Ça sent le gaz pour le Green Deal européen
Le gaz fossile s'invite dans les discussions des Ministres de l'énergie ce vendredi 11 juin sur le futur des infrastructures énergétiques. La France, pourtant a priori opposée au gaz fossile, reste silencieuse, risquant de faire basculer la majorité au Conseil, ce qui condamnerait l'Europe à être dépendante au gaz fossile.
La Commission européenne a présenté une révision de la législation sur les réseaux européens de transport d’énergie (TEN-E) afin d’aligner les infrastructures énergétiques de l’Union européenne sur les nouveaux objectifs climatiques européens et le Green Deal.
Le problème ? Beaucoup de pays, poussés par les géants du gaz fossile, souhaitent continuer à investir dans des infrastructures de gaz fossile en Europe pour les décennies qui viennent, quitte à éloigner l’Europe de ses objectifs climatiques.
Les réseaux européens de transport d’énergie (TEN-E), Quézako ?
Le règlement des réseaux européens de transport d’énergie (TEN-E) cadre les orientations des infrastructures énergétiques de l’Union européenne pour des décennies. Il définit les critères des projets d’intérêt commun (PCIs) qui pourront bénéficier des financements publics. Jusqu’à présent l’Union a renforcé ses interconnexions électriques, mais aussi gazières en investissant massivement dans les infrastructures gazières sur le continent européen.
La dernière révision date de 2013, soit avant l’Accord de Paris sur le climat. C’est pourquoi, dans l’optique d’atteindre la neutralité climatique, la Commission européenne ne souhaite plus financer de nouveaux projets d’infrastructures de gaz fossile en Europe. Elle suit ainsi l’exemple de la Banque européenne d’investissement (BEI) qui a décidé d’arrêter les financements au gaz fossile en 2019.
Le gaz fossile a-t-il une place dans la transition énergétique européenne ?
La Commission estime que la consommation de gaz fossile devrait décliner de 36 % d’ici à 2030 pour respecter l’objectif climatique européen. Plusieurs études confirment que renforcer la place du gaz fossile d’ici à 2030 risquerait de conduire l’Union à sortir de sa trajectoire climatique.
Par ailleurs, les infrastructures européennes sont d’ores-et-déjà en surcapacité. L’Europe n’aurait pas besoin de développer de nouvelles infrastructures gazières pour répondre à ses besoins présents et futurs. Enfin, les infrastructures gazières ayant une durée de vie de 40 à 50 ans, investir aujourd’hui dans le gaz fossile rendrait la neutralité climatique pour 2050 inatteignable. De telles nouvelles infrastructures courent le risque d’être rapidement abandonnées et de devenir des actifs échoués, gaspillant les fonds publics de l’Union et des contribuables européens.
Malgré cela, des projets gaziers équivalents à 87 milliards d’euros sont en cours de réalisation ou à l’étude. Beaucoup pourraient recevoir des financements publics de plusieurs dizaines de milliards d’euros, renforçant la dépendance de l’Europe vis-à-vis de pays producteurs comme la Russie ou l’Azerbaïdjan par exemple.
L’hydrogène peut-il prendre la place du gaz fossile dans les infrastructures ?
Malgré les arguments avancés par les géants du gaz pour justifier la construction de nouvelles infrastructures de gaz fossile, les gazoducs ne peuvent pas accueillir une grande quantité d’hydrogène. Ce dernier ne peut atteindre que 10 % maximum du volume transporté et doit impérativement être mélangé avec du gaz fossile. Cette option qu’on appelle le “blending”, c’est-à-dire le mélange dans les gazoducs d’un peu d’hydrogène et de gaz fossile, est une proposition qui vise avant tout à maintenir les investissements dans les infrastructures gazières.
Par ailleurs, la transition du réseau gazier en un réseau permettant de transporter de l’hydrogène serait extrêmement coûteux.
Enfin, si l’hydrogène a un rôle important à jouer dans la transition, seul 5 % de l’hydrogène produit en Europe aujourd’hui est issu des énergies renouvelables, le reste étant fortement dépendant du gaz fossile. Afin d’être véritablement durable, et non de simplement représenter un nouveau marché pour le gaz fossile, il est impératif que soit exclu l’hydrogène produits à partir d’énergie fossile, et notamment l’hydrogène “bleu” issu de gaz fossile et associé à des technologies de capture carbone.
Quelle majorité pour exclure le gaz fossile en Europe ?
Une coalition de 11 pays de l’Union européenne, dont l’Allemagne, a pris fermement position pour la fin de tout soutien aux énergies fossiles dans le cadre de la législation.
Face à eux, des pays d’Europe centrale et orientale et du Sud souhaitent maintenir les subventions aux infrastructures de gaz fossile par deux biais :
- Le blending, mélange dans les gazoducs d’hydrogène et de gaz fossile ;
- Deux exceptions pour des projets gaziers à Chypre et Malte et notamment le projet EastMed, ayant un impact bien plus large sur l’approvisionnement européen.
Quid de la France ?
La France a une position pivot car elle peut faire basculer la majorité au Conseil. Bien que la France ne soit pas à priori en faveur du gaz fossile en Europe, elle refuse toujours de signer la déclaration des 11 États-membres appelant à rejeter le gaz fossile.
En cause ? Son alliance d’intérêts avec les pays pro-gaz sur la question du nucléaire. Cette alliance rend difficile un positionnement de la France contre le gaz fossile, quitte à accroître la dépendance de l’Union européenne aux énergies fossiles pour les décennies à venir.
Le Réseau Action Climat appelle la France à sortir du silence et à prendre publiquement position pour l’exclusion du gaz, aux côtés de déjà 11 États-membres, dont l’Allemagne.
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