Egalité de Genre : un enjeu crucial pour les associations environnementales
En ce jour du 8 mars, la Journée internationale des droits des femmes, le Réseau Action Climat et SHE Changes Climate France se mobilisent pour rappeler que la lutte contre le changement climatique est fortement liée à la lutte pour l’ égalité de genre.

Lutter pour le respect de l’environnement, c’est aussi lutter pour la justice climatique, qui porte la vision d’un monde où les droits des personnes en situation de vulnérabilité, marginalisées ou discriminées sont mieux protégés et sont au cœur des décisions politiques et sociales.
Egalité de Genre : de quoi on parle?
L’égalité de genre est souvent employée pour désigner l’égalité effective des droits entre les femmes et les hommes dans une société. Cela signifierait que les femmes et les filles auraient accès de la même manière que les hommes et les garçons à l’éducation et aux savoirs, au travail, au loisirs et qu’elles ne seraient pas victimes de discrimination liées à leur sexes.
Mais l’avantage du concept d’égalité de genre, c’est qu’il va plus loin et concerne aussi la division du travail entre femmes et hommes, notamment l’assignation des responsabilités liée au “care” et le travail gratuit qui en découle prioritairement attribué aux femmes. Ce concept recouvre aussi les normes sociales liées à l’orientation et à l’identité de genre. Elle prend donc en compte la lutte contre l’homophobie, par exemple, et promeut les droits des personnes des communautés LGBTQIA+.
Quel est le lien avec le changement climatique?
Les femmes et les minorités de genre sont plus impactées par le changement climatique, comme d’autres populations en situation de vulnérabilité ou discrimination.
Le 6ème rapport d’évaluation du Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’évolution du Climat (GIEC) accorde une grande attention aux moyens équitables pour atténuer les effets du changement climatique et s’y adapter, ce qui inclut la prise en considération des questions de genre. C’est également reconnu officiellement dans le contexte de la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC), qui note que « les femmes sont généralement confrontées à des risques plus élevés et à des charges plus lourdes face aux impacts du changement climatique dans les situations de pauvreté, et la majorité des personnes pauvres dans le monde sont des femmes1 ».
Quelques statistiques traitées par l’Union Européenne (UE) sont indéniables : 80% des personnes déplacées à cause du changement climatique sont des femmes, ou encore les femmes et enfants pauvres ont 14 fois plus de chances de mourir dans une catastrophe climatique comme des inondations ou un ouragan2. Cette vulnérabilité n’est pas liée à des raisons biologiques, mais découle d’inégalités de genre préexistantes et des rôles et responsabilités attribués selon le genre dans les sociétés.
Les femmes ont pourtant un rôle moteur à jouer dans les solutions face au changement climatique. Selon la CCNUCC, « les femmes peuvent jouer (et jouent) un rôle essentiel dans la réponse au changement climatique en raison de leurs connaissances locales et de leur leadership dans la gestion durable des ressources, par exemple3 ». Dans les parties du monde où l’agriculture de subsistance joue un rôle crucial, elles sont détentrices de savoir-faire utiles respectueux de l’environnement. Il est démontré également dans le rapport du CESE (Conseil Economique, Social et Environnemental4), en France mais aussi dans d’autres pays, qu’elles adoptent plus volontiers des comportements de consommation durables, que ceux-ci soient économiquement contraints ou non.
Pourtant, les femmes, en particulier celles les plus impactées par les crises climatiques et environnementales, sont largement sous-représentées au sein de la sphère climat, au niveau international comme au niveau national. Elles représentaient 23.3% des ministres en fonction au 1er Janvier 2024. Seuls 15 pays au monde ont au moins 50% de femmes ministres. Le niveau moyen de femmes élues dans les parlements nationaux à l’échelle globale stagne à 27%, seuls 6 pays au monde ont atteint la parité. Dans les instances locales, les femmes représentent 35,5% des élu.es, selon les données collectées dans 141 pays, et seuls 3 pays ont atteint la parité5.
Comment mieux lier les deux luttes ?
1. Penser la transition écologique comme une manière de lutter pour une société meilleure et donc pour l’égalité de genre
Adopter des politiques climatiques transformatives des relations de genre permet de s’attaquer aux causes profondes des inégalités, telles que les rôles genrés ou les normes socialement construites6.
Un exemple : Une transition juste vers la sortie des énergies fossiles ne doit pas seulement être comprise comme l’abandon progressif des industries polluantes dominées par les hommes et des environnements de travail malsains qui ne priorisent pas le bien-être et le développement professionnel des employé·es, mais aussi comme une transformation visant à réduire l’insécurité économique et les emplois informels non reconnus et pour lesquels les travailleur·euses ont peu accès aux droits et à la protection sociale, ou encore à réduire et redistribuer équitablement la charge du travail de soin non rémunéré.
