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Décryptage : la COP24 point par point

En décembre dernier, la Pologne accueillait la COP24, avec deux objectifs phares : adopter un manuel de règles pour appliquer l’accord de Paris, et répondre aux rapports alarmants des scientifiques sur l’urgence d’agir. Le Réseau Action Climat revient point par point sur les décisions adoptées et leurs implications.

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En décembre dernier, la Pologne accueillait dans son bassin minier la COP24, avec deux objectifs phares : adopter un manuel de règles pour appliquer l’accord de Paris, et répondre aux rapports alarmants des scientifiques sur l’urgence d’agir. Si la COP24 a bien permis l’adoption du manuel d’application de l’accord de Paris, le texte adopté par les pays comporte de nombreuses lacunes. Surtout, ces mêmes pays n’ont pas été capables de donner une réponse à la hauteur de l’urgence et de s’engager à accélérer leurs actions. C’est donc une occasion manquée, qui devra être rectifiée en 2019. 

 

Ambition climatique

Trois mois après la publication du rapport du GIEC sur la limitation du réchauffement global à 1,5°C, les pays devaient utiliser la COP24 comme un moyen de répondre à l’appel des scientifiques et de s’engager à rehausser leurs objectifs de réductions des émissions de gaz à effet de serre à travers leur contribution nationale (NDC) d’ici à 2020. Cette rehausse de l’ambition est indispensable car à l’heure actuelle, les engagements cumulés des pays mènent la planète à un réchauffement de plus de 3°C d’ici à la fin du siècle. Malheureusement, les pays se sont dérobés devant leurs responsabilités à la COP et n’ont pas donné les gages d’une ambition politique suffisante.

Leadership politique

⛔️ La Présidence polonaise de la COP24 n’a pas rempli son rôle de chef d’orchestre des négociations. Elle n’a pas suffisamment guidé les pays pour atteindre un résultat à la hauteur sur la question des objectifs climatiques. Elle a préféré mettre l’accent sur les règles d’application de l’accord de Paris et la transition juste. Ce concept lui a permis de justifier l’omniprésence de l’industrie fossile du charbon à la COP, représentée tant symboliquement que physiquement.

⚠️ La COP24 n’a pas non plus attiré des représentants politiques à très haut niveau. Seuls 25 chefs d’États et de gouvernements, majoritairement de pays en développement, ont participé à la journée d’ouverture politique de la COP. Globalement, la volonté et l’impulsion politiques ont cruellement manqué à la COP24, et expliquent des résultats bien en deçà des attentes sur l’ambition climatique, inadmissibles face aux dernières alertes de la science.


⚠️ Néanmoins, la COP24 a abouti à l’adoption de plusieurs déclarations sur l’ambition :  

  • La présidence polonaise de la COP a publié une déclaration sur la transition juste, approuvée par de nombreux pays et rappelant le besoin d’accélérer l’action climatique. Les engagements y restent cependant très flous.
  • 25 pays, dont plusieurs pays de l’Union européenne (France, Allemagne, Espagne, Danemark, Finlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal, Suède, Royaume-Uni) et le groupe des pays les moins avancés, rassemblés au sein d’une “coalition de la haute ambition” déjà créée à la COP21, ont signé une déclaration à la portée plus ambitieuse. Les signataires s’engagent à relever leur ambition climatique d’ici à 2020 via leur NDC (contribution nationale), leur stratégie de long terme et/ou des actions de court terme. Cependant, les obligations restent limitées car il n’est pas précisé si les pays s’engagent à agir sur un ou sur les au trois de ces éléments.

Les seules annonces pleinement en cohérence avec l’urgence d’agir proviennent finalement des pays les plus vulnérables : deux d’entre eux ont annoncé en Pologne l’augmentation de leurs engagements climatiques à travers leur contribution nationale d’ici à 2020. Il s’agit des Îles Marshall et des Fidji. De même, les 48 pays les plus vulnérables s’étaient engagés avant la COP24, à travers la déclaration de Jumemmej, à revoir à la hausse les objectifs de leur contribution nationale, sous réserve de financements climatiques mis à disposition par les pays les plus riches.

