Belém : une COP dont on attend la bascule
Alors que les consultations se poursuivent sur des sujets essentiels, notamment la finance et l’atténuation, des premières lignes de crête se dessinent sur la Transition Juste. Les fausses solutions, des biocarburants aux crédits carbone, continuent de polluer les débats.

Dans le même temps, les actions de la société civile au Sommet des Peuples ou devant la COP30 se multiplient, pour exiger des dirigeants et dirigeantes qu’ils prennent des mesures garantissant que la justice et les droits humains soient au cœur de toute décision finale.
Sortie des fossiles : l’appel de Lula a rebattu les cartes
Depuis le début de la semaine, le puissant appel lancé par le président Lula d’accélérer la sortie des énergies fossiles et le déploiement des renouvelables a donné un nouvel élan salutaire. Des initiatives complémentaires fleurissent et créent un momentum politique dont cette COP avait urgemment besoin. Dans la foulée de la proposition faite par les petits États insulaires d’inscrire un plan de réponse au fossé d’ambition à l’agenda des négociations, plus de 60 pays, dont la France, la Colombie, l’Allemagne, le Danemark et le Kenya, sous le leadership de la ministre brésilienne de l’environnement Marina Silva, affichent publiquement leur soutien au développement d’une feuille de route de sortie des énergies fossiles. En parallèle, plus de 120 pays encouragent la présidence à initier un “Mutirão Pact” portant à la fois sur une sortie juste et équitable des énergies fossiles, mais aussi sur les moyens financiers nécessaires pour permettre aux pays du Sud d’effectuer cette transition à l’aide de fonds publics générant le moins de dette possible.
La priorité est maintenant d’imbriquer les différentes pièces du puzzle afin d’assurer une vraie cohérence et viser l’ambition la plus élevée possible. Mais le temps presse et la présidence de la COP30 continue de botter en touche, de peur de ne pas avoir le soutien nécessaire d’une majorité de gouvernements. Si la France a vraiment à cœur de défendre l’héritage de l’Accord de Paris, c’est le moment pour elle de contribuer à rallier un maximum de soutien pour faire pencher la balance du bon côté.
Sans financement, pas d’ambition : le coeur du blocage à Belem
Bien qu’elle ne figure pas officiellement à l’agenda, la finance domine l’ensemble des discussions, une conséquence directe de la déception provoquée par les conclusions de la COP29 de Bakou. Les pays du Sud rappellent que l’article 9.1 n’a jamais été opérationnalisé, bloquant la mise en œuvre des feuilles de route climat. Leur message est sans équivoque : sans financements accessibles, prévisibles et non générateurs de dette, il n’y a pas de sortie des énergies fossiles possible, ni d’adaptation et de réponses face aux pertes et dommages. Sans avancée concrète sur l’opérationnalisation de l’article 9.1, la COP30 ne pourra en aucun cas revendiquer le statut de “COP de la mise en oeuvre”.
Le dossier de l’adaptation illustre également ces tensions. Un possible triplement des financements est débattu, mais la qualité des fonds suscite de fortes inquiétudes : certains pays, dont le Brésil, appellent à un rôle accru du secteur privé, alors que l’adaptation devrait reposer sur des dons. Le risque est aussi d’adopter des indicateurs d’adaptation sans engagements financiers réels, qui pourraient devenir des outils de conditionnalité excluant les pays les plus vulnérables.
Sur toutes les questions en lien avec la finance, les pays historiquement responsables du réchauffement ne cessent d’invoquer leurs contraintes budgétaires alors même que l’industrie fossile enregistre des profits colossaux. Une taxation des rentes fossiles pourrait lever jusqu’à 400 milliards de dollars, une option juste, efficace et immédiatement mobilisable pour débloquer les négociations.
COP30 : stopper la déforestation et intégrer l’agriculture au cœur de la Transition Juste
La pression croissante sur les forêts à travers le monde rend urgente une accélération des discussions sur la fin de la déforestation : l’affaiblissement de ces écosystèmes menace directement leur rôle de puits de carbone et la biodiversité qu’ils abritent. Selon Nature, les forêts australiennes ont déjà franchi un point de bascule, émettant désormais davantage de carbone qu’elles n’en captent : une dynamique également observée dans certaines zones d’Amazonie et qui fait redouter un basculement irréversible. Une COP30 aux portes de l’Amazonie sans décision sur la mise en œuvre de l’objectif de mettre fin à la déforestation d’ici 2030 manquerait donc l’une de ses responsabilités centrales.
Faute d’accord sur une approche réellement systémique, les négociations du programme de travail sur l’agriculture sont à l’arrêt et ne reprendront qu’à Bonn. Cet immobilisme laisse le champ libre à de fausses solutions (telles que les crédits carbone ou la “smart agriculture”) qui polluent le débat et invisibilisent les exigences de Transition Juste portées par la société civile. En dehors des salles de négociation, le “4X pledge” sur les carburants dit durables inquiète fortement : le développement accéléré des biocarburants pourrait accentuer la concurrence sur les terres, aggraver la déforestation et fragiliser encore davantage les communautés locales.
C’est pourquoi, l’accord attendu sur la Transition Juste doit impérativement intégrer l’agriculture dans le futur déploiement du Belem Action Mecanism (BAM), faute de quoi il restera déconnecté de la réalité des impacts et des solutions.
Une transition qui ne reproduit pas l’injustice : l’enjeu clé de la COP30
En début de semaine, le G77 et la Chine ont annoncé soutenir un mécanisme de coopération internationale sur la Transition Juste tandis que les pays développés, eux, redoutent des doublons institutionnels et plaident pour renforcer les dispositifs existants. Aujourd’hui, l’Union européenne a mis sur la table sa propre proposition pour un nouveau dispositif institutionnel sur la Transition Juste. Il s’agit d’un changement important dans sa position et d’une réponse à la mobilisation de la société civile. Cela a le mérite de reconnaître que les dialogues ne suffisent pas. Néanmoins, le fait que l’Europe appelle à un plan d’action pour la transition juste nous rapproche d’un mot du mécanisme d’action pour la transition juste (BAM).
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