DROM-COM : Les Outre-mer en première ligne

Fortes chaleurs, sécheresses, fonte des glaciers, inondations... Le Réseau Action Climat propose un panorama des conséquences du changement climatique dans toutes les régions de France. Quelles sont les impacts qui concernent les DROM-COM ?

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L’accès à la nourriture et les activités économiques en péril face au blanchissement des coraux

Si on sait désormais sans équivoque que le changement climatique est dû aux activités humaines, la responsabilité historique des Outre-mer est moindre car ils ont peu contribué aux émissions de gaz à effet de serre. Ils sont pourtant exposés de toutes parts, avec des impacts déjà présents aujourd’hui et qui seront de pire en pire dans les années à venir.

Par leur aménagement, concentré sur les littoraux, ainsi que la fragilité de leurs écosystèmes – qui concentrent 80 % de la biodiversité française sur seulement 22 % du territoire national – les DROM-COM sont les territoires français les plus exposés aux impacts du changement climatique.

Les pics de chaleur constituent une menace directe pour les écosystèmes aquatiques, dont les récifs coralliens, et donc pour les sociétés humaines qui en dépendent pour se nourrir. Le maintien de la température océanique au-dessus de 30 °C pendant une certaine durée provoque le blanchissement des coraux, c’est-à-dire leur dépérissement. Ce phénomène n’est pas définitif, puisque les coraux peuvent se rétablir au bout de quelques années si les conditions le permettent. Mais il peut aussi mener à leur mort si le stress lié à la hausse de la température se poursuit.

Or, avec le changement climatique, les pics de chaleur seront de plus en plus fréquents. On risque ainsi d’observer des phénomènes de blanchissement tous les 10 ans, puis tous les 5 ans… Ce qui ne laissera plus le temps aux coraux de se régénérer. L’acidification des océans, une autre conséquence du changement climatique, contribue également à fragiliser les coraux, qui se remettent plus lentement et restent plus fragiles après un épisode de blanchissement. Si le réchauffement climatique atteint +1,5 °C à l’échelle mondiale – ce qui sera le cas dans les 20 prochaines années selon le GIEC – 70 % à 90 % des récifs coralliens pourraient disparaître[1]. Avec un réchauffement à +2 °C (vers lequel on se dirige également), ce chiffre monte à 99 % des coraux.

L’état des récifs coralliens dépend par ailleurs aussi de la pression exercée par les activités humaines locales, notamment à travers la pollution, qui rendent la régénération du corail plus longue et difficile. S’ils sont plutôt en bon état dans certaines régions peu habitées de Polynésie française par exemple, il y a plus d’inquiétude dans les régions où la pression humaine est forte : à Mayotte, La Réunion, et surtout dans les Caraïbes, avec des récifs très dégradés et pour partie morts en Martinique et en Guadeloupe, qui a perdu 70 à 80 % de ses coraux depuis les années 1980[2].

La disparition des coraux entraîne plusieurs conséquences en cascade pour les populations locales, et sont au centre des sociétés dans certains territoires comme les îles Tuamotu (Polynésie française).

La mort de ces écosystèmes, qui abritent 25 % de la faune marine, provoque un effondrement de la chaîne alimentaire. Cela se répercute sur l’accès à la nourriture, largement basée sur les produits de la mer. Les activités économiques sont aussi fortement impactées : la pêche bien sûr, mais aussi le tourisme, qui repose en grande partie sur la plongée sous-marine pour des atolls comme Rangiroa (Polynésie française).

Les récifs coralliens jouent par ailleurs un rôle de maintien et de protection de leur environnement. Ils constituent d’une part une barrière pour les écosystèmes voisins : herbiers marins, mangroves et systèmes côtiers végétalisés. D’autre part, ils alimentent les plages en sable et limitent par là même l’érosion côtière. Ils amortissent les vagues de tempête et réduisent ainsi les impacts des événements météorologiques extrêmes sur les aménagements.

De graves conséquences économiques et sociales dues à l’intensification des cyclones

Le rapport du GIEC “Impacts, adaptation et vulnérabilités”[4] indique que les événements météorologiques extrêmes (cyclones, épisodes de fortes précipitations) deviendront plus intenses avec le changement climatique.

L’ouragan Irma, qui a frappé en 2017 Saint-Martin et les autres îles des Caraïbes[5], est le cyclone le plus fort jamais enregistré dans cette région et est considéré comme représentatif de ce que seront les ouragans du futur. Avec des vagues de 10 mètres de hauteur et des rafales de vent atteignant 360 km/h, il a entraîné des dégâts matériels et humains considérables : 136 morts et plus d’un millier de blessés, la destruction ou dégradation de 95 % des bâtiments, des destructions massives de mangroves, des pics d’érosion entraînant jusqu’à 160 mètres sur certaines plages de Saint-Martin, des submersions marines étendues, d’importantes destructions des productions agricoles, et beaucoup d’autres répercussions sur les écosystèmes et les sociétés humaines.

