Auvergne-Rhône-Alpes : Les glaciers en danger

Fortes chaleurs, sécheresses, fonte des glaciers, inondations... Le Réseau Action Climat propose un panorama des conséquences du changement climatique dans toutes les régions de France. Quelles sont les impacts qui concernent la région Auvergne-Rhône-Alpes ?

FRA - HAUTES-ALPES - HIKING UP TO GLACIER BLANC - GLACIER BLANC
© Thibaut Durand / Hans Lucas via AFP

Les glaciers, symboles du réchauffement en montagne

Avec la forte valeur symbolique qu’elle représente, la disparition des glaciers est une conséquence du changement climatique à laquelle on pense immédiatement lorsqu’on pense à la région Auvergne-Rhône-Alpes, la plus montagneuse de France. Et pour cause : dans les Alpes, les glaciers ont perdu 70 % de leur volume depuis 1850, dont 10 à 20 % après 1980[1]. Et cette tendance s’accélère avec les années particulièrement chaudes que nous venons de vivre. Les pertes de masses des glaciers ont par exemple atteint des records en 2022, l’année la plus chaude jamais enregistrée en France.

Graphique : Perte de masse observée pour quatre glaciers d’Auvergne-Rhône-Alpes : Gébroulaz (Savoie), Argentière (Haute-Savoie), Saint-Sorlin (Savoie) et la Mer de Glace (Haute-Savoie). On observe une très forte accélération de la perte de masse depuis les années 2000[2].

La totalité des glaciers des Alpes est menacée de disparition, et ce dès 2050 pour les petits glaciers, à l’image du glacier de Saint-Sorlin dans le massif des Grandes Rousses (Isère/Savoie), condamné quel que soit le scénario d’émissions de gaz à effet de serre. Les grands glaciers ne sont pas épargnés : selon le scénario le plus pessimiste, les glaciers emblématiques des Alpes disparaîtront d’ici 2100 au plus tard[3] . L’Institut des Géosciences de l’Environnement montre, par exemple, que le glacier de la Grande-Motte à Tignes (Savoie), emblème du ski “quatre saisons” en France, a perdu deux tiers de son volume depuis 1998 et aura disparu dans sa totalité avant 2090 – voire 2060, selon le scénario le plus pessimiste[4]. Cette fonte des glaciers s’explique principalement par l’augmentation des températures qui implique une période de fonte plus longue : autrefois cantonnée à l’été, elle se prolonge aujourd’hui de plus en plus avant et après la période estivale.

En parallèle de la fonte des glaciers, on observe une diminution très claire de l’enneigement, en particulier en moyenne montagne (en-dessous de 2000 m d’altitude). Si on n’observe pas de tendance générale sur la quantité de précipitations, celles-ci tombent de moins en moins sous forme neigeuse. Les hivers plus doux impliquent une remontée de la limite pluie-neige : par rapport aux années 1980, il faut aller en moyenne 200 à 300 m plus haut pour voir les précipitations tomber sous forme de neige[5]. Les zones situées en basse et moyenne altitude ont ainsi perdu l’équivalent d’un mois d’enneigement en 50 ans[6], et d’ici 2100 deux à trois mois supplémentaires seront perdus si la trajectoire d’émissions de gaz à effet de serre se poursuit[7]. Selon ce scénario, les zones de moyenne montagne pourraient être pratiquement dépourvues de neige d’ici 2100, avec une perte de 80 à 90 % de l’épaisseur du manteau neigeux et une forte réduction de la durée de l’enneigement[8].

Cette diminution de l’enneigement pourrait avoir des conséquences dévastatrices pour les activités économiques et touristiques liées à la neige dans la région. Auvergne-Rhône-Alpes est en effet la deuxième région touristique en termes de fréquentation[9] et la première destination pour la montagne, alors que la France se classe au 2e rang mondial du tourisme hivernal, derrière les États-Unis[10]. Au-delà des conséquences économiques, l’attachement au modèle du ski est très fort dans la région et la disparition des glaciers constitue une véritable perte pour le patrimoine naturel de la région (voir encadré).

