International

L’engagement de la Chine pour la COP21 : un pas en avant

Le 30 juin 2015, la Chine a officiellement publié sa proposition d’engagement national pour la Conférence de Paris sur le climat en novembre-décembre.

xi_jinping
Xi Jinping, président de la République populaire de Chine

Cette annonce peut marquer le début d’un rôle bien plus actif de la Chine dans la lutte internationale contre le changement climatique. Mais la Chine aurait plus aller plus loin encore, en prenant acte des transformations énergétiques profondes que son économie est en train de connaître : explosion des énergies renouvelables, baisse de la consommation de charbon, meilleure efficacité énergétique, etc.
Le 30 juin 2015, la Chine fut le 42e pays de la planète à annoncer sa « contribution nationale » pour Paris Climat 2015. Cette contribution nationale fait suite à de premières annonces réalisées fin 2014 dans le cadre d’un accord bilatéral sur le climat entre la Chine et les États-Unis.
Ensemble, les États-Unis, la Chine et l’Europe représentent plus de la moitié des émissions totales de gaz à effet de serre dans le monde.

En bref…

Avec cette première annonce inscrite officiellement à l’Onu, la Chine remplit sa part du « contrat mondial » des efforts à déployer pour maintenir le réchauffement planétaire en-deçà de 2°C par rapport à la période pré-industrielle… au contraire des pollueurs historiques que sont les États-Unis, l’Europe, le Canada etc. qui, eux, refusent toujours de prendre leurs responsabilité. Cette annonce chinoise peut marquer le début d’un rôle très actif de la Chine dans la lutte internationale contre le dérèglement climatique.

La Chine représente 28% des émissions mondiales de CO2, ce qui en fait le plus gros émetteur mondial. Cependant, cette situation est récente. Elle fait suite à une augmentation rapide et sans précédent des émissions de gaz à effet de serre du pays. Sur la période 1850-2000, les émissions cumulées chinoises ne représentent que 11% des émissions mondiales cumulées. Mais au cours de la dernière décennie, les émissions chinoise ont doublé, de même que les émissions par tête (8 gigatonnes de CO2 par habitant, sans enlever les émissions exportées). C’est le niveau d’émissions d’un Européen.

Dans le cadre de la préparation de la Conférence de Paris sur le climat, la Chine pourrait remplir plus que sa part du contrat au niveau international. Au rythme où se développent les énergies renouvelables en Chine, et compte tenu de la baisse de la consommation de charbon, elle pourrait prévoir de stopper la hausse de ses rejets de gaz à effet de serre bien plus tôt que 2030, aux alentours de 2020. C’est réaliste avec la transition énergétique en cours en Chine. Et cela aurait un impact considérable sur la stabilisation du climat et sur le succès des négociations de l’ONU, avant la Conférence de Paris sur le climat en décembre.

Que contient la contribution nationale chinoise ?

  • L’objectif de faire culminer ses émissions de CO2 avant 2030, avec l’intention d’y parvenir avant.
  • Atteindre 20% d’énergies non fossiles dans son mix en 2030. Elle ne dit pas quelle part sera remplie par les renouvelables (l’autre part étant le nucléaire).
  • Un pourcentage de réduction de l’intensité carbone du pays d’ici 2030 par rapport à 2005 (nouveau par rapport à l’accord sino-américain) : ce chiffre est de 60 à 65% de baisse par rapport à 2005 et d’ici à 2030. C’est un élément essentiel de l’INDC, et chaque point de pourcentage de ce chiffre compte pour le climat. La Chine avait un objectif de -40 à 45% de baisse de l’intensité carbone pour 2020. Pour 2030, la Chine aurait pu viser au-delà de 80%.
  • 20% non-fossiles qui sera remplie par les énergies renouvelables.
  • Des détails sur les politiques et mesures sectorielles pour atteindre ces objectifs.

Notre analyse

La Chine est en train d’opérer un tournant économique profond, se traduisant par une réduction de l’utilisation des énergies fossiles pour accroître les énergies renouvelables. Ces transformations en cours ont des conséquences directes sur le niveau mondial des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Elles montrent aussi que l’action sur le climat est non seulement possible, mais aussi bénéfique. C’est un enseignement important pour les grands pollueurs historiques (États-Unis, Russie, Europe, Canada, Japon, etc.), qui ont présenté des engagements bien plus modestes et demeurent aveugles face aux nombreux avantages apportés par la transition énergétique.

  • Explosion des énergies renouvelables en Chine : Aujourd’hui, la Chine investit autant dans les énergies renouvelables que l’Europe et les États-Unis réunis. Elle représente 21% des investissements mondiaux (IRENA, 2015). La demande supplémentaire en énergie est désormais satisfaite par les renouvelables. Dans le pays 3,4 millions de personnes travaillaient déjà dans les énergies renouvelables en 2014 (chiffres IRENA). 500 000 emplois supplémentaires seront créés avec ce premier plan présenté par la Chine, et 100 000 vies épargnées.
  • Baisse de la consommation de charbon : En parallèle, la consommation de charbon baisse depuis deux ans, entraînant avec elle la chute des émissions de CO2 en 2014 et au premier trimestre 2015.

