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Du G20 à la COP28, des moments clés pour la diplomatie climatique

Cette année les rencontres politiques de haut niveau sont animées par trois enjeux cruciaux, qui seront aussi ceux de la COP28.

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Cette année les rencontres politiques de haut niveau sont animées par trois  enjeux cruciaux, qui seront aussi ceux de la COP28 : la  réforme indispensable de l’architecture financière internationale ; la mobilisation de financements publics additionnels ; l’inévitable sortie des énergies fossiles pour limiter le réchauffement climatique en-deçà d’1,5°C. Du sommet organisé à Paris en Juin pour définir un Nouveau Pacte Financier Mondial à la conférence des banques de développement, en passant par le sommet Africain début septembre à Nairobi et le G20 à New Delhi, nous faisons le point ici sur les enjeux et conclusions de ces temps politiques qui pourraient crisper ou faciliter les négociations à la COP28. 

L’architecture financière actuelle constitue un obstacle majeur à la capacité des États de garantir la protection des peuples et de l’environnement. De nombreux gouvernements, institutions financières, organisations intergouvernementales et systèmes économiques en place continuent d’accélérer les crises du climat et de la biodiversité, d’exacerber la pauvreté, d’enraciner l’inégalité et l’injustice et ne sont pas en mesure de financer la transformation qui s’impose d’urgence, pour faire face à ces crises qui s’additionnent et s’imbriquent. L’architecture financière internationale mondiale est devenue de plus en plus incompatible avec les réalités, les besoins et les défis d’aujourd’hui. En effet, elle creuse la dette de ces États au lieu de la résorber, et freine leur capacité à lutter contre les changements climatiques. 93% des pays vulnérables aux changements climatiques se trouvent dans une situation de surendettement ou sont exposés à un risque important de surendettement . Ce piège de la dette conduit bien souvent au piège de l’exploitation des énergies fossiles, pour générer la manne financière dont ces pays ont besoin pour faire face à de multiples crises et rembourser leur dette. 

Outre la crise de la dette Nord-Sud, la question de la gouvernance est au cœur des préoccupations, car les pays du Sud sont structurellement sous-représentés dans les instances de décision de cette architecture financière (Banque Mondiale, FMI, Banques de développement ou encore groupes informels G7 et G20). 

Malheureusement, le sommet de Paris pour un Nouveau Pacte financier qui s’est tenu en juin 2023 a débouché sur un résultat plus que mitigé. La feuille de route du Sommet de Paris reconnaît l’urgent besoin de ressources financières pour soutenir l’action climatique, mais ne prévoit pas d’annulations de dettes sauf des “pauses” dans certains cas précis. Elle s’appuie aussi trop lourdement sur les investissements privés et attribue un rôle très important aux banques multilatérales de développement où malheureusement, les pays en développement sont structurellement sous-représentés. 

Le G20, moment pivot avant la COP28 ?

Les dirigeant.e.s du G20 se sont réunis à New Delhi, en Inde, les 9 et 10 septembre. C’était l’occasion de donner un ton ambitieux avant la COP28, mais, les pays étaient encore en désaccord sur des engagements clés – et fondamentaux – en matière d’action climatique : la sortie des énergies fossiles et la mobilisation des financements pour le climat.  

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Les États du G20 dans leur déclaration commune, n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur l’élimination progressive et équitable des combustibles fossiles. Le texte appelle seulement à « accélérer les efforts vers la réduction de la production d’électricité à partir de charbon », ce qui n’inclut ni le gaz ni le pétrole. Il n’y a pas d’évolution sur la fin des subventions aux énergies fossiles, il est toujours seulement question de réduire et rationaliser à moyen terme les subventions pour des usages inefficaces des énergies fossiles. Pourtant elles représentent un frein massif à la transition énergétique dans le monde. Les États du G20 auront l’occasion de rectifier le tir lors du sommet de l’Ambition organisé par le Secrétaire Général des Nations Unies le 20 septembre prochain. 

Par contre et pour la première fois, les pays du G20 déclarent encourager  les efforts visant à tripler la capacité mondiale en matière d’énergies renouvelables d’ici à 2030, tout en prenant note du plan d’action volontaire visant à doubler l’efficacité énergétique également d’ici 2030 Toutefois, il est important de rester vigilant : qu’en sera-t-il au-delà de 2030 ? et comment assurer la mise en œuvre, le suivi et l’évaluation de ces objectifs ? 

Dans la perspective de rétablir la confiance, il est impératif de mobiliser des financements additionnels adaptés aux besoins des pays en développement en matière de lutte contre la crise climatique. La déclaration souligne que la mise en œuvre des plans climat des pays en développement nécessite de mobiliser 5,8 à 5,9 trillions d’USD avant 2030, mais se contente de répéter que l’objectif de soutien de 100 milliards de dollars USD par an sera atteint en 2023. Malheureusement, une promesse faite sur la base d’une autre promesse ne permettra pas rétablir la confiance.

En ce qui concerne le surendettement qui plombe ou menace de nombreux pays en développement de la planète, le G20 a créé un “cadre commun” en 2020. ​​Malheureusement, ce cadre prévoit des restructurations au cas par cas, uniquement pour les pays les plus pauvres, évite le recours aux annulations de dette et n’assure pas la participation de l’ensemble des créanciers

Enfin, la réforme de l’architecture financière ne se fera pas sans démocratisation des espaces de négociation et décision. Ainsi l’intégration à l’Union africaine en tant que membre du G20 envoie un signal intéressant pour le renforcement des relations avec le Sud et travailler au rétablissement de la confiance. Le continent africain n’était jusqu’ici représenté au G20 que par un seul État, l’Afrique du Sud.

