COP30 : la transition juste reconnue, l’ambition et la finance sacrifiées
La COP30 devait être la COP de la mise en œuvre et de la vérité. Mais les manquements honteux sur la finance climat à la COP29 par les pays du Nord et le manque d’ambition des feuilles de routes climat de plusieurs pays, ont miné les chances de cette COP d’atteindre tous ses objectifs.

Avec d’autres pays développés, l’Union européenne a empêché des avancées sur le financement jusqu’à la dernière minute, ce qui n’a pas permis de renforcer sa crédibilité et ses relations avec les pays vulnérables. C’est pourtant pour éviter cette situation dramatique que la société civile avait proposé un “paquet justice complet” qui comprend la finance climat publique, des réponses aux manques d’ambition des feuilles de route à travers notamment la mise en oeuvre de la sortie des énergies fossiles, un financement et des indicateurs pour l’adaptation ainsi qu’un mécanisme de coopération pour la transition juste.
Si les premières victoires obtenues notamment sur la transition juste doivent être précisées, la COP de Belém n’a pas été à la hauteur sur l’ambition climatique et la finance climat, deux conditions pour lutter contre l’urgence climatique qui, elle, est toujours plus forte.
Un progrès structurant : La transition juste inscrite au cœur de l’action climatique
Une des victoires de cette COP est la reconnaissance des droits – le droit du travail, mais aussi à la santé, l’éducation, la sécurité sociale – de toutes les personnes et pays qui vont devoir être accompagnés et soutenus dans la transition vers un monde durable. Cela commence par les travailleurs et les travailleuses des secteurs concernés, une reconnaissance des agriculteurs et agricultrices à petite échelle, des économies rurales et de la production alimentaire dans le contexte de la transition juste, mais aussi les personnes les plus vulnérables et marginalisées, qui sont souvent laissées sur le côté lors des grands changements de société.
La transition juste ne peut pas se réaliser seulement chez soi : la société civile se bat aussi contre un monde qui reste extractiviste, souvent au nom du climat, en pillant par exemple les sols des pays en développement pour alimenter le Nord Global en minerais sans aucun respect des droits humains et du droit du travail. Et cette demande a été entendue et validée, ici à Belém : un mécanisme sera développé pour que les États puissent travailler sur ces aspects dans les prochaines années. En outre, le mécanisme sur la transition juste a reçu le mandat clair de réfléchir aux évolutions du système économique à même d’assurer un financement équitable de la transition.
Finance : les vraies questions évitées. Qui paie, combien, et quand ?
Le “paquet finance” adopté à cette COP30 reste profondément insuffisant. Une fois de plus, plusieurs pays développés dont l’Union européenne ont cherché à atténuer la portée de leurs responsabilités historiques et à transférer la charge financière vers les pays du Sud. Cette dynamique, malheureusement bien connue, affaiblit la confiance et limite la capacité du processus multilatéral à répondre aux besoins réels des populations les plus exposées pour réaliser leur transition, s’adapter aux changements climatiques et les pertes et dommages.
Sous prétexte de lancer un programme de travail de deux ans sur l’Article 9, la présidence propose en réalité un cadre essentiellement procédural, qui multiplie les échanges sans jamais déboucher sur des obligations.
L’objectif d’au moins tripler le financement de l’adaptation peut sembler important, mais il est truffé de faiblesses. Il faut encore savoir ce que l’on compte « tripler ». L’absence de chiffres précis et l’horizon repoussé à 2035 laissent les pays les plus vulnérables sans perspective concrète pour faire face à l’intensification des impacts climatiques.
Malgré les demandes répétées de nombreux pays du Sud, la COP30 restera un rendez-vous manqué pour traiter la crise de la dette, se limitant à prolonger les discussions alors même que l’endettement insoutenable — pourtant reconnu dans le Mutirão — continue de forcer les pays les plus vulnérables à emprunter pour faire face aux impacts climatiques tandis que les pays riches misent toujours sur un hypothétique secteur privé pour combler leurs engagements financiers non tenus.
Un monde prêt à tourner la page des énergies fossiles mais ici empêché par plusieurs bloqueurs
Répondant aux appels pressants de la société civile et des Peuples Autochtones du Brésil, et malgré le fait que le sujet ne soit pas à l’agenda, la présidence a lancé une initiative pour une transition hors du pétrole, du gaz et du charbon.
