La consommation d’électricité stagne : l’heure de l’ambition, pas de l’abandon
L’entreprise RTE, gestionnaire du réseau public de transport d’électricité, vient de publier son bilan prévisionnel, explorant des trajectoires possibles pour le système électrique d’ici à 2035. Ce bilan nous montre que la France n’est pas sur la trajectoire d’une transition énergétique sérieuse, et qu’un sursaut rapide doit avoir lieu.

Contrairement à ce que prévoyaient les trajectoires de la planification énergétique, la consommation d’électricité n’a pas augmenté ces dernières années. Cette stagnation ne résulte pas, hélas, d’investissements massifs dans les économies d’énergie, mais d’un soutien à l’élimination des énergies fossiles désordonné et volontairement sous-financé.
A titre d’illustration, les aides budgétaires à l’électrification des véhicules sont passées de 1,8 Md€ en 2023 à 0,7 Md€ en 2025. Comme pour les aides à la transition dans l’industrie ou le bâtiment, leurs modalités et leur ampleur ont changé de nombreuses fois, empêchant une visibilité de long terme pourtant nécessaire à la sortie des énergies fossiles. Le Réseau Action Climat demande une trajectoire stable et financée pour l’élimination des énergies fossiles.
Par ailleurs, la situation actuelle sur la consommation d’électricité est récupérée par des discours opportunistes et défaitistes, qui soutiennent qu’il faudrait s’en satisfaire, et mettre à l’arrêt les filières d’électricité renouvelable.
Or d’une part, les appels d’offres qui seront ouverts dans les prochains mois porteront sur des projets qui produiront autour de 2030. Arrêter le soutien aux énergies renouvelables aujourd’hui, c’est décréter que la production d’électricité n’augmentera pas dans 5 ans. Un tel choix obligerait à abandonner les objectifs d’électrification, donc de sortie des fossiles.
Par ailleurs, les énergies renouvelables, quand elles sont co-portées entre acteurs économiques, collectivités et citoyens, sont vecteurs de richesses locales partagées.
Enfin, rappelons que les éoliennes installées en France sont toutes européennes, et que la France abrite 2 usines pour l’éolien en mer, et 2 projets d’usines de panneaux solaires, à même de produire 10 GW/an dans les prochaines années. Ces filières sont en concurrence féroce à l’international et ont besoin d’un soutien et d’un marché domestique. En d’autres termes, abandonner les filières industrielles de l’éolien et du photovoltaïque, c’est en faire cadeau à la Chine, et sacrifier des dizaines de milliers d’emplois actuels ou à venir.
A l’inverse, les enseignements du bilan prévisionnel de RTE devraient conduire la France à soutenir le développement des lignes électriques connectant les réseaux européens, ainsi que celui du stockage et des moyens de flexibilité.
RTE rappelle que “les bénéfices d’un système électrique interconnecté à l’échelle européenne sont confirmés”. En effet, les interconnexions permettent de renforcer la solidarité du système électrique européen, en permettant l’accès à une électricité au prix le plus bas possible, et en améliorant la résilience face aux aléas. Ainsi, en 2022, les interconnexions ont été indispensables pour surmonter la crise causée par l’arrêt simultané de la moitié du parc nucléaire français.
Enfin, face à la surproduction actuelle d’électricité, il est temps d’avoir un débat sur la mise sous cocon de réacteurs nucléaires, c’est-à-dire leur arrêt temporaire au fur et à mesure qu’un mix adéquat d’énergies renouvelables permet de remplacer leur production. RTE souligne que “Le pays […] devra avoir constitué une surcapacité avant l’arrêt des réacteurs nucléaires de seconde génération […] sauf à lisser ces fermetures“. En mettant à l’arrêt un ou plusieurs réacteurs, tout en gardant la possibilité de les redémarrer en cas de besoin, la France réduirait le besoin de modulation du reste du parc nucléaire, et pourrait anticiper la fin de vie du parc historique, évitant ainsi “l’effet falaise”, c’est à dire la fermeture en quelques années d’un grand nombre de réacteurs nucléaires ayant le même âge.

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