Bourgogne-Franche-Comté : Le secteur agricole à sec

Fortes chaleurs, sécheresses, fonte des glaciers, inondations... Le Réseau Action Climat propose un panorama des conséquences du changement climatique dans toutes les régions de France. Quelles sont les impacts qui concernent la région Bourgogne-Franche-Comté ?

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La sécheresse, premier risque en Bourgogne-Franche-Comté

Près de trois quarts des communes de Bourgogne-Franche-Comté sont menacées par les conséquences du changement climatique[1], en premier lieu par les sécheresses. Traversée par des cours d’eau à faible débit et possédant des nappes phréatiques disposant de faibles réserves, la région est particulièrement vulnérable à cet aléa. Des sécheresses météorologiques (avec plus de 15 jours consécutifs sans précipitations) ont été enregistrées une année sur deux entre 1991 et 2019[2]. Cela s’accélère depuis 2015, avec un effet marqué du changement climatique sur les étiages[3] des cours d’eau. Estimée à +1,5 °C dans la région entre les périodes 1961-1990 et 1991-2019, la hausse des températures est directement en cause. En effet, celle-ci entraîne une augmentation de l’évapotranspiration[4] provoquant l’assèchement des sols. Et cette tendance devrait s’empirer dans les décennies à venir, puisque selon les projections, les températures pourraient atteindre +4 °C (par rapport à 1961-1990), alors que le cumul des précipitations devrait rester stable, quoique le nombre de jours consécutifs sans pluie devrait augmenter. Avec un apport en pluie similaire (mais moins bien réparti) et des températures plus élevées, les sols seront de plus en plus secs dans la région. Les projections fondées sur les scénarios du GIEC indiquent une baisse de 5 à 25 % de la recharge des nappes phréatiques d’ici 2050 dans la région.

Ces nouvelles conditions entraînent déjà une récurrence des sécheresses estivales, qui deviennent de plus en plus fréquentes, avec des conséquences pour l’agriculture, l’accès à l’eau potable, l’énergie hydraulique, les industries… En 2019, 82 % des mortalités de plantations étaient dues à la sécheresse. Souvent présenté comme exemple de sécheresse extrême, l’été 2019 est certes exceptionnel mais est amené à devenir banal dans le futur

Les forêts sont particulièrement impactées par ces épisodes de sécheresse, à l’image de l’année 2019, durant laquelle des milliers d’hectares de hêtres ont dépéri. Le stress hydrique rend les forêts particulièrement vulnérables aux attaques de ravageurs (chenilles processionnaires du pin, scolytes…), qui sont de plus en plus présents dans la région avec les nouvelles conditions climatiques. À l’échelle de la France, la mortalité des arbres associée aux épisodes de sécheresses et aux conditions propices aux ravageurs a augmenté de 54 % sur la période 2012-2020[5], et la région Bourgogne-Franche-Comté fait partie des plus impactées. Par ailleurs, la sécheresse rend les forêts plus vulnérables au risque d’incendies, qui est et sera de plus en plus élevé. Toutes ces pressions subies par les forêts ont des répercussions néfastes pour les espèces animales et végétales qui dépendent de ces milieux, à l’image du Grand Tétras, qui dépend des résineux pour sa nourriture et son habitat.

