COP28 : Face à la réalité scientifique, les énergies fossiles pointées du doigt, mais des zones d’ombre persistantes
Après un jour de retard, la COP 28 vient de s’achever à Dubaï. Le Bilan Mondial devait être un moyen de corriger la trajectoire, mais malgré un signal politique sur les énergies fossiles, le manque de moyens s’ajoute à des paris technologiques dangereux, qui nous éloignent d’une sortie rapide, juste et équitable des énergies fossiles.
L’éléphant dans la pièce a été nommé mais il siège toujours !
La société civile du monde entier, a réussi, grâce à son pouvoir collectif, lors de la COP28 à Dubaï, à mettre l’accent sur la fin des énergies fossiles, qui doit s’accompagner d’une transition juste, rapide et financée. Nos mobilisations tout au long de l’année et dans les couloirs de la COP28 ont abouti à ce que les pays s’entendent sur la transition hors des combustibles fossiles. Toutefois, cette voie hors des combustibles fossiles sera compromise dès le départ car, une fois de plus, il n’y a pas d’accord sur la manière dont cette transition énergétique sera financée et dont les pollueurs historiques assumeront la responsabilité de garantir la justice et l’équité pour les peuples et les pays vulnérables du Sud de la planète.
En utilisant le terme “transition away”, traduisible par “transition hors des énergies fossiles”, le Bilan mondial ne propose qu’un changement progressif et non une transformation. Le signal est là mais il est encore faible. De plus, le gaz est présenté comme une énergie de transition, une terminologie qui aurait pu être écrite par un grand producteur de gaz fossile. La science est claire : le gaz est un combustible fossile et non un combustible de transition. Le texte fait aussi des mentions inquiétantes à la capture et au stockage carbone : des technologies non matures, coûteuses et potentiellement dangereuses à long-terme. Il est aussi important de souligner certaines victoires : triplement de la production des énergies renouvelables d’ici 2030, doublement de l’efficacité énergétique, ainsi qu’une reconnaissance de la baisse rapide des coûts des énergies renouvelables. En effet, la sortie des énergies fossiles ne se fera pas sans l’entrée dans les énergies renouvelables et les moyens nécessaires pour le faire.
Donc, oui le texte mentionne les énergies fossiles, mais non il ne s’agit pas d’une sortie juste et équitable de toutes les énergies fossiles. Il n’est pas non plus question d’objectifs communs et d’engagements précis et donc contraignants pour les États pour les réaliser. AOSIS a été très claire et ce jusqu’à la dernière plénière, sur le fait que le Bilan Mondial doit être le véhicule de la correction de trajectoire, mais qu’il s’essouffle dans des domaines importants.
La victoire du Fonds Pertes et Dommages ne doit pas éclipser le manque de moyens criants accordés à la transition et à l’adaptation
La COP28 a débuté avec une avancée majeure en matière de financement climat, à travers l’opérationnalisation du Fonds pertes et dommages. Marquant l’aboutissement de 30 ans de lutte acharnée par les pays en développement, c’est une réelle victoire. Cependant, le montant des premières contributions ponctuelles au Fonds, à hauteur de 655 millions de dollars, reste dérisoire au regard des besoins des pays vulnérables pour faire face à ces impacts les plus sévères du changement climatique qui pourraient aller jusqu’à 580 milliards de dollars par an d’ici 2030, alors que ces pays en sont les moins responsables.
Malgré un sursaut en milieu de COP, les gouvernements n’ont pas été au rendez-vous sur la question de l’adaptation. Véritable enjeu de survie pour les pays les plus vulnérables, l’adaptation reste cruellement sous-financée depuis des années et le texte sur l’Objectif Mondial sur l’Adaptation adopté par la COP28 ne dit pas clairement comment combler ce fossé et réhausser l’ambition. La COP28 se contente de demander un rapport aux pays développés d’ici la prochaine COP sur le doublement des financements pour l’adaptation pour atteindre 40 milliards de dollars par an d’ici 2025, mais ce montant des 40 milliards de dollars par an reste largement insuffisant quand on sait que les besoins des pays en développement contraints à s’adapter au changement climatique pourraient se chiffrer à 387 milliards de dollars par an d’ici 2030.
Les marchés carbone des Nations Unies ou le risque de compromettre l’intégrité de l’accord de Paris
Après de longues discussions entre Etats, les textes d’encadrement proposés sur les marchés carbone (Article 6 de l’accord de Paris) ont été rejetés. C’est un soulagement pour nos ONG tant l’adoption de ces textes, dépourvus de règles solides, aurait pu compromettre l’intégrité de l’accord de Paris. La faiblesse des cadres normatifs et l’absence de mentions de protection pour les droits humains ont fini par convaincre le Mexique, l’Union européenne ainsi que les groupes d’Etats AILAC (Alliance Indépendante d’Amérique Latine et des Caraïbes) et CfRN (Coalition pour les nations des forêts tropicales) de rejeter ce texte dangereux. Malheureusement, ce refus ne signe pas l’arrêt des négociations autour du marché carbone, pourtant vivement critiqué pour son inefficacité climatique et les risques qu’il fait peser sur les communautés locales. Sans règles robustes, l’article 6 contiendra de dangereuses lacunes dans le comptage des réductions d’émissions, contredira le principe de responsabilités climatiques, et minera tout effort pour respecter les engagements pris dans l’accord de Paris.
Un résultat décevant sur la question du financement
La COP28 a abouti à un résultat qui devrait décourager les institutions d’investir dans des actifs qui seront bientôt abandonnés. Mais, beaucoup de pays en développement, qui dépendent encore des combustibles fossiles pour leur énergie, leurs revenus et leurs emplois, ne disposent pas de garanties solides pour obtenir un soutien financier adéquat dans leur transition urgente et équitable vers les énergies renouvelables. Alors, bien que la COP28 ait reconnu l’immense déficit financier dans la lutte contre les impacts climatiques, les résultats finaux sont décevants et ne parviennent pas à contraindre les nations riches à assumer leurs responsabilités financières – des obligations s’élevant à des centaines de milliards de dollars, qui n’ont toujours pas été remplies. Lors de la COP29 à Bakou, tous les regards seront tournés vers les négociations autour du nouvel objectif mondial en matière de financements climatiques, censé fixer des objectifs ambitieux de coopération internationale pour l’après-2025.
L’accord final de la COP28 nous démontre qu’il est nécessaire de maintenir la pression sur les décideurs et décideuses, pour qu’ils prennent des engagements audacieux et assument leurs responsabilités. La prochaine COP ne sera pas simplement une COP financière, mais bien une COP des peuples, où les puissants devront investir les milliards nécessaires pour amorcer des transitions équitables et indispensables. Notre unité est notre force, et notre voix collective résonnera jusqu’à ce que ce changement nécessaire soit une réalité
La COP29 à Bakou
L’an prochain, la COP29 sera hébergée par l’Azerbaïdjan, un pays dont l’économie est très dépendante de la production de pétrole et de gaz.
L’Azerbaïdjan a également un gouvernement répressif envers les voix dissidentes, qui cible les opposants politiques et les médias indépendants par le biais d’accusations contestables. Des lois restrictives continuent d’empêcher les ONG de fonctionner de manière indépendante et les manifestations font l’objet de dispersions brutales.
Nous serons particulièrement vigilants dans ce contexte. Car lors de ces conférences mondiales sur le climat, il est question de l’avenir de l’humanité, tout le monde doit donc pouvoir s’exprimer librement.
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