L’eau, source de conflits

La fonte des glaciers contribue par ailleurs modifier le débit des rivières, avec des conséquences sur la ressource en eau. Si la disparition d’un glacier peut, dans les années de fonte, amener plus de débit dans les cours d’eau, ceux-ci sont fortement réduits après l’atteinte d’un pic, que les petits glaciers ont déjà dépassé. De plus, dans un contexte marqué par une hausse des températures, les conditions climatiques sont de plus en plus favorables à l’apparition d’épisodes de sécheresse.

Le secteur agricole est particulièrement impacté : la hausse des températures conduit à une augmentation de l’évaporation des sols et de la transpiration des plantes et donc des besoins en eau pour l’irrigation des cultures. Ces tensions sur l’eau viennent s’ajouter à un contexte marqué par la modification des calendriers agricoles, les déplacements de populations d’insectes ravageurs (comme les charançons) qui détruisent les cultures, ainsi que l’intensification des évènements météorologiques extrêmes (sécheresses, précipitations extrêmes, vagues de chaleur…).

Les conflits d’usage liés à la ressource en eau devraient ainsi fortement augmenter, avec notamment une concurrence entre les usages domestiques, les besoins agricoles, la production énergétique (notamment hydroélectrique), l’industrie, ou encore le tourisme et les loisirs, soulevant une forte interrogation sur la place du ski. Aujourd’hui déjà, 39 % des pistes françaises sont couvertes par de la neige artificielle, très gourmande en eau mais aussi en énergie[11]. Une consommation qui continuera d’augmenter avec le réchauffement climatique : la consommation d’électricité liée à la neige de culture devrait augmenter de 18 % à +2 °C. Si le réchauffement planétaire venait à dépasser +3 °C, les canons à neige ne seraient de toute façon plus suffisants pour maintenir les stations à flot[12], avec la disparition de milliers d’emplois à la clé. Tout miser sur les canons à neige met les stations sur une trajectoire de maladaptation au changement climatique : cette option ne prend pas en compte les risques pour les autres secteurs et n’est pas tenable à moyen terme. À noter que le tourisme de sports d’hiver n’est pas le seul à subir les conséquences du changement climatique : le tourisme d’eau (sports nautiques, canoë-kayak, thermalisme…) souffrira également de l’assèchement des cours d’eau. Les tensions sur l’eau et les conséquences socio-économiques sur tous les secteurs invitent à réfléchir l’adaptation non plus par secteur, mais sur l’ensemble du système territorial.

Les villes en surchauffe

La région Auvergne-Rhône-Alpes est l’une des plus touchée par la hausse des températures, surtout lors de la saison estivale : entre 1963 et 2022, on observe déjà un réchauffement de +3,3 °C en moyenne en été[13]. Le nombre de journées chaudes est particulièrement élevé, une tendance qui se poursuivra dans les décennies à venir : d’ici 2050, 68 % des habitants de la région – soit plus de 5,5 millions de personnes – seront exposés à plus de 20 journées anormalement chaudes au cours des mois de juin, juillet et août, contre 14 % aujourd’hui à l’échelle de la France[14]. Aucun Français n’était exposé à de telles anomalies au cours de la période 1976-2005.

Fréquence des journées et nuits anormalement chaudes pour les périodes 1976-2005 et 2021-2050[15]

 

Les grandes métropoles, nombreuses dans la région, sont particulièrement vulnérables à cette hausse des températures. Lyon serait, avec Annecy, la ville de France la plus exposée aux extrêmes de chaleur à partir de 2040[16]. La capitale des Gaules subit aujourd’hui 10 jours de canicule par an en moyenne : ce nombre pourrait atteindre plus du triple à l’horizon 2070, soit 36 jours, si la trajectoire actuelle se maintient. Les projections les plus pessimistes de Météo-France indiquent une augmentation des températures moyennes pouvant atteindre jusqu’à +5 °C[17] : les températures de Lyon pourraient se rapprocher de celles de Madrid d’ici à 2050 et d’Alger avant la fin du siècle. La concentration des bâtiments et des activités amplifie les variations de température et crée des îlots de chaleur urbains, avec des écarts pouvant atteindre 10 degrés entre le centre-ville et les campagnes alentour.

