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Climat : la Commission européenne prend le mauvais cap

Quelques jours après la COP 22, la Commission européenne publie le 30 novembre ses propositions législatives (son “Paquet d’hiver”) comprenant la révision des directives sur les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique, la gouvernance énergétique, ainsi que sur le marché de l’énergie pour l’après 2020.

Copyright : Gérard Colombat
Siège de la Commission européenne, Bruxelles

Ces textes cruciaux serviront de boussole dans la mise en œuvre de la transition énergétique en Europe. Ayant pris connaissances des différents projets de directives, le Réseau Action Climat, WWF France, le CLER-Réseau pour la transition énergétique la Fondation Nicolas Hulo, et France Nature Environnement dénoncent le cap fixé par la Commission européenne, incompatible avec celui donné par l’accord de Paris.

Manque d’ambition sur les directives, échec du marché carbone, incapacité à investir massivement dans la transition, difficulté à garantir une transition juste, politique commerciale non climato-incompatible, la Commission s’apprête à plonger son système énergétique dans le formol, faute d’accord sur la formule d’une transition réussie.

L’Europe est-elle réellement prête à tirer un trait sur les bénéfices économiques et les emplois qu’apporterait un leadership fort dans la transition énergétique, dans l’espoir de préserver une économie fossilisée ?

Des directives incohérentes avec l’Accord de Paris

Pour tenir l’objectif de limiter le réchauffement climatique sous les 1,5°C, l’Union Européenne doit accélérer ses investissements dans les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique. Pour cela, il faut un cap clair avec des objectifs ambitieux et des règles cohérentes. C’est tout le contraire que se proposent de faire ces projets de directives sur les énergies renouvelables : en fixant un objectif de seulement 27 % de renouvelables en 2030 (l’Europe atteindrait 24 % sans nouvelles politiques), en menaçant de supprimer l’accès prioritaire au réseau et certains mécanismes de soutien pour ces énergies, en autorisant les subventions déguisées aux énergies fossiles et en n’adoptant pas les règles de gouvernance adéquates. Sur l’efficacité énergétique, il faudrait viser 40 %, et non 30 %, à horizon 2030. Si le texte est moins mauvais sur ce point, il ne permet pas d’avancées sur des questions clés : le financement de la rénovation énergétique, l’introduction d’objectifs sectoriels contraignants ou encore la séparation contractuelle entre fourniture d’énergies et services d’efficacité énergétique. Enfin sur les transports, considérer que les agrocarburants de première génération devraient contribuer à 3,8 % de l’objectif d’énergies renouvelables global est une aberration, compte tenu de leur impact néfaste lié au changement d’affectation des sols indirect. L’UE devrait au contraire prévoir d’en sortir à horizon 2030.

Une politique européenne globalement à contre courant

Les financements pour la transition énergétique et le climat peinent à devenir une priorité au niveau européen, notamment dans le cadre du Plan Juncker, dont l’objectif de consacrer 20 % des investissements au climat semble aujourd’hui hors d’atteinte et l’objectif de consacrer 20% de ses dépenses au climat à horizon 2020 est encore loin. La réforme engagée du marché du carbone EU-ETS risque fort de se résumer à un coup d’épée dans l’eau. La politique commerciale, à l’image du CETA UE-Canada, demeure incompatible avec l’accord de la COP21, plutôt que de se mettre à son service en contribuant à accélérer une transition juste.Aujourd’hui, l’Union Européenne doit choisir : réformer en profondeur sa politique pour saisir les opportunités du monde de demain ou se condamner à subir la fin du monde d’hier. En un mot : accord de Paris, cap ou pas cap ?

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