L’agriculture en première ligne

La Bourgogne-Franche-Comté est un territoire particulièrement marqué par les activités agricoles, qui occupent 53 % des sols de la région[7]. Alors qu’elle représente 8,8 % du territoire national, elle compte pour 9,6 % de la surface agricole utile avec la viticulture, les élevages de viande et laitiers, et les grandes cultures céréalières. Au-delà de l’augmentation de l’évapotranspiration et de la sécheresse des sols, qui amplifient les besoins en eau, le secteur subit de nombreux effets néfastes du changement climatique. L’impact sur l’humidité des sols se produit au moment où les besoins en eau sont les plus élevés pour les cultures, impliquant une augmentation des besoins d’irrigation, un sujet central dans ce contexte de tension autour de l’eau. Bien que seulement 5 % des surfaces agricoles soient aujourd’hui irriguées, cela représente 45 % de la consommation d’eau en France[8]. Avec le changement climatique, on observe déjà une forte hausse de la proportion des terres irriguées en France (+14,6 % en moyenne). En Bourgogne-Franche-Comté, celle-ci a bondi de 68 %. Les cycles de croissance de la plupart des cultures sont par ailleurs raccourcis, ce qui peut provoquer des problèmes de rendement. De plus, les épisodes de chaleur extrêmes, de plus en plus fréquents et intenses, peuvent provoquer un échaudage des cultures, c’est-à-dire une “surchauffe” pouvant mener à un dessèchement et donc des pertes de récoltes. Cela peut paraître paradoxal, mais la hausse des températures accentue aussi le risque de gel des récoltes. Les floraisons surviennent en effet de plus en plus tôt, exposant les futurs fruits aux gelées tardives. Le fruit en développement est alors freiné dans sa croissance, voire détruit. Le Jura et l’Yonne devraient être particulièrement exposés à ce risque dans les décennies à venir.

Les bioagresseurs sont eux aussi favorisés par les conditions climatiques : il s’agit des maladies (bactéries, champignons…) ou des ravageurs (charançons et autres insectes), dont la zone géographique s’étend peu à peu et dont les effets sont plus importants en période de sécheresse. Entre la sécheresse et les attaques de ravageurs, les surfaces dédiées à la culture du colza ont chuté de 45 % en 2019 par rapport à 2018[9]. À noter que les conséquences sur le rendement sont variées selon les cultures : le blé peut être favorisé par exemple, tandis que les récoltes d’automne comme le maïs subissent de fortes baisses de rendement.

Enfin, l’élevage est loin d’être épargné, puisque le changement climatique engendre un déficit de fourrage nécessaire au nourrissage, mais aussi un stress thermique important pour le bétail. La canicule de 2003 avait ainsi engendré une surmortalité de 24 % chez les bovins en France. Les variations de température peuvent aussi avoir un impact sur leur reproduction et accroître leur vulnérabilité aux maladies. Dans la région, ces conséquences se sont traduites par une baisse de rendement qui a atteint 30 % en 2019[10]. De plus, l’élevage est très consommateur d’eau : 5 à 10 L d’eau sont nécessaires pour produire 1 L de lait, et une vache laitière peut consommer jusqu’à 150 à 250 litres d’eau par jour, cela pouvant entraîner des difficultés d’approvisionnement dans ce contexte de déficit hydrique.

Un enjeu majeur de santé publique

En parallèle des sécheresses, le nombre de vagues de chaleur est lui aussi en forte augmentation : entre 1991 et 2019, la région a enregistré 4 fois plus de jours caniculaires que sur la période 1961-1990[11]. D’ici à 2050, le nombre moyen de journées anormalement chaudes[12] devrait atteindre 21 par an en moyenne[13] (contre 13 avant 2005). De même, le nombre de nuits anormalement chaudes sera de 8 à 19 par an (contre 3 en moyenne avant 2005). Un habitant sur 6 serait particulièrement exposé (16 %, contre 6 % au niveau de l’hexagone), avec une tendance plus marquée dans les territoires montagneux du Jura, du Morvan et des Vosges.

Fréquence des journées et nuits anormalement chaudes pour la période 2021 – 2050

 Ces pics de chaleur ne sont pas sans conséquences sur la santé : lors de l’année 2023, marquée par deux vagues de chaleur, près de 300 décès ont été attribués à la chaleur dans la région sur l’ensemble de l’été[14]. Les pathologies en lien avec la chaleur (hyperthermie, déshydratation…) touchent particulièrement les plus fragiles (enfants, personnes âgées ou souffrant de maladies chroniques) ou les plus démunis (logements mal isolés, isolement…). La chaleur génère par ailleurs des pics de pollution à l’ozone pouvant aggraver les maladies et autres problèmes respiratoires.

