Centre-Val de Loire : Agriculture, patrimoine et forêts face aux sécheresses
Fortes chaleurs, sécheresses, fonte des glaciers, inondations... Le Réseau Action Climat propose un panorama des conséquences du changement climatique dans toutes les régions de France. Quelles sont les impacts qui concernent la région Centre-Val de Loire ?
Sécheresses : les cours d’eau en déficit
Comme dans toutes les régions de France, le Centre-Val de Loire se réchauffe sous l’effet des activités humaines. La température a augmenté de +1 °C en moyenne depuis le début des années 1970[1] : bien que cette hausse soit légèrement plus faible que la moyenne française, elle n’est pas sans conséquence pour la région. Si les émissions de gaz à effet de serre continuent d’augmenter, cette hausse devrait atteindre +2 °C en 2050 et +4 °C en 2100. En parallèle de cette hausse des températures moyennes, le nombre de jours de forte chaleur est lui aussi en forte augmentation : rien qu’entre 2018 et 2040, il devrait bondir de 33 %[2]. D’ici le milieu du siècle, la région devrait connaître en moyenne 20 jours de vagues de chaleur de plus que dans le climat actuel (7 à 10 jours), et 21 à 22 jours pour les habitants du Cher[3], département le plus exposé de la région. Le nombre de jours dépassant 25 °C devrait doubler d’ici à 2100.
Modélisations de l’évolution du nombre de jours de gel et du nombre de jours anormalement chauds (moyenne régionale sur une période glissante de 11 ans)[4]
Concernant les précipitations, les incertitudes sont importantes mais la tendance indique une légère hausse : d’ici la fin du siècle, elles devraient augmenter de 10 à 20 % en Centre-Val de Loire[5]. Toutefois, cette hausse est inégalement répartie selon les saisons : les hivers seront plus humides tandis que les étés seront plus secs. Dans ce contexte de hausse des températures (également plus importante l’été) qui provoque une hausse de l’évaporation des sols et de la transpiration des végétaux, cela entraîne une aggravation des sécheresses estivales qui sera de plus en plus marquée au cours du siècle. Ces épisodes sont plus fréquents, longs et intenses avec de nombreuses répercussions pour les cours d’eau et les activités humaines.
Évolution de l’évapotranspiration journalière moyenne (1961-2100)[6]
On observe d’ores et déjà un allongement des périodes d’étiage[7] et une baisse des débits des cours d’eau. En milieu de siècle, le débit moyen annuel des cours d’eau du bassin Loire-Bretagne devrait chuter de 10 à 40 %, et le débit de la Loire en période d’étiage de 25 à 50 %[8]. Cela entraîne des conséquences dramatiques pour les écosystèmes aquatiques, qui font de plus face à une hausse de la température de l’eau qui pourrait atteindre +1,1 à +2,2 °C en 2070 (par rapport à 1976-2005). De manière générale, un tiers des espèces de la région sont menacées, dont 50 % des amphibiens. Enfin, les réserves d’eau souterraines sont également concernées, puisque les nappes devraient subir une baisse de recharge de 25 à 30 % d’ici 2070.
Un modèle agricole à revoir
Ces sécheresses à répétition vont entraîner une augmentation des conflits pour l’eau, avec une tension grandissante entre les besoins pour l’eau potable et les autres usages. Parmi ceux-ci, le secteur agricole subit de plein fouet cette crise, alors que les besoins en eau vont croissant avec la hausse de l’évapotranspiration[9]. Durant la très sèche année 2022 par exemple, des restrictions sur l’irrigation ont causé des pertes de rendement de 10 à 40 % en France selon les régions et les filières[10]. En période de sécheresse, les cultures dépérissent et le déficit de fourrage (-24 % en 2022[11]) impacte l’élevage et ses productions. Certaines terres sont de plus menacées par les phénomènes d’érosion provoqués par les épisodes de précipitations intenses, en augmentation dans la région et pouvant générer des coulées de boue avec destruction des cultures voire des infrastructures. Par ailleurs, les épisodes de gels tardifs, dus aux bourgeonnements précoces résultant de la douceur hivernale, sont une autre menace pouvant générer d’importantes pertes agricoles. De même pour les fortes chaleurs, qui perturbent les cultures végétales à travers le phénomène d’échaudage[12], qui entrave voire stoppe leur développement. La filière de l’élevage est également affectée lors des canicules, qui mettent en péril la santé du bétail.
Une forte exposition aux catastrophes naturelles
Le Centre-Val de Loire est de loin la région de France où la proportion de la population est la plus exposée au risque de retrait-gonflement des argiles (RGA)[13] : 67 % des habitants sont en zone d’aléa fort ou moyen, soit 1,720 millions de personnes.
