Climat, pauvreté et droits humains : un même combat
L’accord de Paris doit son succès à deux piliers : une ambition climatique forte et une dimension humaine et sociale intégrée en son sein.
La COP24 : opérationnaliser l’accord de Paris et promouvoir une approche par les droits
L’accord de Paris doit son succès à deux piliers : une ambition climatique forte et une dimension humaine et sociale intégrée en son sein. En effet, l’accord s’inscrit dans des principes fondamentaux tels que les droits de l’homme, la sécurité alimentaire, les droits des peuples autochtones, l’égalité des sexes, la participation du public, l’intégrité des écosystèmes, l’équité intergénérationnelle et la transition juste. Pour la première fois dans le cadre d’un traité environnemental, les droits fondamentaux ont été intégrés.
La COP24 doit aboutir à l’élaboration d’un manuel d’application pour l’accord de Paris. Il s’agit maintenant de se mettre d’accord sur les modalités et règles de leur mise en œuvre, et la vision de l’accord de Paris doivent être reflétés dans son opérationnalisation. Concrètement, il faut que les Etats s’accordent sur l’intégration des 8 principes notamment dans les lignes directrices pour l’élaboration des Contributions Nationales Déterminées, afin que, aux niveaux nationaux, ils aient la force de lignes rouges à ne pas dépasser lors de l’action climatique, et qu’ils encouragent des politiques fondées sur les droits humains.
A l’heure où les changements climatiques, tout comme certaines mesures d’atténuation et d’adaptation menacent la réalisation de ces principes, leur intégration complète dans le manuel d’application permettra de ne pas passer à côté de l’objectif premier de la lutte contre les dérèglements climatiques : garantir les conditions de vie digne pour tous, à commencer par les plus vulnérables. La publication du rapport du GIEC en octobre 2018 montre bien que ne pas dépasser les 1.5°C est une question de survie pour des millions de personnes, et les plus pauvres sont souvent les premiers touchés par les dérèglements climatiques.
Mais certaines technologies d’émissions négatives telles que la séquestration à grande échelle présentent aussi des menaces sur les droits humains, la sécurité alimentaire et les droits fonciers. Le GIEC lui-même le souligne. Par exemple, la bioénergie avec capture et stockage du carbone dans le sol (BECCS) vise à produire de l’énergie à partir de la biomasse, tout en capturant les gaz à effet de serre émis au moment de la combustion en les enfouissant dans le sol. Mais la surface requise pour cette technologie va entraîner une importante compétition sur les terres et les conséquences socio-environnementales pourraient être désastreuses. Faute de vision politique fondée sur l’approche par les droits, le risque existe de voir se multiplier des solutions dangereuses pour les populations les plus vulnérables, notamment les paysans et les peuples autochtones.
🌏La #COP24 débute ce jour à Katowice. Une conférence mondiale très importante car les Etats doivent décider des actions pour limiter le réchauffement climatique.@SaraLickel souligne que ces mesures doivent reposer sur les droits humains, notamment des peuples autochtones. pic.twitter.com/XIIrCGZfEn
— Secours Catholique (@caritasfrance) December 2, 2018
Une ambition climatique fondée sur les droits de l’homme : la piste inexplorée pour ne pas dépasser les 1.5°C
Une étude, pilotée par l’alliance CLARA dont le Secours catholique – Caritas France et le CCFD-Terre Solidaire sont les membres français, montre qu’ancrer l’action climatique sur les droits humains permet d’atteindre de meilleurs résultats en termes de séquestration et de protection du carbone présent dans les forêts tropicales. Le respect du droit foncier des peuples autochtones permettrait de protéger près de 1000 Gt de CO2 stocké dans ces forêts. Les politiques agricoles fondées sur le droit à l’alimentation et les droits fonciers permettent le développement de l’agroécologie, ce qui permettrait d’atténuer le poids de nos systèmes alimentaires dans les émissions de GES globales, et de lutter contre l’insécurité alimentaire au niveau local par l’adaptation des cultures. L’émission de 11 Gt d’équivalent CO2 par an serait évité et près de 10Gt/an de CO2 serait séquestré par des pratiques d’agroforesterie d’ici à 2050 au niveau mondial. A titre de comparaison, les scénarios du GIEC indiquent qu’une trajectoire permettant de rester sous +1.5°C nécessite entre 100 et 1000 Gt d’émissions négatives d’ici à 2100. Réaliser l’ambition climatique par une approche fondée sur les droits humains et la transformation des systèmes alimentaires permet donc d’atteindre les mêmes objectifs, et présente de nombreux co-bénéfices sociaux et environnementaux.
Article rédigé par Sara Lickel, chargée de plaidoyer droit à l’alimentation et changements climatiques, Secours catholique – Caritas France
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