Discours d’Emmanuel Macron à la COP28 : un discours mitigé sur la sortie des énergies fossiles pour les pays industrialisés et des engagements difficiles à mesurer
La COP28 s’est ouverte hier à Dubaï dans un contexte inédit alors que l’année 2023 continue de battre des records climatiques. Emmanuel Macron a positionné la France sur les énergies fossiles, le Fonds des pertes et dommages et la biodiversité, avec des annonces qui doivent encore se traduire en actes.
Pétrole et gaz fossiles : sortie tardive pour les pays industrialisés, pas d’horizon pour le reste de la planète
La COP28 doit aboutir à un accord historique sur la sortie de toutes les énergies fossiles. Le président de la République est demeuré silencieux sur les perspectives de sortie du pétrole et du gaz des pays en développement, à rebours des appels répétés des institutions scientifiques et expertes tels que le GIEC ou l’AIE. À cet égard, le calendrier de sortie esquissé par le Président pour les pays industrialisés est trop tardif et offre un sursis malvenu à la sortie des énergies fossiles.
Sur le sujet plus spécifique de la finance privée du charbon, le discours d’Emmanuel Macron est intéressant mais il est nécessaire d’attendre les détails du Coal Transition Accelerator demain. Notons tout de même que la priorité absolue doit être de ne plus financer aucune énergie fossile, de donner les moyens financiers aux pays du Sud et d’investir massivement dans le développement des énergies renouvelables.
Au-delà des discours sur la scène internationale, il faut aussi des politiques nationales alignées. Parler de sortir des énergies fossiles tout en prenant des mesures à l’opposé au niveau national pose un problème de crédibilité : soutien de projets d’infrastructures de gaz fossile comme l’ouverture du nouveau terminal méthanier au Havre, ou ne rien faire pour contraindre les banques françaises qui continuent de financer l’expansion du fossile ou encore la major nationale qui a annoncé officiellement augmenter sa production de pétrole et de gaz dans les années à venir.
Justice climatique : un premier pas positif mais des sources d’inquiétudes
L’engagement financier de la France pour le Fonds pertes et dommages est un premier pas positif : la France a promis jusqu’à 100 millions d’euros. Mais elle semble vouloir conditionner sa contribution au ciblage de pays spécifiques, alors même que le Fonds adopté hier acte le fait que tous les pays en développement seront éligibles à ces financements, et que c’est au Conseil d’Administration de trancher en fonction des besoins, et non des souhaits exprimés par les contributeurs. Cela nous rappelle bien trop le modèle de la Banque Mondiale. La France serait-elle déjà en train de remettre en question un texte historique ?
S’agissant d’obtenir des sources de financement additionnelles pour l’action climatique, la France et le Kenya ont lancé une initiative commune pour aboutir à des propositions concrètes de taxes internationales d’ici la COP 30. Il est impératif que les plus grands pollueurs, tels que les multinationales et les ultra-riches, payent l’addition. Les entreprises des énergies fossiles doivent être taxées à la hauteur de leur responsabilité dans la crise climatique. Entre 2000 et 2019, ces mêmes entreprises auraient pu couvrir 60 fois le coût des pertes climatiques dans les pays vulnérables, rien qu’avec les profits qu’elles ont engrangé.
Retrouvez sur ce lien la pétition “Taxons les entreprises des énergies fossiles : nos vies avant leurs profits !”.
Des annonces préoccupantes concernant les crédits carbones
Emmanuel Macron a rappelé le rôle fondamental des puits de carbone, levier indispensable pour la transition. Si la préservation des forêts et des océans représente un enjeu majeur, il convient de rester vigilants sur le recours aux crédits carbone encouragés par le Président.
Des enquêtes ont récemment démontré que ces crédits sont souvent générés sur la base de projets d’afforestation peu fiables et manquant d’intégrité. En effet, il est difficile – au vu des catastrophes climatiques, risques d’incendies, de changement d’usage des terres – de garantir le stockage du carbone sur une période aussi longue que celle nécessaire à la compensation des émissions de carburants fossiles. Par ailleurs, les crédits carbone peuvent se révéler une incitation à émettre sous couvert de compensation. L’urgence climatique nous impose des réponses ambitieuses pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre et non pas des fausses solutions permettant aux entreprises de polluer la conscience tranquille.
Enfin, les communautés avec lesquelles nous travaillons nous alertent sur les risques importants qu’ils font peser sur les droits des communautés locales et des peuples autochtones (accaparement de terres et expropriation et menace de la souveraineté alimentaire). Nous attendons de la COP28, l’adoption de gardes fous robustes pour encadrer le marché mondial du carbone prévu à l’article 6 de l’accord de Paris, à commencer par la protection des droits humains.
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