Comme pour la disparition des récifs coralliens, ces impacts directs engendrent de graves conséquences sociales et économiques. Ces épisodes causent une véritable paralysie des territoires touchés, due à la destruction des infrastructures et au gel des moyens de subsistance des populations locales : entre autres, les productions agricoles sont perdues et le tourisme totalement interrompu. La santé est aussi touchée : au-delà des décès et blessures, ces événements entraînent des problèmes liés à l’accès à l’alimentation et à l’eau, sans oublier la santé mentale, affectée par le stress post-traumatique généré.

Ces situations génèrent également de véritables hémorragies démographiques : plus de 6000 habitants (soit 8 % de la population actuelle de l’île) ont quitté Saint-Martin suite à l’ouragan Irma, généralement parmi les habitants les plus aisés financièrement, laissant les plus précaires dans des situations de grande difficulté. Dans des cas extrêmes comme celui-ci, ces catastrophes peuvent conduire à une forte insécurité (pillages, formation de groupes armés).

Toutes ces répercussions ne s’appliquent pas qu’aux cyclones : elles sont globalement similaires après des périodes de sécheresse ou de fortes pluies, qui seront elles aussi plus fréquentes dans les années à venir. Difficultés d’accès à l’eau potable, impacts sur l’agriculture et le tourisme, inondations, glissements de terrain, prolifération de moustiques, etc. D’un événement découle une cascade d’effets qui peuvent avoir de graves conséquences à long terme.

Des migrations forcées par la hausse du niveau des mers

Le changement climatique génère également une hausse du niveau des mers, un risque qui menace en premier lieu les îles. Ce phénomène est déjà observable, puisque les zones basses de certaines îles sont désormais submergées de manière chronique à marée haute. Ces espaces connaîtront un nombre croissant de jours de submersion chaque année, et ne seront donc plus habitables au bout d’un certain temps. Cela concerne en particulier les îles basses, comme les atolls de Tuamotu, en Polynésie Française dont les habitants devront probablement déserter leur foyer au cours du siècle (voir encadré).

Les îles plus hautes ne sont pas à l’abri pour autant. La plupart d’entre elles sont montagneuses et donc principalement aménagées sur leur bande côtière, directement exposée aux submersions. C’est le cas de Pointe-à-Pitre, qui abrite plus du quart de la population guadeloupéenne (en comptant la communauté d’agglomération qu’elle forme avec Abymes et Baie-Mahault), ainsi que la zone de Jarry, troisième plus grande zone d’activités de France. Cette dernière présente de vastes espaces à moins de 80 cm d’altitude et connaît déjà des épisodes de submersion à marée haute. Les risques côtiers de Pointe-à-Pître et de Jarry pourraient coûter 100 millions d’euros par an à l’horizon 2050, alors que près de 50 % des habitants vivent en dessous du seuil de pauvreté[6]. Et si les scénarios pessimistes, qui conduisent à une montée du niveau de la mer de +83 cm, se concrétisent, la submersion de cette zone pourrait atteindre 180 jours par an à partir de 2060-2080.

Il est à noter que la hausse du niveau de la mer couplée à la multiplication des épisodes météorologiques extrêmes renforce encore le risque de submersion. Les vagues cycloniques, qui se dérouleront sur un niveau marin toujours plus élevé, atteindront des zones toujours plus éloignées à l’intérieur des terres, en détruisant tout sur leur passage. De plus, les crues provoquées par les fortes pluies, combinées avec la submersion chronique, provoqueront des phénomènes de submersion-inondation de grande ampleur. La forte artificialisation[7] (13 % en moyenne dans les territoires d’outre-mer hors Guyane[8]) accentue encore ce risque.

Option de dernier recours, la relocalisation devrait malheureusement s’avérer nécessaire pour certaines zones côtières insulaires au cours de la deuxième moitié de ce siècle.

Elle consiste à déplacer les populations, habitats et infrastructures vers l’intérieur des terres, un choix très difficile à accepter pour les populations locales. Cette alternative est longue à mettre en place et nécessite donc d’être préparée dès maintenant. Elle soulève des risques de perte de culture et d’identité, et constitue aussi bien une option d’adaptation qu’une des conséquences irréversibles du changement climatique, communément appelées les pertes et dommages. Au-delà des aspects humains, centraux lorsqu’on envisage la relocalisation, il faut garder en tête que cette option se heurte à plusieurs problèmes majeurs dans les îles, comme le manque d’espace ou le risque de soumettre les populations déplacées à d’autres risques (volcanisme, glissements de terrain).

Le rapport complet

Sources

[1] GIEC – Rapport spécial – Réchauffement planétaire de 1,5 °C

[2] Le Monde – La Guadeloupe, un « écrin » frappé par les extrêmes climatiques

[4] GIEC – RE6 GTII

[5] Le Monde – L’ouragan Irma, catastrophe naturelle la plus coûteuse de l’histoire de l’assurance outre-mer

[6] Le Monde – La Guadeloupe, un « écrin » frappé par les extrêmes climatiques

[7] Voir lexique

[8]  Les Cahiers du Shift – Climat, crises : comment transformer nos territoires – Outre-mer

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