COP28 : Le Bilan mondial, dernier levier pour obtenir un accord historique
Après un festival d’annonces par les chef.fe.s d’Etats au début de la COP28 qui a démarré il y a une semaine à Dubaï, la dynamique des négociations s’est désormais ralentie. Le Bilan Mondial est désormais le levier le plus pertinent pour garantir que la limite de réchauffement de 1,5°C de l’Accord de Paris ne soit pas dépassée.
Bilan Mondial : la sortie des énergies fossiles toujours en négociation
8 ans après l’adoption de l’Accord de Paris, le Bilan Mondial doit permettre d’évaluer où nous en sommes dans sa mise en œuvre et d’aboutir à une feuille de route claire et ambitieuse pour la mise à jour et le renforcement des objectifs climatiques nationaux afin de limiter le réchauffement planétaire à +1,5°C. Pour l’instant, les politiques climatiques des Etats sont en total décalage et nous condamnent à un réchauffement climatique de +2,5°C à 2,7°C d’ici la fin du siècle.
La science est claire, il faut maintenant s’attaquer sans détour à la source du problème : les énergies fossiles qui ont été pendant très longtemps un tabou dans les COP. Le texte en cours de négociations comporte plusieurs options dont l’une contient la mention de la sortie de toutes les énergies fossiles. Il est donc encore possible d’obtenir des décisions engageantes de tous les Etats vers une sortie de toutes les énergies fossiles. Et nous veillerons à ce que la capture et le stockage carbone ne soient pas retenues car elles constituent des distractions dangereuses.
Engagements sur les énergies renouvelables : une priorité qui ne doit pas faire oublier l’éléphant dans la pièce
S’il est encourageant de voir plus d’une centaine de pays s’engager vers le triplement de la production des énergies renouvelables d’ici 2030 ainsi que sur le doublement du rythme annuel de progression de l’efficacité énergétique, il est impératif que ces engagements se retrouvent dans le texte final. Dans le même temps, il ne faut pas oublier l’importance d’une sortie juste, rapide et équitable des énergies fossiles. Il est également nécessaire de voir écrit la mention de la sobriété.
Afin de faciliter un accord sur le Bilan Mondial et sur la sortie des énergies fossiles, les pays historiquement émetteurs doivent être les premiers à s’engager à l’élimination progressive des combustibles et la transition vers les énergies renouvelables. Enfin, aucune subvention aux énergies fossiles ne peut être considérée comme légitime. Pourtant, selon une estimation récente du Fonds monétaire international, le montant total des subventions aux énergies fossiles s’élevait à 7 000 milliards de dollars en 2022, soit près de 7,1 % du PIB mondial. Les Etats doivent mobiliser les ressources financières vers les solutions les plus efficaces : les énergies renouvelables.
Le nerf de la guerre, le financement : pour l’atténuation, l’adaptation et les pertes & dommages
Pour renforcer l’ambition collective et respecter les principes de justice climatique, les flux de financements climat, en particulier des pays à haut revenu, les plus responsables du changement climatique, vers les pays du Sud, sont un sujet déterminant mais aussi une véritable source de tensions au sein des COP. Or malgré des avancées significatives en ce début de COP, les négociations et promesses de financements n’ont pas suffisamment progressé.
Si la COP a débuté positivement avec la concrétisation du Fonds pour les Pertes et Dommages (les conséquences irréversibles du changement climatique) et des premières promesses de financements, les montants restent largement insuffisants, avec à peine plus de 600 millions de dollars promis à ce stade, là où les besoins réels pourraient excéder les 500 milliards de dollars annuels. Plus largement, et alors que l’on attend toujours de savoir comment les pays riches comptent tenir leur engagement de doubler leurs financements climat pour l’adaptation d’ici à 2025, les nouveaux montants annoncés pour les fonds multilatéraux pour le climat sont beaucoup trop faibles. Ainsi, le Fonds pour l’Adaptation a obtenu à peine plus de 160 millions de dollars de financements additionnels, alors que l’ONU estime que les besoins des pays du Sud en la matière sont 10 à 18 fois supérieurs aux flux actuels.
Au-delà des montants, il est nécessaire de garantir que les financements proviennent en priorité de sources publiques, soient alloués sous forme de dons, et non de prêts, et ne génèrent pas de dette. L’annonce d’un groupe de travail pour identifier des modèles de taxes sur le principe du pollueur-payeur d’ici la COP30 afin de financer l’action climatique, le développement et la biodiversité est la bienvenue car les besoins sont énormes.
Une COP pour qui : les lobbyistes des énergies fossiles ou les générations futures ?
Les chiffres publiés par l’ONG Kick Big Polluters Outs confirment nos craintes : 2456 lobbyistes sont présent.e.s à la COP28, 4 fois plus qu’à Charm-El-Cheikh. Ils sont plus nombreux que les 10 délégations combinées des pays les plus vulnérables. La situation est de plus en plus préoccupante : la COP ne doit pas devenir le salon de rencontres mondiales des lobbyistes fossiles. Il est impératif de mettre en place une politique très ambitieuse de prévention des conflits d’intérêts, voire de réguler leur nombre. La CCNUCC (Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique) doit se saisir de ce sujet de toute urgence. Nous, ONG, ne céderons pas la place aux lobbyistes et sommes là pour porter la voix des populations les plus vulnérables et relancer l’action climatique.
Plus largement, il est vital de prioriser la santé publique et des écosystèmes, la justice climatique dont l’équité intergénérationnelle, et les recommandations scientifiques dans les prises de décisions pour sauver l’objectif de limitation de la température globale à +1,5°C, et ainsi respecter les droits des générations présentes et futures. Cela nécessite d’appliquer un principe de précaution incluant une possibilité de réversibilité par rapport aux dangereux paris technologiques comme le nucléaire.
Ne pas se fixer ces priorités et principes d’ici l’accord final constituerait une injustice intergénérationnelle. Cela repousserait à plus tard les efforts d’atténuation et exposerait les populations les plus vulnérables de manière toujours plus violente aux conséquences de nos émissions de gaz à effet de serre.
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