Décisions de COP

⚠️ Une partie du texte des décisions adoptées à la COP24 est spécifiquement consacrée à l’ambition climatique. Ce texte est découpé en plusieurs sections, incluant notamment une partie sur l’ambition climatique avant et après 2020, sur les travaux du GIEC, le Dialogue Talanoa, et le sommet spécial prévu par l’ONU sur le climat en septembre 2019. Plusieurs éléments intéressants sont à noter dans ces décisions, mais l’ensemble manque de cohérence : il n’y a pas d’appel clair à relever les objectifs climatiques inclus dans les contributions climatiques des pays d’ici à 2020. Les informations sont dispersées et en résulte donc un texte en décalage profond avec l’urgence d’agir.

Les éléments encourageants du texte incluent :

  • le rappel de l’urgence d’augmenter “l’ambition climatique” des pays ;
  • le lien clair fait entre mobilisation des financements climat et une action climatique accélérée dans les pays en développement et le lien entre l’action avant 2020 et après 2020 ;
  • un rappel des textes de la COP21, invitant les pays à préparer des stratégies de long terme bas carbone et à communiquer ou mettre à jour d’ici à 2020 leurs contributions nationales, même si cela ne constitue pas de facto une obligation de relever l’ambition climatique ;
  • la reconnaissance des pertes et dommages subis par les pays les plus vulnérables.

⛔ Le paragraphe sur le rapport du GIEC est en revanche très inquiétant : même s’il reconnaît l’importance du GIEC pour informer l’action des pays et la lutte contre le dérèglement climatique, les pays ont été incapables de se mettre d’accord pour “accueillir” favorablement le rapport du GIEC sur la limitation du réchauffement climatique à 1,5°C, suite au refus de 4 pays (Etats Unis, Koweït, Arabie Saoudite, Russie). Les pays ont donc seulement accueilli le fait que le GIEC ait “terminé son travail dans les temps”, ce qui diminue substantiellement la portée et les implications du rapport, pourtant adopté 3 mois auparavant par les mêmes pays.

✅ En vue de 2019, les pays ont accueilli favorablement l’organisation du sommet spécial des Nations Unies sur le climat et appellent à démontrer une “ambition relevée” à travers leur participation, sans mentionner les contributions nationales, une fois de plus.

Financements climat

Comme chaque année, la COP a été l’occasion pour les pays développés d’annoncer de nouvelles promesses pour les pays en développement, mais aussi de faire le bilan des progrès des financements climat. Ces financements sont un aspect clé pour renforcer la confiance entre les pays, la solidarité mais aussi l’ambition des actions menées. En effet, ils aident les pays en développement à faire face aux impacts du dérèglement climatique, et leur permettent aussi de mettre en oeuvre pleinement leurs engagements de réductions de gaz à effet de serre.

✅ Le Fonds d’adaptation, un fonds spécialisé dans le financement de petits projets d’adaptation pour les pays les plus vulnérables aux changements climatiques, a atteint un niveau record de contributions. Il a reçu près de 128 millions de dollars, grâce aux promesses de l’Allemagne, la Suède, la Nouvelle Zélande, la Commission européenne, la France, la Belgique et l’Italie. C’est une bonne nouvelle surtout lorsque l’on sait que les petites organisations peuvent accéder facilement à ses financements.

⚠️ Le Fonds vert pour le climat, qui a lancé sa première reconstitution (un appel à contributions financières des pays après les premières promesses faites à la COP21), a reçu deux premières contributions de l’Allemagne et de la Norvège, doublant leurs contributions financières. Mais de nombreuses autres contributions ambitieuses doivent être réalisées avant octobre 2019 pour que le Fonds puisse continuer à financer de nouveaux projets.