Population exposée aujourd’hui au risque de retrait-gonflement des argiles par région de France[14]
Si la région est naturellement à risque par la nature de ses sols – en particulier les régions de Tours et d’Orléans ainsi que l’Indre, le Cher et le sud-est du Loir-et-Cher – le changement climatique est un important facteur aggravant. Le retrait-gonflement des argiles (RGA) est en effet favorisé par la sécheresse des sols, mais aussi par la hausse des températures et les précipitations extrêmes, trois facteurs accentués par le réchauffement global. Depuis l’année 2006, les sinistres reconnus de RGA ont augmenté de 145 % en France (par rapport à la période 1989-2005). Le RGA pourrait causer d’importants dégâts pour le patrimoine de cette région qui abrite une grande partie des châteaux de la Loire.
Autre risque majeur, les inondations concernent 1 habitant sur 8 en Centre-Val de Loire[15], majoritairement par débordement de cours d’eau : la Loire, mais également le Cher, l’Indre, la Vienne… L’augmentation des sécheresses est, paradoxalement, un facteur aggravant : celles-ci dégradent les sols et diminuent leur capacité d’absorption, favorisant le ruissellement des pluies. D’autres causes peuvent accentuer ce risque : l’artificialisation des sols[16], mais aussi l’augmentation des précipitations extrêmes : le nombre de jours de fortes précipitations évoluera de 1 à 3 jours par année d’ici le milieu du siècle (2040-2070) si les émissions de gaz à effet de serre poursuivent leur trajectoire actuelle[17].
Les forêts en proie aux flammes
“Les puits de carbone sont en forte baisse en Centre-Val de Loire”, annonçait le Haut Conseil pour le Climat dans son rapport annuel de 2023[18]. Cela s’explique notamment par la dégradation des forêts, qui représentent 26 % du territoire régional, avec 3 parcs naturels régionaux et les forêts d’Orléans, du Perche et la Sologne. Le Loir-et-Cher, couvert à 37 % de forêts, est le département le plus boisé de la région. Ces espaces constituent des réserves de biodiversité essentielles et jouent un rôle important dans l’atténuation du changement climatique, mais subissent eux aussi les effets des sécheresses. Au-delà des conséquences directes du stress hydrique, qui provoque des dépérissements, cela rend les forêts plus vulnérables aux ravageurs. La chenille processionnaire du pin a désormais colonisé la quasi-totalité de la région, avec d’importants dégâts pour les arbres mais aussi des risques pour la santé des humains et animaux.
Evolution temporelle du front de colonisation de la chenille processionnaire du pin[19]
La sécheresse renforce aussi la vulnérabilité des forêts aux tempêtes ainsi qu’aux feux : la surface forestière vulnérable aux incendies a doublé dans la région depuis les années 1980[20]. Les surfaces sensibles continueront à augmenter dans les prochaines décennies : en 2060, 60 % des forêts devraient être exposées à un risque fort à très fort, pendant 10 à 25 jours par an (contre seulement 4 aujourd’hui). En 2040, la région connaîtra “une situation comparable à celle que connaissent actuellement les Landes” selon l’Atlas du risque de feux de forêt en Centre-Val de Loire[21]. Pour empêcher leur disparition et leur permettre de remplir leur rôle essentiel pour la biodiversité et l’atténuation du changement climatique, la gestion des forêts doit être repensée (voir encadré adaptation).
Sources
[1] DREAL Centre-Val de Loire – Changement climatique
[2] Agence Régionale de la Biodiversité (ARB) – Chiffres clefs sur le climat en Centre-Val de Loire
[3] Météo France via Ouest France
[4] DREAL Centre-Val de Loire – Changement climatique
[5] Association Conséquences – Centre-Val de Loire – Climat, sécheresse et ressource en eau
[6] Association Conséquences – Centre-Val de Loire – Climat, sécheresse et ressource en eau
[7] Voir lexique
[8] DREAL Centre-Val de Loire – La ressource en eau face au changement climatique
[9] Voir lexique
[10] Chambres d’agriculture – Sécheresse – Retour au 1er septembre 2022
[11] Association Conséquences – Centre-Val de Loire – Climat, sécheresse et ressource en eau
[12] Voir lexique
[13] Voir lexique
[14] Association Conséquences – Maisons fissurées – 20 millions de français exposés, beaucoup plus à l’avenir
[15] Agence Régionale de la Biodiversité (ARB) – Chiffres clefs sur le climat en Centre-Val de Loire
[16] Voir lexique
[17] Météo France via Ouest France
[18] Haut Conseil pour le Climat – Rapport annuel 2023
[19] DREAL Centre-Val de Loire – La forêt du Centre-Val de Loire face au changement climatique
[20] Agence Régionale de la Biodiversité (ARB) – Chiffres clefs sur le climat en Centre-Val de Loire
[21] Atlas du risque de feux de forêt en Centre-Val de Loire
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