Bilan de l’élaboration de la PPE3
La dernière version de la Programmation Pluriannuelle de l'Énergie (PPE 3) est entrée dans sa phase finale de consultation publique, jusqu’au 5 avril. Le Réseau Action Climat commente les orientations et les dernières évolutions de ce document fixant les grandes orientations de la politique énergétique d’ici à 2035.

Une publication urgente qui aurait dû être anticipée
La validation d’un document de planification pour l’énergie est une nécessité, non seulement pour donner aux filières de la transition et en transition suffisamment de visibilité sur la situation nationale pour orienter leur stratégie, mais surtout pour permettre le lancement des appels d’offres pour le soutien aux énergies renouvelables et aux autres filières énergétiques (hydraulique, effacements, hydrolien, …).
Alors que le code de l’énergie engage le gouvernement à faire valider la PPE à travers une loi, celui-ci a fait le choix d’un décret, plus rapide mais moins solide juridiquement. Ce choix se justifie, à raison, par l’urgence de la situation, puisque retarder la publication de la PPE retarderait aussi celle des appels d’offres et heurterait effectivement la transition énergétique. Cependant, l’abandon d’une loi de programmation n’offre pas la même solidité juridique, ni la même légitimité démocratique à la PPE.
Pourtant, les associations avertissent depuis longtemps sur l’importance de fournir une feuille de route claire et robuste, permettant aux nombreux acteurs de la transition de se mettre en marche de façon cohérente et efficace. Les gouvernements successifs n’ont pas écouté ces avertissements, et se servent désormais du retard accumulé comme justification pour contourner le parlement et un réel débat public.
Sortir des fossiles : se donner les moyens de l’ambition
Sur le fond, nous reconnaissons tout de même plusieurs mérites à la version actuelle de la PPE3, en particulier sur la sortie des fossiles. Là où le bât blesse, comme trop souvent, c’est dans la cohérence entre les engagements et les actions.
En effet, la PPE3 pose des jalons en vue de la sortie du charbon, du pétrole, puis du gaz fossile (hors usage comme matière première), respectivement en 2030, 2045 et 2050.
Les horizons temporels évoqués par le Président de la République lors de la COP28 étaient mentionnés dans le projet de Stratégie Nationale Bas Carbone soumis à concertation à l’hiver 2024. La PPE3 reprend ces dates de sortie pour le charbon et le pétrole, mais pas pour le gaz. Cependant, elle entérine des objectifs importants de réduction des consommations d’énergie fossile, qui sont une véritable avancée pour le climat.
Toutefois, si nous nous réjouissons de ces objectifs, le Réseau Action Climat regrette l’absence de mesures suffisantes pour réduire nos consommations d’énergie de 30% en 2030 par rapport à 2012, alors que les directives européennes nous y engagent, et alerte sur la contradiction entre la PPE et les actions du gouvernement.
Ainsi, lors du PLF 2025, nous soulignions l’absurdité de baisser les aides à l’électrification des véhicules, au plan vélo, et à la rénovation énergétique. Ces mesures permettent de réduire les consommations d’énergie, notamment d’énergies fossiles. Les incohérences entre planification et actions que nous dénoncions en décembre 2024 n’ont été résolues ni par les modifications à la marge des documents de planification, ni par celles apportées à la loi de finances pour 2025.
Pour réussir la sortie rapide des énergies fossiles, il est urgent que les moyens de l’action climatique suivent les promesses des documents de planification. La multiplication des incohérences décrédibilise la planification et entretient les dépendances de la France.
Le potentiel inexploité d’un mix renouvelable
Enfin, l’évolution de la PPE la plus largement commentée est celle concernant le soutien à l’énergie solaire. Nous regrettons que le gouvernement ne concentre le soutien au photovoltaïque sur les grands projets plutôt que sur les projets individuels et territoriaux, mais reconnaissons que les objectifs de développement du photovoltaïque correspondent à un rythme relativement soutenu. Soulignons que la filière du photovoltaïque a grandement accéléré ces dernières années. Un rythme de 5GW/an, autrefois difficilement imaginable, est désormais atteint par la filière, et même perçu comme un objectif peu ambitieux.
Cet essor rapide conduit même à une levée de bouclier, notamment chez les défenseurs des fossiles et du nucléaire, qui voient d’un mauvais œil le développement rapide des renouvelables.
Cependant, le développement rapide du photovoltaïque doit s’accompagner du développement de tout un mix énergétique cohérent pour être réellement efficace.
Ainsi, alors que le faible rythme de l’électrification, et avec lui la trop faible progression de la consommation énergétique est pointé du doigt, nous tenons à rappeler la responsabilité du gouvernement dans cette déception. Comment être surpris de cette apathie alors que les aides à l’électrification des véhicules et du chauffage ont été réduites, et que l’instabilité de la politique énergétique apeure l’industrie, dont on retarde toujours plus l’électrification ?
Par ailleurs, nous encourageons à renforcer les économies d’énergie, à développer la flexibilité de la demande, et à soutenir les filières en souffrance, notamment l’éolien terrestre.
Plutôt que de ralentir sur le photovoltaïque, il faut accélérer le déploiement d’un bouquet de solutions complémentaires, dans lequel il peut s’insérer, pour permettre une production d’énergie adaptée aux besoins de la France : éolien, flexibilités, sobriété et efficacité, décalage des pointes de demande, etc.
Une vision de court terme, refusant idéologiquement d’anticiper la fermeture durable ou temporaire de centrales nucléaires, condamne la France à se mettre en retard sur sa capacité de production électrique. Ce retard sera tôt ou tard un boulet pour le climat, comme pour les consommateurs, et fera le jeu du ralentissement de la transition énergétique et des énergies fossiles.
Y compris dans les trajectoires incluant la construction de 6 réacteurs nucléaires supplémentaires à partir de 2038 au plus tôt, anticiper la hausse de la demande électrique requiert d’installer de nouvelles capacités renouvelables, quitte à ce qu’elles réduisent, temporairement ou durablement selon la situation, l’espace de rentabilité économique de la flotte nucléaire existante.
Quel bilan faire de la PPE ?
En somme, la 3e PPE offre un certain nombre d’avancées. Mais son passage par voie réglementaire plutôt que par une loi affaiblit déjà sa capacité à être une feuille de route claire. De même, les multiples incohérences entre l’action de l’Etat et ses promesses sapent encore plus la crédibilité de ce document.
Enfin, nous regrettons que le gouvernement ne justifie des reculs par d’autres reculs. Le manque de soutien à l’électrification ne doit pas servir de justification pour ralentir le déploiement des énergies renouvelables, au risque de ralentir encore plus la sortie de la dépendance aux fossiles.
-
-
-
-
Suivez les actualités du réseau
Abonnez-vous à la newsletter du Réseau Action Climat.