⛔️ Enfin, la COP a été l’occasion de faire le bilan de la progression des financements climat au cours du temps. Deux rapports ont été publiés, attestant tous deux d’une tendance à la hausse pour les financements (56 milliards de dollars en 2016 selon la CCNUCC). Mais les méthodes de comptabilisation utilisées continuent de surestimer ces financements, et les déséquilibres structurels restent trop présents (financements pour l’adaptation insuffisants, augmentation bien plus rapide des prêts que des dons). La capacité des pays développés à réellement atteindre l’objectif des 100 milliards de dollars d’ici à 2020 dépend donc de leur volonté de comptabiliser honnêtement leurs financements climat en utilisant l’ensemble des nouvelles règles, y compris celles volontaires, adoptées à la COP24 et en corrigeant ces déséquilibres.

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Et la France dans tout ça ?

Leadership politique
⛔️ La France n’a bénéficié d’une présence ministérielle à la COP24 que pendant 3 jours, au moment du “segment de haut niveau politique”. Mais ni François de Rugy (Ministre de la Transition écologique et solidaire), ni Brune Poirson (Secrétaire d’État), n’ont participé à la phase des négociations politiques. Ni le Président de la République, ni le Premier Ministre ne se sont déplacés à la COP24. C’est une première depuis la COP21. Cette absence a entaché le leadership climatique de la France sur la scène internationale.

Posture de négociation
✅ Les négociateurs français ont fait dans l’ensemble preuve de proactivité au cours des deux semaines de négociations. Ils ont contribué à faire émerger des positionnements plus progressistes sur les textes des négociations au sein de l’Union européenne et avec les autres pays, tant sur la partie des décisions de COP sur l’ambition que sur les règles d’application de l’accord de Paris.

Ambition
⚠️ La France a soutenu la déclaration de la haute ambition, qui appelle à relever les contributions nationales, les actions de court terme ou à élaborer des stratégies de long terme avant 2020. Lors de son intervention à la tribune de la CCNUCC, Brune Poirson a aussi reconnu la nécessité d’augmenter les ambitions climatiques des pays, sans mentionner cependant la contribution de l’Union européenne à cet effort, et le besoin de créer un projet de société autour d’une transition juste pour tous en réponse au mouvement des gilets jaunes en France.

Annonces financières
⚠️ La France a promis 15 millions d’euros au Fonds d’adaptation, et 20 millions d’euros au Fonds pour les Pays les moins avancés sur deux ans, le tout sous forme de dons. Ces financements sont une bonne nouvelle pour les pays les plus vulnérables car ces fonds leur sont directement destinés. Mais la France n’a en revanche pas été en mesure de proposer une annonce financière pour le Fonds vert pour le climat qui a pourtant besoin de recevoir de nouveaux fonds de manière urgente. De son côté, l’Allemagne a doublé sa contribution au Fonds vert, pour atteindre 1,5 milliard d’euros et promis une somme 4 fois plus importante au Fonds d’adaptation. De quoi laisser les contributions de la France sur le carreau… Alors que la France a été mandatée par le Secrétaire Général des Nations Unies pour être championne des financements climat en 2019, qu’attend-elle pour agir réellement dans ce sens ?

Règles d’application de l’accord de Paris

Le corpus des règles d’application de l’accord de Paris a été adopté à la COP24. Cela veut dire que l’accord va pouvoir être appliqué. C’est la bonne nouvelle de la COP, car ces règles sont indispensables pour que la mise en oeuvre de l’accord de Paris soit transparente et rende les pays redevables de leurs engagements. Mais tout le travail n’a pas été achevé à la COP, et les règles adoptées sont d’une qualité inégale.

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Cycle d’application de l’accord de Paris

Travaux inachevés

⛔️ Les règles liées aux mécanismes de marché (les marchés carbone, où des États échangent des “quotas d’émissions”) et celles liées aux coopérations non marchandes pour faire face au dérèglement climatique n’ont pas été adoptées à la COP24. Leur définition est reportée à plus tard, car aucun accord n’a pu être trouvé face à des États qui souhaitent ouvrir la porte à un double comptage des quotas d’émissions échangés (concrètement, cela voudrait dire que les réductions d’émissions de gaz à effet de serre seraient comptabilisées à la fois dans le pays les ayant réellement effectuées et dans celui ayant réalisé l’achat). Un tel double comptage réduirait très fortement la crédibilité de l’accord de Paris et sa capacité à réellement évaluer les efforts consentis par les pays. Les pays devront se mettre d’accord sur ces règles à la COP25.


