devra aussi se doter de nouveaux objectifs, rehaussés en accord avec les règles européennes, sur le climat et l’énergie.
La 3e SNBC et la 3e PPE (Programmation pluriannuelle de l’énergie), qui auraient dû être publiées avant juin 2023, et dont la mise en consultation publique est urgente, doivent donc nous permettre de passer une vitesse et d’activer les leviers réellement efficaces et suffisamment ambitieux pour atteindre la neutralité carbone le plus vite possible, tout en apportant des solutions concrètes et accessibles aux ménages pour sortir de la dépendance aux énergies fossiles.
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