Jamais 2 sans 3 : le Projet de loi de finances rectificative (PLFR) fait de nouveau l’impasse sur l’écologie
Le 3ème projet de loi de finances rectificative depuis le début de la crise du Covid-19 a été présenté au Conseil des ministres.
Ce matin le 3ème projet de loi de finances rectificative depuis le début de la crise du Covid-19 a été présenté au Conseil des ministres. Il ajoute 40 milliards d’euros au compteur des financements de sauvetage et de relance de l’économie (20 milliards d’euros de soutien financier direct et 300 milliards d’euros de prêts garantis aux entreprises). Le Réseau Action Climat regrette que le Gouvernement ait de nouveau pris des décisions doublement néfastes pour le climat. D’abord car il finance des activités économiques à l’origine de la crise climatique sans contreparties écologiques et sociales fortes et contraignantes ; ensuite car il n’apporte pas l’argent nécessaire pour accélérer la transition écologique et baisser les émissions et les inégalités sociales.
Encore des chèques en blanc aux entreprises
Accorder des financements pour payer des salaires et éviter que la crise sanitaire se transforme immédiatement en crise sociale parait essentiel. Il est cependant déconcertant que le Gouvernement priorise la sauvegarde des activités des secteurs polluants tout en communiquant sur des améliorations environnementales insuffisantes et sans s’assurer qu’un maintien des emplois est garanti, alors qu’une incertitude pèse sur les plans sociaux que mettront en place ces entreprises. Au-delà des dispositifs de droit commun visant à accompagner les salariés en situation de licenciement économique, il faut dès maintenant renforcer ces outils, pour organiser les reconversions des salariés des entreprises concernées et leurs sous-traitants vers des emplois verts.
Le Réseau Action Climat demande que les grandes entreprises qui reçoivent des aides (aides directes ou prêts garantis par l’État) dans le cadre de la crise du Covid-19 soient soumises à des stratégies climatiques conformes aux objectifs de l’Accord de Paris, définies par le Haut Conseil pour Climat en fonction de leur secteur d’activité. Dès la fin de l’année prochaine, elles devront justifier des baisses d’émissions en cohérence avec une trajectoire +1,5°C. En cas de non respect, elles devront rembourser l’équivalent de l’aide reçue ainsi qu’une amende de dépassement des émissions, et ne pourront verser de dividendes pour l’exercice 2021. L’objectif concernant une baisse des émissions devra être complété par des engagements spécifiques aux différents secteurs concernés (l’automobile et l’aérien en particulier).
Il parait également urgent d’appliquer la recommandation de la Commission européenne et d’inscrire dans ce PLFR une interdiction d’un versement de dividendes et versement de bonus aux mandataires sociaux pendant la crise, sans exception, et la mise en place d’un encadrement des dividendes après la crise pour toutes les entreprises.
23 milliards d’euros pour les secteurs aérien et automobile sans réelles contreparties
Le Gouvernement vient d’accorder 15 milliards de soutien spécifique à la filière aéronautique, dont 7 milliards de soutien à air France, qui s’ajoutent au report de taxes de 700 millions d’euros déjà actés au bénéfice des compagnies aériennes. Les 1,5 milliards d’euros d’investissement dans un fonds pour des avions dits « zéro carbone», seul gage donné par le Gouvernement en plus des faibles éco-conditionnalités pour Air France, montre que la question de la réduction de l’impact climatique de l’aérien n’est pas prise au sérieux.
Le secteur automobile bénéficie lui de 8 milliards d’euros de soutien dont 400 millions d’euros dont une grande partie permettra de déstocker des véhicules diesel et essence neufs.
Pour le Réseau Action Climat il reste impératif de mettre en place de réelles mesures de transition de ces secteurs : réforme de la fiscalité automobile pour favoriser l’achat de véhicules réellement moins émetteurs et l’accès de tous à d’autres solutions de mobilité, mise en place de mesures ambitieuses de réduction du trafic aérien.
Collectivités territoriales : les premières lignes de la transition sous financées et sous accompagnées
Les collectivités territoriales, qui ont de plus en plus de compétences en termes de transition écologique et qui portent plus de 70 % de l’investissement public, voient leur équilibre financier d’ores et déjà compromis.
Face aux estimations du Gouvernement d’une diminution des recettes d’environ 7,5 milliards d’euros en 2020, le PLFR propose 4,5 milliards d’euros pour l’ensemble des collectivités, dont une hausse de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) d’un milliard d’euros supplémentaire en 2020, pour engager la relance dans les territoires.
Le Réseau Action Climat demande que cet argent soit fléché en priorité sur les secteurs de la transition (rénovation en haute performance, développement des énergies renouvelables, notamment citoyennes, développement de la mobilité durable, économie circulaire, restauration collective biologique, moins carnée et locale et développement de systèmes alimentaires durables, etc.), tout en rejetant les secteurs les plus émetteurs.
Par ailleurs, cette augmentation demeure très en deçà des besoins de financement et ne résout pas le besoin des collectivités en dépenses de fonctionnement (ingénierie, formation, services, etc.) pour mettre en œuvre les politiques de la transition écologique et solidaire : le Réseau Action Climat recommande au Gouvernement, lors du projet de loi de finances 2021, de faire des contrats de transition écologique des outils de la relance et de l’accélération de la transition écologique en leur adossant des dispositifs financiers exceptionnels et d’ampleur permettant d’accompagner les transitions, tout en améliorant la méthode de conception, de suivi et l’inclusion effective des différentes parties prenantes.
Une stratégie de croissance de la consommation incompatible avec les objectifs climatiques
L’exposé du PLFR3 confirme les annonces du Gouvernement de viser la croissance de la vente de biens et de services pour augmenter l’assiette de la TVA, pour rembourser la dette contractée pour faire face à la pandémie. C’est nier que l’empreinte carbone des produits que nous importons représente désormais 57 % de nos émissions de gaz à effet de serre. Il est donc incohérent de vouloir “décarboner l’économie”, selon les mots de Bruno Le Maire, pour lutter contre le changement climatique, tout en cherchant à augmenter la consommation de façon indiscriminée.
Le Réseau Action Climat demande que le Gouvernement élabore un plan de baisse graduelle de la mise en marché de produits neufs dans les secteurs polluants (textile, électronique, plastique…), de préservation et création d’emplois dans les secteurs par une refonte de l’aménagement commercial (préservation des petits commerces par l’arrêt des projets de e-commerce et des zones commerciales), une relocalisation d’une partie de la production et le développement massif du réemploi et du recyclage (pacte productif).
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