⛔️ Les pays n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur des périodes d’application communes de leur contribution nationale (NDC). Ces périodes communes, idéalement de 5 ans, permettraient de comparer les engagements et de proposer des cycles de relève de l’ambition harmonisés, mais toutes les options sont encore sur la table à ce stade. Les décisions indiquent seulement que ces périodes communes seront en vigueur pour les NDC appliquées à partir de 2031.

Inclusion des droits fondamentaux et participation de la société civile

⛔️ Les principes clés inclus dans le préambule de l’accord de Paris comme les droits humains, la sécurité alimentaire ou le principe de transition juste sont les grands oubliés des règles d’application de l’accord de Paris. C’est très risqué, car de nombreuses actions de lutte contre le dérèglement climatique pourraient avoir un impact sur ces droits et il est indispensable que cet effort permette également de préserver les écosystèmes, de respecter les droits humains et de favoriser le développement durable. Par ailleurs, l’actualité française des gilets jaunes a bien montré l’indispensable accompagnement social des mesures de réduction des émissions afin que les efforts ne reposent pas sur les plus pauvres. Pour que la transition soit acceptée, il est indispensable qu’elle soit juste. Cette absence des règles d’application est donc particulièrement inquiétante.


⚠️ La promotion de l’égalité de genre, la participation des peuples autochtones et des communautés locales, et la prise en compte de leurs savoirs sont mieux représentées dans les règles de l’accord de Paris. Ces éléments certes intéressants font l’impasse sur une nécessaire approche par les droits, pourtant reconnue comme une avancée emblématique de l’accord de Paris, dans la phase très importante de la planification par les États de leurs actions, que ce soit pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre ou l’adaptation. Cette différence d’approche traduit un refus politique de reconnaître les droits – opposables – des populations, et de placer les populations concernées au coeur des débats et décisions, et constitue un réel retour en arrière par rapport à l’accord de Paris.

⚠️ La participation de la société civile est globalement insuffisante dans le cycle de mise en oeuvre de l’accord de Paris, alors que l’implication des acteurs non-étatiques est clé pour inciter les États à adopter des engagements plus ambitieux. Si la société civile aura bien accès aux informations et rapports de transparence fournis par les pays, elle n’aura pas exemple qu’un rôle très limité dans le cadre du bilan mondial des actions des pays, cantonné à des “soumissions” à la CCNUCC.

Pertes et dommages

✅ Portée de longue date par les petits Etats insulaires, la question des pertes et dommages, ces impacts qui n’ont pu être évités (disparition de territoires face à la montée du niveau des mers, salinisation des terres les rendant non-cultivables, déplacements forcés…), a été enfin reconnue  politiquement par les États lors de la COP21. L’accord de Paris y consacre un article entier, distinct de l’adaptation. Les textes de la COP24 rappellent l’urgence de réduire les émissions de gaz à effet de serre pour éviter les impacts irréversibles et catastrophiques déjà observés dans de nombreuses régions du monde.


⛔️ Cependant, les pays n’ont pas franchi le cap de la reconnaissance symbolique. La référence aux pertes et dommages dans le texte de décision de la COP a été supprimée dans les dernières heures des négociations. Alors que les pertes et dommages auraient dû être au coeur du bilan mondial des actions des pays, afin de rendre visibles à la fois les impacts, les besoins et les actions entreprises en la matière, elles n’ont été reléguées qu’à une considération facultative. De même, les soutiens financiers pour faire face aux pertes et dommages ont été balayés d’un revers de la main par les pays : ils sont tout simplement absents du texte adopté.

