Bilan des débats du projet de Loi Climat à l’Assemblée Nationale : un RDV manqué pour le climat et la démocratie
La première lecture du projet de loi Climat et Résilience à l’Assemblée nationale s’est terminée comme elle a commencé : avec un texte dont l’ambition climatique reste beaucoup trop faible pour combler l’écart qui nous sépare toujours du respect de nos objectifs climat.
Un blocage systématique sur les mesures les plus structurantes
- Des mesures mises à l’écart bien qu’elles figuraient parmi les propositions des Citoyens de la Convention Climat et sur lesquelles de nombreux amendements avaient été déposés par des députés de tous bords politiques : le renforcement de la responsabilité climatique des grandes entreprises, la mise en place d’un véritable plan d’investissement pour le ferroviaire.
- Pas d’obligations contrôlées et sanctionnées mais seulement des engagements volontaires : l’interdiction de la publicité par exemple ne concerne que les énergies fossiles. Pour d’autres produits néfastes pour le climat, le Gouvernement et l’Assemblée se contentent de “codes de bonne conduite” à la carte, vagues et sans sanction en cas de non-respect.
- Des avancées en trompe-l’oeil : concernant les 9 plus grands projets d’extension d’aéroports à l’étude sur le territoire métropolitain, aucun ne sera stoppé car ils ne sont pas concernés par le champ d’application du projet de loi. L’objectif de fin de vente des véhicules polluants pour 2030 ne concerne quant à lui qu’ 1 à 3 % des véhicules neufs vendus.
- Profiter de la technicité des enjeux pour affaiblir des objectifs existants : concernant la rénovation énergétique, depuis le Grenelle de l’environnement, il était acté que la France visait pour 2050 un parc de logements entièrement bien isolés (niveau BBC). Or, le projet de loi revoit à la baisse la définition d’une rénovation performante en permettant qu’elle amène les logements non plus à une étiquette énergie A ou B, mais à la classe C. C’est un recul extrêmement dangereux pour l’atteinte de nos objectifs sur le climat et l’énergie.
Le texte se résume donc à une couche de peinture verte sur les politiques climatiques déjà en place et à quelques mesures symboliques.
L’analyse de notre « climatomètre » montre que l’ambition des mesures est restée faible et stable pendant les débats en Commission spéciale et en séance plénière.
Retrouvez notre analyse détaillée sur : www.climatometre.orgUne trahison de la prise en compte de l’urgence climatique et du respect du débat démocratique
- Un filtrage arbitraire des amendements soumis au vote : 20 à 25 % des amendements déposés ont été jugés irrecevables et n’ont donc pas été débattus. Le Président de l´Assemblée nationale et la Présidente de la Commission ont considéré qu’ils étaient hors-sujet par rapport au projet de loi permettant ainsi à la majorité parlementaire de s’éviter un débat sur le développement du ferroviaire ou encore sur la responsabilité environnementale des entreprises.. Partant d’un texte du Gouvernement qui était loin d’engager les transformations nécessaires, la majorité parlementaire a ainsi cantonné les évolutions possibles à un champ restreint.
- Une limitation du temps de débat parlementaire : La majorité a fait le choix d’examiner le texte selon la procédure accélérée et d’instituer un temps législatif programmé, réduisant ainsi le temps de l’examen du texte à moins de 3 semaines tout en limitant le temps de parole d’une partie de l’opposition. Empêcher des députés de défendre leurs amendements n’est pas à la hauteur de l’enjeu du texte, à savoir limiter le dérèglement climatique tout en ne laissant personne de côté…
- Des horaires à rallonge : L’embouteillage du calendrier de l’Assemblée nationale et la volonté d’aller vite ont obligé à étaler les débats en soirée et sur le weekend. La qualité des échanges en a été diminuée par la fatigue des députés et leur moindre présence le week-end, quand ils ont également des obligations en circonscription…
- Une logique d’appareil : Cantonné à un soutien du Gouvernement, le groupe LREM a joué son rôle de marionnette dans une pièce de théâtre bien orchestrée : retrait d’amendements ambitieux de certains membres du groupe pour ne pas brouiller la vision de l’existence d’un bloc uni, un double avis défavorable donné sur la majorité des amendements par le rapporteur et le gouvernement pour faire blocus aux renforcements du texte.
- Et même là où des amendements ont été votés contre l’avis du Gouvernement, il faut garder en tête qu’il ne s’agit pas du texte final. Le Gouvernement peut rectifier le texte lors de la deuxième et dernière lecture après le passage au Sénat et aura toujours par ailleurs à sa disposition une “baguette magique” : l’article 101 du règlement de l’Assemblée nationale. Pour corriger un vote qui ne lui convient pas, cet article lui permet de procéder à une deuxième délibération…
Certes, ce texte comporte un certain nombre d’améliorations : un menu végétarien hebdomadaire pour toute la restau scolaire publique et privée et en option partout où l’état est responsable, élargissement de la prime à la conversion pour l’achat d’un vélo à assistance électrique en remplacement d’un vieux véhicule, intégration des poids-lourds dans l’objectif de fin de vente des véhicules utilisant majoritairement des énergies fossiles en 2040 et une amélioration concernant la « programmation » des aides publiques à la rénovation énergétique…mais il ne passe pas le seuil d’un texte de rupture nécessaire pour déclencher une réelle accélération de la transition écologique. Nous sommes loin d’un texte qui déclenche des “changements majeurs” ou qui acte des “décisions inédites”; termes utilisés à maintes reprises par les rapporteurs.
Par ailleurs, les enjeux de justice sociale devaient être au centre du projet de loi ou au moins représenter un fil rouge. Or, les mesures pour assurer un accès de tous aux acquis de la transition écologique sont très largement insuffisantes voire absentes du texte : prêt à taux zéro pour l’achat d’un véhicule propre pour des ménages à faible revenus, prise en compte des enjeux de reconversion professionnelle….
Le Réseau Action Climat reste alerte contre toute tentative de déformation de la réalité des faits
Cette loi climat est censée représenter le point d’orgue du bilan climatique du quinquennat d’ Emmanuel Macron. Cependant après un mois de débats à l’Assemblée nationale, le texte ressemble plutôt à une nouvelle fausse note que le Gouvernement tentera à tout prix de redéfinir en avancée réelle. Le texte va continuer son cheminement dans la navette parlementaire et sera examiné au mois de mai par le Sénat. Nous appelons les sénateurs à permettre un véritable débat démocratique sur les sujets écartés par la majorité, et à corriger le déficit d’ambition du texte acté par l’Assemblée nationale !
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