Ainsi, près de 90 pays du Nord comme du Sud ont appelé à l’élaboration d’une feuille de route pour concrétiser l’engagement pris à Dubaï, et la Colombie a même mis sur la table une proposition, soutenue par 24 pays, pour une sortie plus concrète et plus juste intégrant la question centrale du financement à fournir aux pays du Sud. Cependant, suite à des pressions, cette initiative n’a pas trouvé sa place dans le Mutirão.
Le Brésil doit désormais travailler en toute transparence avec la Colombie et les Pays-Bas qui co-organiseront la première Conférence internationale sur la sortie des énergies fossiles en avril 2026 à Santa Marta, mais aussi avec les États du Pacifique afin de transformer l’essai. Le monde était prêt à tourner la page des énergies fossiles mais une poignée l’en a empêché.
Forêts et agriculture : des occasions manquées
Cette COP en Amazonie n’a pas tenu ses promesses pour les forêts. Ces écosystèmes sont à la croisée de la crise climatique et de l’effondrement de la biodiversité, et ce moment historique aurait dû aboutir à un plan d’action et un calendrier clair pour mettre fin à la déforestation d’ici 2030. De nombreux pays ont soutenu cette idée, et l’importance de ces écosystèmes et du rôle des Peuples Autochtones et communautés locales dans leur protection a été rappelée. Mais nous n’avons obtenu que des engagements volontaires, laissant la possibilité aux industries de continuer à détruire les écosystèmes pour engranger des profits. La déclaration finale ne mentionne aucunement les moteurs de la déforestation, ni la nécessaire transition des systèmes alimentaires. C’est une occasion manquée majeure : les systèmes alimentaires représentent environ un tiers des émissions mondiales de gaz à effet de serre et l’agriculture industrielle demeure l’un des principaux facteurs de destruction des forêts. Ne rien inscrire sur ces enjeux centraux dans une COP au cœur de l’Amazonie est profondément décevant. La feuille de route annoncée par la présidence de la COP ne pourra changer la donne que si elle aboutit, lors de la COP31, à un résultat juste, équitable et véritablement opérationnel.
Des victoires importantes pour le Plan d’Action Genre
Le Plan d’action Genre de Belém, obtenu de haute lutte, comporte des victoires importantes pour guider l’intégration de la justice de genre dans l’action climatique sur les 9 prochaines années, avec 27 activités permettant une mise en œuvre robuste, y compris au niveau national. Ce plan d’action inclut explicitement plusieurs groupes structurellement exclus, et un mandat visant à protéger et à sauvegarder les défenseuses de l’environnement. Il ouvre aussi des possibilités d’agir sur le travail de soins, la santé et les violences à l’égard des femmes par le biais de contributions nationales.
Malgré ces victoires, nous regrettons que le concept d’intersectionnalité ne soit abordé qu’à travers la notion de “facteurs multidimensionnels”, manquant une opportunité clé pour inclure les personnes de genres divers, dans un contexte mondial de recul des droits humains. Enfin, le manque de clarté sur l’accès aux financements et la faiblesse générale de la finance dans le cadre de la Convention risquent de rendre ce plan d’action difficile à réaliser.
COP30 : entre dynamique brisée, mobilisation historique et urgence de réinventer le multilatéralisme
Pendant deux semaines, nous avons parlé d’une “COP de la vérité”. Et la vérité n’est pas belle : le multilatéralisme est en détresse et la diplomatie qui a été menée essentiellement derrière des portes closes n’a pas permis de renforcer la confiance dans le processus de la COP.
Après plusieurs COP qui nous empêchaient de travailler correctement pour des questions sanitaires (COVID) ou par manque de droits et de liberté d’expression, cette COP a réuni des mouvements divers du monde entier, notamment avec le sommet des peuples. Les combats des Peuples Qutochtones, dans la zone bleue mais aussi en dehors, ont été visibilisés par les médias du monde entier.
Pour conclure, cette COP30 était une parfaite illustration de l’importance du multilatéralisme et de la mobilisation de la société civile qui ont conduit au développement du mécanisme de coopération pour la transition juste. L’Accord de Paris est encore vivant, et selon la cour internationale de justice, la limite de 1,5°C est une obligation légale pour les pays, avec une responsabilité de lead et soutien de la part des pays du Nord. Sur cet aspect, les résultats de la COP30 sont bien en deçà de ce qui est nécessaire. De fait, une des grandes priorités pour les COP à venir, c’est de réfléchir à comment les rendre plus efficaces, plus concrètes en quittant le mode des négociations éternelles pour commencer la réelle mise en œuvre de l’Accord de Paris.
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