Au-delà de ces chiffres alarmants, ces épisodes rendraient la ville invivable, contraignant les populations urbaines à se confiner durant les périodes de canicule. Les habitants des quartiers les plus défavorisés, dont les logements sont les moins bien isolés, par exemple dans les barres d’immeubles de Bron, seraient les plus vulnérables dans cette situation. Cela s’accompagne d’importants risques sanitaires, avec une forte surmortalité due aux chaleurs estivales, en particulier pour les populations les plus fragiles (jeunes enfants, personnes âgées ou atteintes de problèmes cardiovasculaires…).

Des répercussions sur la santé et la biodiversité

Au-delà des effets liés à la chaleur, les risques sanitaires sont fortement exacerbés par le changement climatique. En plus d’aggraver la pollution de l’air (pics de pollution à l’ozone en cas de fortes chaleurs) et de l’eau (développement de bactéries et d’algues pathogènes), il augmente aussi les risques naturels, avec des répercussions pour les populations. 3,2 millions de personnes, soit 39 % de la population régionale, vivent dans une zone menacée par les inondations[19]. Le retrait-gonflement des argiles est tout aussi prégnant, exposant 40 % de la population, notamment sur la plaine de la Limagne. Bien que ce phénomène ne menace pas directement les vies humaines, il engendre d’importantes dégradation de biens et de conséquences psychologiques liées.

Les écosystèmes sont également perturbés par le changement climatique et ses effets : modification des cycles biologiques (floraisons, migrations, reproduction…), déplacements d’espèces, espèces envahissantes… Cela conduit à des extinctions locales, ainsi que des répercussions sur les forêts. Ces dernières sont impactées par des colonisations de ravageurs et de pathogènes, qui viennent s’ajouter au stress hydrique et au risque accru d’incendies, en particulier dans la Drôme et en Ardèche.

Le rapport complet

Sources

[1] Ministère de la transition écologique et des territoires – Centre de ressources pour l’adaptation au changement climatique

[2] Ministère de la transition écologique et des territoires – Impacts du changement climatique : Montagne et Glaciers

[3] Christian Vincent, Vincent Peyaud, Olivier Laarman, Delphine Six, Adrien Gilbert, et al.. Déclin des deux plus grands glaciers des Alpes françaises au cours du XXI e siècle : Argentière et Mer de Glace. La Météorologie, 2019

[4] Via Le Monde – A Tignes, la fonte du glacier met le « ski business » en sursis

[5] ADEME – Accompagner le développement intégré d’une offre touristique diversifiée “4 saisons”

[6] Météo France – Alpes : un mois d’enneigement perdu en 50 ans

[7] Le Monde – Montagne – La fin de l’or blanc

[8] Ministère de la transition écologique et des territoires – Centre de ressources pour l’adaptation au changement climatique

[9] Observatoire régional climat air énergie –  Impacts du changement climatique en Auvergne-Rhône-Alpes

[10] Cour des comptes –  Les stations de montagne face au changement climatique

[11] Agence nationale de la cohésion des territoires – Changement climatique : relever le défi de l’adaptation dans la gestion de l’eau et du tourisme

[12]  Ministère de la transition écologique et des territoires – Centre de ressources pour l’adaptation au changement climatique

[13] Observatoire régional climat air énergie –  Impacts du changement climatique en Auvergne-Rhône-Alpes

[14] Insee – Un habitant sur sept vit dans un territoire exposé à plus de 20 journées anormalement chaudes par été dans les décennies à venir – Insee

[15] Insee – Un habitant sur sept vit dans un territoire exposé à plus de 20 journées anormalement chaudes par été dans les décennies à venir – Insee

[16] Le Monde –  La vie en ville à l’épreuve des chaleurs extrêmes

[17] ADEME – Protéger les espaces naturels et agricoles urbains et périurbains pour renforcer la résilience face au changement climatique

[19] Caisse centrale de réassurance – La prévention des catastrophes naturelles par le Fonds de prévention des risques naturels majeurs en Auvergne-Rhône-Alpes – Édition 2023

Plus d'actualités