Un autre exemple est celui de la diplomatie féministe, qui est un moyen de mieux appréhender les dynamiques de pouvoir dans le monde, mais aussi d’analyser du point de vue des plus vulnérables et marginalisé·es au lieu d’avoir une approche fondée sur la domination militaire ou économique.
2. Mieux financer la lutte pour l’égalité de genre
Le manque d’accès aux financements, à des technologies équitables et aux formations ou renforcement de capacités reste la barrière la plus importante pour que les femmes et les personnes issues de la diversité de genre exercent leurs droits et déploient tout leur potentiel en matière d’action climatique. Il est estimé que moins de 1% de la finance climat mondiale (privée et publique) atteint les organisations de femmes du niveau local. Par ailleurs, il est important de noter que moins de 1% de l’Aide Publique au Développement vise à lutter contre les violences sexuelles et sexistes7.
Or l’expérience montre que lorsque le financement public de l’action climatique est sensible au genre, l’efficience et la durabilité des investissements augmentent. Par exemple, en Afrique subsaharienne, qui est l’une des régions les plus vulnérables au changement climatique, les femmes sont les principales productrices agricoles, représentant jusqu’à 80% de la production alimentaire8. Cependant, elles sont rarement propriétaires des terres sur lesquelles elles travaillent, et sont donc souvent exclues des consultations formelles visant à déterminer les besoins d’adaptation des communautés rurales. De ce fait, elles ne sont pas en mesure d’influencer les stratégies d’adaptation pour l’agriculture, d’obtenir des financements adaptés à leurs priorités et leurs besoins ou d’autres services de formation ou soutien du secteur agricole. Pour être efficaces, les financements d’adaptation doivent absolument tenir compte de la dimension genre de la production, de l’achat et de la distribution des denrées alimentaires dans les ménages et sur les marchés.
3. Avoir une COP30 ambitieuse sur le sujet du genre en novembre 2025
Au niveau international, l’espace dédié au climat est assez concentré sur les COP, organisées tous les ans depuis le sommet de Rio en 1992. Il se trouve que dans ce cadre, un Programme de travail sur le Genre a fini par voir le jour en 2014 et a continué de tenter d’imposer le sujet auprès des Etats.
La COP29 à Bakou était cruciale pour les questions d’égalité de genre, et elle a permis d’arracher la continuation de ce programme dans les COP pour 10 ans. Les négociations ont été très tendues et, au-delà de certains pays qui ne veulent pas reconnaître les spécificités du lien entre les droits des femmes et la lutte contre le changement climatique, le texte n’a pas du tout intégré les minorités de genre. Mais il est encore temps de rectifier le tir, grâce à un Plan d’Action Genre qui devra être dessiné à la COP30 en novembre 2025 à Belem, au Brésil. Si ce plan doit absolument avoir une approche transversale et intersectionnelle du genre et sans pour autant sacrifier les indispensables progrès concernant les droits des femmes, il doit aussi être concret et pousser les Etats à mieux mettre en œuvre leur politique climatique en y intégrant un volet égalité de genre.

1 https://unfccc.int/gender
2 Communiqué de presse, Gender Action Plan – putting women and girls’ rights at the heart of the global recovery for a gender-equal world, Novembre 2020, https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/IP_20_2184
4 Conseil Economique, Social et Environnemental, Inégalités de Genre, Crise Climatique et Transition Ecologique, Mars 2023, https://www.lecese. fr/sites/default/files/pdf/Avis/2023/2023_05_inegalites_genre_.pdf
5 ONU Femmes, Faits et Chiffres : le leadership et la participation des femmes à la vie politique, consulté en juillet 2024 https://www.unwomen.org/ fr/what-we-do/leadership-and-political-participation/facts-and-figures
6 Climate Action Network Europe, Towards a Feminist Foreign Climate Policy: considerations for the EU, Juin 2023, https://caneurope.org/towards-a-feminist-foreign-climate-policy-considerations-for-the-eu/, page 6
7 Pour plus de détails, voir Heinrich Böll Stiftung Washington, DC and Gender Action, More than an add-on? Evaluating the integration of Gender in the Green Climate Fund projects and programs, Octobre 2021, https://us.boell.org/en/2021/10/26/more-add-evaluating-integrationgender-green-climate-fund-projects-and-programs et Gender and Climate Finance, 2020, https://climatefundsupdate.org/publications/gender-and-climate-finance-2020/
8 FAO, The Status of women in agrifood systems, 2023, https://openknowledge.fao.org/items/adc0741f-9de2-4d09-ae68-b19cc871601a
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