Élaboration des NDC et des actions d’adaptation

✅De nouvelles lignes directrices ont été adoptées pour aider les pays à élaborer des engagements climatiques (les contributions nationales, “NDC” dans le jargon Onusien) de manière robuste et transparente. La CCNUCC donne ainsi un cadre aux méthodologies qui peuvent être utilisées par les États en matière d’atténuation et de manière volontaire pour les actions d’adaptation. Cela rend plus fiable le suivi des actions des États.  

✅Ces lignes directrices demandent aux pays d’indiquer à la CCNUCC :

  • comment leur NDC contribue à atteindre les objectifs de l’accord de Paris ;
  • comment ils prennent en compte l’équité entre les pays ;
  • comment ils ont inclus une participation publique et les peuples autochtones dans l’élaboration de leur NDC ;
  • de quelle manière ils estiment que leur NDC est juste, compte tenu de leurs circonstances nationales.

Les pays sont aussi encouragés à adopter des objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre qui couvrent l’ensemble de leur économie.


⛔️ Plusieurs éléments essentiels ne sont pas inclus dans ces règles. Par exemple, comment les NDC reflètent la plus haute ambition possible, comment elles sont alignés avec les stratégies de long terme des pays, comment elles intègrent le respect des droits humains.


⚠️ Des lignes directrices sont bien prévues pour l’élaboration et la communication de plans sur l’adaptation, mais elles peuvent être séparées des NDC dont la partie obligatoire concerne l’atténuation seulement. Sans cette dimension, et sans la prise en compte de la dimension sociale de la transition, les communications nationales courent le risque de se limiter à une approche purement comptable de réduction des émissions.  


⚠️ Enfin, l’application de ces nouvelles lignes directrices est tardive : les pays ne seront tenus d’appliquer ces règles que pour les NDC préparées après 2023. Pour les NDC que les pays doivent communiquer à la CCNUCC d’ici à 2020, l’application des règles n’est que volontaire.

Mécanisme de transparence

✅ Un nouveau mécanisme de transparence amélioré a été adopté par les pays. Ce mécanisme comprend trois étapes principales :

  • Les pays devront préparer des rapports de transparence tous les deux ans, incluant un inventaire national sur les émissions de gaz à effet de serre, des informations pour suivre les progrès dans la mise en oeuvre de la NDC, et le cas échéant, des informations sur les actions d’adaptation et sur les soutiens fournis ou reçus ;
  • Ces rapports de transparence seront ensuite soumis à un examen technique par des experts, au moins deux fois tous les 10 ans, pour s’assurer de la pertinence et de la justesse des informations fournies et pour identifier, le cas échéant, des pistes d’amélioration méthodologiques pour le pays ;
  • Enfin, un évaluation par les pairs (appelée “examen multilatéral, axé sur la facilitation, des progrès accomplis”) sera organisée sous forme de questions et discussions entre le pays concerné et les autres Parties à l’accord de Paris.

⛔️ Cependant, la transition vers le nouveau mécanisme de transparence est bien trop tardive : les pays ne devront préparer leur premier rapport bisannuel que pour 2024, soit un an après le premier bilan mondial des actions des pays. Cela signifie que ces informations cruciales ne pourront pas être intégrées dans le bilan, et ne pourront pas non plus être utilisées pour préparer les nouvelles NDC prévues pour 2025.

✅ Pour la première fois, tous les pays se soumettront à un corpus de règles de transparence commun. En revanche, le niveau d’exigence des règles est bien flexible pour s’adapter aux capacités différentes des pays en développement. Chaque pays en développement définit lui-même s’il souhaite avoir recours à ces flexibilités, et peut indiquer comment il améliore sa transparence au cours du temps.

✅ Les pays seront tenus d’utiliser des méthodologies internationalement reconnues par le GIEC pour comptabiliser leurs émissions de gaz à effet de serre secteur par secteur. Cela permettra de renforcer la fiabilité et la comparabilité des reportings effectués par les pays.