Les maladies infectieuses constituent un autre risque en augmentation dans la région, surtout à travers l’expansion du territoire du moustique tigre. Absent dans la région avant 2014, il s’est installé progressivement dans la quasi-totalité des départements : la Saône-et-Loire en 2014, la Nièvre et la Côte-d’Or en 2018, le Jura et le Doubs en 2020 et enfin l’Yonne et le Territoire de Belfort en 2023[15]. Seule la Haute-Saône n’a pas encore été colonisée à l’heure où nous écrivons ces lignes. Porteur de maladies comme la dengue, le moustique tigre profite de l’augmentation des températures et constitue un nouvel enjeu sanitaire majeur.

Parmi les autres conséquences indirectes du changement climatique, on peut citer la pression exercée sur la faune et la flore, l’augmentation du risque d’inondations due à la sécheresse et à l’intensification des précipitations extrêmes, la baisse de production d’énergie hydraulique, ou encore les enjeux économiques liés au tourisme. La baisse des débits des cours d’eau entraîne en effet des impacts sur les activités aquatiques de loisirs et les sports nautiques. L’emblématique Saut du Doubs, qui attire de nombreux touristes, s’est par exemple retrouvé à sec en juin 2023. Le tourisme hivernal est lui aussi fortement impacté : l’enneigement est en forte baisse depuis 50 ans dans les massifs du Jura, du Doubs et de la Haute-Saône, avec une rapide accélération ces dernières années. La limite pluie-neige, c’est-à-dire l’altitude moyenne où les précipitations tombent sous forme de neige, a en effet reculé de 100 mètres entre 2010 et 2020 dans la station de Métabief (Doubs)[16]. Si la neige artificielle permet de maintenir les activités économiques pour le moment, cela devrait ne plus suffire à moyen terme en raison de températures hivernales trop douces.

Le rapport complet

Sources

[1] ONERC via Alterre Bourgogne-Franche-Comté – Repères n°70 – Impacts climatiques : les clés pour s’adapter

[2] Alterre Bourgogne-Franche-Comté – Repères n°80 – Les temps changent en Bourgogne-Franche-Comté : adaptons-nous !

[3] Voir lexique

[4] Voir lexique

[5] Haut Conseil pour le Climat – Rapport annuel 2023

[6] CC BY-SA 2.0 Pierre-Marie Epiney sur Flickr

[7]  Ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire – Prospective « Eau – Agriculture – Changement climatique » en Bourgogne-Franche-Comté

[8] Les Cahiers du Shift – Climat, crises : comment transformer nos territoires – Campagnes

[9]   Ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire – Prospective « Eau – Agriculture – Changement climatique » en Bourgogne-Franche-Comté

[10]  Agreste via Alterre Bourgogne-Franche-Comté – Repères n°80 – Les temps changent en Bourgogne-Franche-Comté : adaptons-nous !

[11]  Alterre Bourgogne-Franche-Comté – Les temps changent en Bourgogne-Franche-Comté – Chiffres clés

[12] Insee : une journée anormalement chaude est une journée pour laquelle la température maximale est supérieure d’au moins 5 °C à la température maximale de référence, calculée au niveau local sur la période 1976-2005. De la même manière, une nuit est anormalement chaude si la température minimale est supérieure d’au moins 5 °C à la température minimale de référence.

[13] Insee – Dans l’avenir, la région devrait connaître des hausses anormales de température, surtout en été

[14] Alterre Bourgogne-Franche-Comté – Repères n°70 – Impacts climatiques : les clés pour s’adapter

[15] Ministère du Travail, de la Santé et des Solidarités – Cartes de présence du moustique tigre (Aedes albopictus) en France métropolitaine

[16]   Alterre Bourgogne-Franche-Comté – Repères n°80 – Les temps changent en Bourgogne-Franche-Comté : adaptons-nous !

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