Désormais, la question est de savoir si le gouvernement chinois va accélérer ce tournant économique et écologique, pour aider à contrer la crise climatique.

Reste à savoir également si ce nouvel engagement de la Chine va transformer son comportement dans les négociations internationales de l’ONU sur le climat avant la conférence de Paris. Va-t-elle jouer le jeu de la négociation internationale, et faciliter la conclusion d’un accord ambitieux sur le climat ? Pour être efficace, cet accord devra intégrer des outils de vérification des actions mises en œuvre par les pays, un objectif de zéro émissions liés aux combustibles fossiles en 2050 et de 100% d’énergies renouvelables au même horizon, et répondre de manière tout aussi prioritaire aux besoins d’adaptation.

On peut s’interroger sur la réaction des grands pollueurs historiques (États-Unis, Europe, Japon, Canada, Russie, Australie, etc.), notamment dans la négociation internationale, face à l’engagement clair de la Chine pour l’action climatique. Tous ces pays se sont alignés sur des engagements climatiques très modestes pour la Conférence de Paris, refusant ainsi d’assumer leurs responsabilités. Ces engagements sont nettement insuffisants au regard de leur responsabilité historique dans le changement climatique et de leurs capacités financières et technologiques. Leurs engagements sont aussi bien trop faibles par rapport à l’objectif de limiter le réchauffement à moins de 2°C.

La Chine pourrait aller plus loin encore

La Chine pourrait tout d’abord annoncer une date pour le « pic » de ses émissions de gaz à effet de serre (c’est-à-dire l’année où les émissions cessent d’augmenter) bien plus tôt que 2030, aux alentours de 2020. Des études récentes, plutôt conservatrices, montrent qu’un pic d’émissions en 2025 est tout à fait réaliste, compte tenu de la baisse de la consommation de charbon depuis 2 ans (voir par exemple : Nick Stern et al., 2015). La Chine devrait prendre acte de cette réalité dans son engagement pour la COP21 de Paris. Mais pour que le pic des émissions chinoises aide à contenir le réchauffement, il faut non seulement qu’il intervienne le plus tôt possible, mais aussi que les émissions chinoises commencent rapidement à décliner (plutôt que de rester stables pendant une longue période).

Ensuite, la Chine pourrait décider de se placer sur une trajectoire cohérente avec un objectif de long terme (soit 2050) de 100% d’énergies renouvelables et zéro émissions de CO2. Comme les autres grands pollueurs, la Chine a beaucoup à gagner dans la réduction de la consommation d’énergies fossiles. C’est un importateur net d’énergies fossiles. Elle pourrait donc réduire sa facture d’importations énergétiques en produisant des énergies renouvelables sur son immense territoire. Une réalité que le pays a bien comprise : depuis 2013, il est le premier investisseur mondial dans les énergies renouvelables (54,2 milliards de dollars). Les problèmes de santé liés à la pollution de l’air (causée par la combustion des énergies fossiles) sont aussi une incitation évidente du gouvernement pour agir. Des mesures ont déjà été prises dans le plan quinquennal actuel chinois pour limiter la pollution de l’air, notamment par la fermeture de centrales au charbon.

D’après une nouvelle étude de l’institut New Climate pour le Réseau Action Climat International, si la Chine s’engageait sur une trajectoire plus ambitieuse, elle pourrait espérer des co-bénéfices totaux bien plus importants : 1,4 million d’emplois supplémentaires et 1,1 million de décès évités (p.3) rapport au scénario actuel avec INDC). La Chine se prive de donc de la plus grande partie des co-bénéfices potentiels liés à l’action climatique.

benefits_climate_action

Sur l’intensité carbone (CO2 émis pour produire une unité de PIB), si le chiffre de -65% se confirme, il s’agit d’une projection moyenne. Il existe des scénarios plus ambitieux. L’Agence internationale de l’énergie estime, dans ses scénarios permettant de rester sous la barre de 2°C, que la Chine devrait plutôt réduire son intensité carbone de 80% d’ici à 2030.

En Chine, les politiques publiques existantes (sur le développement des énergies renouvelables notamment) ne seront pas suffisantes pour aider à contenir le réchauffement et pour atteindre l’objectif proposé de 20% de renouvelables en 2030. Il faudra que le pays adopte de nouvelles mesures pour attendre son objectif à horizon de 2030. En termes de nouvelles capacités d’énergies renouvelables (solaire, éolien, hydraulique et biomasse), cela représente l’équivalent de ses capacités actuelles de centrales au charbon. Et autant que la totalité des capacités actuelles de production d’électricité aux États-Unis.

Plus d'actualités