Bilans mondiaux

Le bilan mondial, organisé tous les 5 ans, est un exercice clé du nouveau régime de l’accord de Paris : il permet de faire le bilan des actions collectives des pays, de leurs effets, et d’informer la préparation des contributions nationales (NDC) des pays. C’est un élément central pour augmenter l’ambition des engagements climatiques au cours du temps.


⛔️ Pourtant, le périmètre du bilan mondial adopté par les pays est limité. Il devra aborder obligatoirement 3 thématiques : les actions en matière d’atténuation, d’adaptation et de soutiens financiers, technologiques ou en renforcement de capacités. Les pertes et dommages ne constituent pas une thématique à part entière, et les références aux Objectifs du Développement Durables ont disparu de la version finale des textes.


⚠️ Le bilan mondial sera organisé en 3 phases : une phase préparatoire de collecte des informations, une phase technique et une phase politique de considération des résultats. Mais l’articulation de ces phases est trop peu détaillée pour créer un ensemble cohérent et efficace. Les dimensions clés d’équité et de science seront bien prises en compte de manière transversale mais sans cadre spécifique.

⛔️ La participation de la société civile est extrêmement limitée. Le bilan mondial sera mené par les pays, et la société civile sera cantonnée à fournir des contributions écrites.

Financements climat

⛔️ Les nouvelles règles de comptabilisation des financements climat adoptées lors de la COP24 sont insuffisantes et ne permettent pas d’améliorer le reporting des pays. Ils ont encore la possibilité de comptabiliser des instruments financiers défavorables aux pays en développement (prêts non-concessionnels) et ne seront pas obligés de donner des indications sur la valeur réelle (équivalents don) des financements dont bénéficieront les pays en développement. Les financements pour faire face aux pertes et dommages sont exclues du reporting.

⚠️ Malgré de fortes tensions, les pays se sont mis d’accord sur des règles pour rendre les financements climat prévisibles. Si les modalités pour fournir les informations sur la prévisibilité sont définies convenablement, les informations à fournir sont quant à elle trop évasives et laissées au libre arbitre des pays, réduisant la portée des règles adoptées.

✅ Contre toute attente, les pays se sont mis d’accord pour commencer à discuter du nouvel objectif financier mondial qui succèdera aux 100 milliards de dollars par an après 2025. Ces discussions commenceront en 2020.

Qu’attendre de 2019 ?

En 2019, la priorité pour les États devra être de combler l’absence de réponse politique lors de la COP24 en ce qui concerne l’ambition des engagements climatiques. Il est indispensable que lors du Sommet sur le climat de l’ONU en septembre, de nombreux États, y compris l’Union européenne, s’engagent réellement à proposer des engagements climatiques relevés pour 2020, à travers leurs contributions nationales. C’est la seule réponse possible face à l’urgence, en complément d’actions et mesures nationales mises en oeuvre sans attendre.

La COP25 aura lieu au Chili, mais risque d’être reportée en janvier 2020. Cela ferait de 2019 une année blanche sans COP. Les pays devront donc s’appuyer sur d’autres moments politiques internationaux pour démontrer leur ambition.

Lors des négociations techniques de la CCNUCC organisées en juin, le travail de définition des règles liées aux marchés carbone et aux périodes d’application communes des NDC devra substantiellement avancer pour que ces règles puissent être adoptées à la COP25. C’est indispensable pour que le manuel d’application de l’accord de Paris soit vraiment complet. Par ailleurs, de nombreuses discussions techniques auront lieu dans les 5 prochaines années pour préciser certains aspects du manuel d’application de l’accord de Paris.

La France devra profiter de l’année 2019 pour prouver de nouveau qu’elle est attachée à un multilatéralisme fort sur le climat, au plus haut niveau, et sans négliger les espaces onusiens. Au niveau national, elle devra engager des réformes pour faire de la transition énergétique un moyen de lutter contre les inégalités économiques et sociales et rectifier le tir pour réellement respecter ses objectifs climatiques.

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