Le Sommet africain pour le Climat

Le sommet africain sur le climat s’est tenu du 4 au 6 septembre à Nairobi, au Kenya, parallèlement à la semaine africaine du climat. Il a réuni des dirigeants africains, des représentants des Nations unies, des partenaires multilatéraux, des organisations de la société civile et des militant.e.s de tout le continent afin de stimuler l’ambition et les engagements en matière de climat avant la COP 28.

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Le potentiel unique et inexploité de l’Afrique pour tracer une voie plus durable pourrait garantir la résilience climatique, en répondant aux besoins énergétiques des 600 millions de personnes qui n’ont pas accès à l’énergie. Cette question aurait dû occuper le devant de la scène lors du sommet, mais malheureusement, d’autres sujets ont occupé l’attention comme  les marchés du carbone. Si la promesse d’augmenter la capacité de production d’énergie renouvelable de l’Afrique à au moins 300 GW d’ici 2030 est encourageante, elle ne contient pas d’éléments sur l’élimination progressive des combustibles fossiles, se contentant d’appeler à une réduction progressive de la consommation de charbon.

Le sommet était l’occasion de prendre des mesures urgentes et audacieuses pour résoudre les problèmes d’accès à l’énergie à l’aide de véritables solutions durables mises en œuvre par les Africain.e.s et pour atteindre les objectifs de développement plus larges du continent en matière d’accès à l’énergie propre grâce à une transition énergétique juste. Mais les résultats ont été décevants. 

Les États africains proposent également d’établir une nouvelle architecture de financement adaptée aux besoins de l’Afrique. Parmi leurs principales revendications, on retrouve le besoin d’alléger et restructurer la dette qui affaiblit leur économie, et leur capacité à lutter contre les changements climatiques.  

Le Sommet des banques de développement, un moment clé pour améliorer l’accès aux financements climat ?

Début septembre et pour la quatrième année consécutive, toutes les banques publiques de développement (BPD) se sont réunies pour renforcer leur partenariat et consolider leurs engagements à l’appui d’actions communes en faveur du changement climatique et du développement durable. L’édition de cette année était organisée conjointement par la Banque interaméricaine de développement, la CAF, Bancoldex et l’Association latino-américaine des institutions de financement du développement (ALIDE).

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Finance en commun (FIC) est un groupement mondial qui rassemble environ 500 banques publiques de développement. Le secrétariat du FIC est hébergé par l’Agence française de développement (AFD). Depuis 2020, Finance in Common organise un sommet annuel, appelé Finance in Common Summit (FICS). 

La participation et contribution de la société civile au sein de ce sommet s’avère difficile, notamment pour les communautés directement touchées par les projets de développement des banques de développement. Cette année, plus de 90 organisations ont uni leurs voix dans une déclaration commune comportant 9 recommandations sur les droits humains, le renforcement des relations entre sociétés civiles et BPD, financement du développement, climat, biodiversité et durabilité. 

A l’issue du sommet, il faut rester vigilant sur   plusieurs points de la déclaration du FIC, au motif que les solutions proposées risquent d’intensifier la financiarisation du développement et du climat, de donner la priorité aux intérêts privés, d’aggraver l’absence de contrôle démocratique des fonds, et d’accroître les problèmes d’endettement dans des pays déjà très fragilisés. 

Sommet de l’ambition climatique : énergies fossiles et financements climat à l’agenda

Le 20 septembre, le Secrétaire général des Nations Unies a convoqué le Sommet de l’ambition climatique. Ce sommet visait à rassembler les pays engagés dans la lutte contre la crise climatique et renforcer l’ambition collective.

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Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations Unies, avait été clair : seraient admis au sommet de l’Ambition seulement les pays engagés dans l’action climatique. Plus de 100 pays se sont portés candidats, mais certains grands émetteurs, dont les États-Unis et la Chine, n’ont pas pu prendre la parole.

Un changement significatif par rapport au précédent sommet de l’ONU sur l’action climatique en 2019 est que presque tous les chef.fe.s d’État présent.e.s ont souligné la nécessité de progressivement éliminer les combustibles fossiles. De plus, de nombreux dirigeant.e.s, dont ceux du Chili et de la Colombie, ont dénoncé l’influence préjudiciable du secteur des combustibles fossiles sur les politiques nationales et les processus multilatéraux. Ils ont mis en lumière le rôle du secteur dans la propagation du déni, des retards et de la désinformation, y compris au sein des couloirs de l’ONU. Gavin Newsom, Gouverneur de Californie, a qualifié la crise climatique de crise des combustibles fossiles, critiquant l’industrie pétrolière pour son rôle dans la désinformation et le retard de l’action climatique. Le Président Kenyan, William Ruto, a plaidé en faveur d’une taxe universelle sur les combustibles fossiles pour financer la résilience, les pertes et les transitions. Il a souligné que l’Afrique et les pays en développement n’ont pas besoin de charité, mais d’équité.

A l’occasion du Sommet, la France a annoncé un nouvel engagement envers le Fonds Vert pour le Climat (GCF), s’engageant à contribuer à hauteur de 1,61 milliard d’euros pour la deuxième reconstitution du GCF pour la période 2024-2027. Cette somme représente une augmentation de (seulement) 4% par rapport au cycle précédent (en euros, car en dollars, la contribution française n’a pas augmenté). La France passe de 2ème à 3ème plus gros contributeur du Fonds Vert pour le Climat. Étant donné le sommet sur le Nouveau Pacte Financier organisé par la France en juin, on aurait pu s’attendre à une contribution plus significative de la France au Fonds Vert pour le climat, bras armé de la CCNUCC pour financer l’adaptation et l’atténuation dans les pays du sud. 

Prochain Défi : la COP28 ! 

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