La baisse des impôts de production : une décision anachronique face à l’urgence climatique et sociale
L’annonce de Bruno Le Maire de baisser une partie des impôts sur la production (cadeau fiscal de 10 milliards d’euros par an aux entreprises) dès l’année prochaine, sans aucune condition et sans aucune stratégie ciblée sur des secteurs à soutenir paraît anachronique face à l’urgence climatique et sociale.
L’annonce de Bruno Le Maire de baisser une partie des impôts sur la production, représentant un cadeau fiscal de 10 milliards d’euros par an aux entreprises dès l’année prochaine, remet à l’agenda politique un des sujets du Pacte productif. Pour le Réseau Action Climat la transition écologique présente de nombreux chantiers prometteurs d’emplois et d’activité économique durable. La baisse des impôts sur la production sans aucune condition et sans aucune stratégie ciblée sur des secteurs à soutenir paraît en revanche anachronique face à l’urgence climatique et sociale.
Deux impôts sont actuellement en discussion :
*la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), un impôt sur le chiffre d’affaires qui représente 3,8 milliards d’euros de recettes en 2019.
*la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), un impôt sur la valeur ajoutée qui représente 14 milliards d’euros de recettes en 2019.
Le deuxième représente une source de recettes pour les collectivités territoriales qui serait selon Bruno Le Maire entièrement substituée sans cependant préciser comment.
Pour France Nature Environnement cette annonce représente encore une fois un chèque en blanc aux entreprises car aucune condition environnementale et sociale n’y est associée. Pour Greenpeace France, le gouvernement se place délibérément à la remorque du marché international, dans une optique de compétitivité aveugle, au lieu d’organiser de manière globale une relocalisation écologique et solidaire des activités économiques. L’urgence n’est pas à la multiplication des cadeaux fiscaux dans une logique néolibérale désormais obsolète, mais à la régulation d’un appareil productif qui échappe toujours aux objectifs de l’Accord de Paris. Avant de vouloir accorder un tel cadeau fiscal, il serait donc judicieux de préciser quel type de production il serait éventuellement souhaitable de soutenir en France, à quel niveau et dans quelles conditions socio-économiques et écologiques.
L’objectif annoncé est de rendre la France plus attractive et de favoriser la relocalisation de certaines filières industrielles stratégiques. La Fondation Nicolas Hulot considère qu’il y a des dispositifs plus efficaces à mettre en place pour relocaliser certaines activités, maintenir voire créer des emplois et assurer que la production respecte les engagements climatiques, environnementaux et sociaux de la France, notamment s’il est possible de mobiliser 10 milliards d’euros par an.
Pour Oxfam France la proposition sur la table ne permet pas de cibler les baisses d’impôts vers la transition écologique ou la lutte contre les inégalités en favorisant certains secteurs ou modes de production qui seraient considérés comme étant prioritaires. Cette baisse aveugle des impôts de production devrait également bénéficier aux secteurs polluants et en particulier aux grandes entreprises.. Une note du CAE(1) montre que les entreprises qui profiteraient le plus de cette baisse seraient notamment celles du secteur de la gestion de l’eau et des déchets et des finances.
Par ailleurs, si l’objectif est de soutenir les TPE et PME françaises la proposition ne permet pas de le tenir. En effet, comme il y a un seuil minimal d’imposition et un barème en fonction du chiffre d’affaire sur une partie des impôts(2), cette décision profitera en majorité aux grandes entreprises.
La baisse d’impôts annoncée creusera davantage et durablement le budget de l’Etat sans avoir un effet immédiat et mesurable, d’autant plus que le gouvernement refuse obstinément de mobiliser le capital financier pour faire face aux efforts de financement nécessaires, en excluant tout encadrement climatique des dividendes, pourtant proposé par la Convention citoyenne pour le climat. La comparaison avec le dispositif du CICE s’impose : des dizaines de milliards d’euros ont été mobilisés avec un effet sur l’emplois et l’économie… “faible”(3). Comme pour la mise en place du CICE aucune évaluation ex ante n’a été effectuée qui permettrait d’identifier l’impact durable sur l’emploi.
Pour réussir une transition écologique et juste en termes d’emplois il faut arrêter de faire des concessions par rapport aux demandes du Medef(4) ou France industrie(5) consistant à arroser largement les grandes entreprises en France sans aucune distinction en fonction de leur performance environnementale, climatique et sociale.
Le plan de relance annoncé par Emmanuel Macron contiendra également 40 milliards d’euros pour la reconquête industrielle, l’innovation et la baisse des émissions de ce secteur. Un des objectif annoncé est de mener un travail sur les 10 sites industriels les plus émetteurs en France et de les accompagner dans leur processus de décarbonation. Contrairement à une baisse d’impôt généralisée, cibler des entreprises à soutenir et conditionner l’accès au soutien à des objectifs de réduction chiffrés de leur impact climat permettra véritablement d’accélérer la transformation de ce secteur. Pour les Amis de la Terre, décarboner l’industrie exige aussi dans certains secteurs, comme le textile, d’articuler les aides à la relocalisation à des mesures de baisse imposée des niveaux de production. L’absence de soutien du Gouvernement à un moratoire sur les entrepôts de e-commerce ainsi que les incertitudes restantes concernant les zones commerciales posent question sur sa volonté réelle de créer les conditions d’une relocalisation de la fabrication des produits.
Notes
- 1. http://www.cae-eco.fr/IMG/pdf/cae-note053.pdf
- 2. La CVAE s’applique dès un CA de 500 000 EUR HT, et sans dégrèvement ni réduction au delà de 50 million EUR de CA HT.
- 3. https://www.strategie.gouv.fr/publications/rapport-2018-comite-de-suivi-credit-dimpot-competitivite-lemploi
- 4.https://www.medef.com/fr/actualites/covid-19-geoffroy-roux-de-bezieux-demande-une-baisse-des-impots-de-production-des-cette-annee
- 5.https://www.franceindustrie.org/wp-franceindustrie/wp-content/uploads/2020/07/Plan-de-relance-industrie-Synthe%CC%80se-des-Propositions-Cle%CC%81s-09072020.pdf
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