750 milliards de dollars de fossiles : Von Der Leyen abandonne la souveraineté et l’environnement
Le Réseau Action Climat dénonce l'accord conclu entre l'Union européenne et les Etats-Unis, un exemple frappant d'inaction climatique et d'impuissance géopolitique face à la domination fossile de Donald Trump.

Le 27 juillet, nous apprenions qu’un accord commercial entre les Etats-Unis et l’UE aurait été rédigé. Parmi les dispositions de celui-ci, l’Europe devrait s’engager à acheter 750 milliards de dollars de produits énergétiques (gaz liquéfié, pétrole brut et raffiné, charbon, carburant nucléaire).
Le Réseau Action Climat, après avoir alerté sur la volonté trumpiste de “domination énergétique”, et l’urgence pour l’Europe de réduire son exposition énergétique aux Etats-Unis, analyse l’échec climatique, économique et géopolitique que constituerait cet accord s’il était concrétisé.
250 Milliards de dollars par an : un chiffre absolument intenable
Avant tout, soulignons que le chiffre de 250 Md$/an d’importations énergétiques prévu dans l’accord est démesuré. D’un côté de la table, l’Union Européenne, qui importait en 2024 30 Md€/mois (35Md$) de produits énergétiques (Eurostat). S’il était tenu, l’accord impliquerait que les Etats-Unis représenteraient 60% des importations énergétiques européennes (en ignorant les semi-conducteurs).
De l’autre côté, les exportations des États-Unis vers l’Europe proposées dans l’accord équivalent à un peu moins de 80% des exportations actuelles du pays (en ignorant les semi-conducteurs).
En d’autres termes, alors que les Etats Unis sont d’ores et déjà le premier fournisseur de GNL (gaz fossile liquéfié) et de pétrole de l’Union Européenne, et notre deuxième plus gros fournisseur de charbon, l’accord impliquerait de multiplier par 4 les achats européens en leur provenance.
Les justifications d’Ursula Von Der Leyen, présidente de la Commission européenne, arguant que cet accord permettrait d’évincer l’énergie russe, ne résistent pas à une analyse des chiffres. En effet, l’approvisionnement en gaz par gazoduc depuis la Russie est tombé à 11% du gaz gazeux, et 17% du gaz liquéfié européen, ce qui ne peut représenter que quelques milliards d’euros.
Le chiffre avancé de 250 Md$ d’achats d’énergies fossiles par an est sans fondement et ne saurait être tenu qu’au prix d’une explosion du prix de l’énergie, ou des importations fossiles de l’Europe, c’est à dire non seulement l’abandon de la transition écologique, mais aussi une hausse drastique de la consommation et donc de l’impact climatique du continent.
Comble de l’ironie, cet accord pétro-gazier est présenté quelques semaines après que la présidente a proposé un nouvel objectif visant à réduire de 90% les émissions de gaz à effet de serre de l’UE en 2040 par rapport à 1990, ce qui est totalement contradictoire.
GNL, environnement et soumission énergétique
Un des produits principaux de cet accord est le GNL. Ce gaz fossile liquéfié est pourtant une des énergies les plus dévastatrices pour l’environnement, mais aussi pour l’économie.
D’une part, le GNL est composé essentiellement de méthane qui a été refroidi et mis sous pression, pour passer de la forme gazeuse à une forme liquide, que l’on peut alors transporter par bateau. À la réception, ce gaz doit être décompressé. Toutes ces étapes consomment de l’énergie, dépendent d’infrastructures onéreuses et occasionnent des fuites de méthanes hautement polluantes.
D’autre part, le GNL produit aux Etats-Unis est issu de gaz de schiste. Or l’extraction de ce gaz, interdite en France, a un impact dramatique sur l’environnement. Elle implique la fracturation de roches en profondeur, ce qui s’accompagne de graves pollutions locales, mais aussi d’importantes fuites de méthane dès l’extraction.
Mauvaise nouvelle pour l’environnement, avant même l’accord du 27 juillet, l’Europe se reposait déjà de plus en plus sur le GNL, notamment américain pour se fournir en énergie. Si l’intention de se passer du gaz russe est à soutenir, l’Europe continue d’investir dans des capacités d’importation de GNL alors même que la demande de gaz est en baisse et que les terminaux actuels sont utilisés à seulement 40% de leur capacité, d’après l’IEEFA.
Notons enfin que l’Europe dispose seulement de quelques mois de stocks en fossile. Ainsi, contrôler notre approvisionnement, c’est être en mesure de mettre à l’arrêt l’économie européenne. Peut-on sérieusement compter sur Donald Trump pour ne jamais tordre le bras à l’Europe en menaçant de le faire ?
Ainsi, alors que les Etats-Unis représentent déjà 15 % de notre approvisionnement en pétrole, 25% de nos importations totales de gaz, et plus de 30% de notre charbon, signer un accord visant à quadrupler ces importations signifierait que la dépendance de l’Europe aux Etats-Unis deviendrait unilatérale !
L’urgence géopolitique de la transition
Que le chiffre de 250 milliards de dollars soit concret, ou seulement un nombre tiré du chapeau, il nous force à reconnaître le rôle géopolitique majeur joué par la consommation d’énergie.
La situation révèle l’importance cruciale de sortir au plus vite de notre dépendance aux fossiles, en particulier états-uniens.
En effet, face à notre dépendance croissante à un pays et aux fossiles en général, il ne faut absolument pas tomber dans le piège du court terme. Lorsque l’Europe a voulu sortir du gaz russe, soutenue par de nombreux acteurs financiers, elle s’est encombrée d’infrastructures coûteuses mais inutiles, dont il faut assumer les coûts. Une des mauvaises idées alors envisagée par l’Europe a été de soutenir la hausse de l’offre de GNL, ce qui impliquait de condamner l’avenir planétaire en ouvrant de nouveaux champs d’hydrocarbures.
A l’inverse, une solution de raison s’impose : réduire autant que possible notre consommation d’énergie, en organisant une sobriété collective et juste. C’est à dire en se débarrassant d’abord des usages superflus et inégalitaires de l’énergie (panneaux publicitaires, yachts de luxe, etc), et en permettant à chacun l’accès à des solutions adaptées, partagées, et bien dimensionnées (chemins de fer, véhicules légers et propres, pistes cyclables, rénovations, îlots de fraîcheur urbains, produits durables et réparables, etc). La sobriété collective doit être la réponse géopolitique principale de l’Europe !
Par ailleurs, puisque réduire nos consommations ne fera pas tout, reconnaissons qu’un trésor d’énergie est disponible en abondance sur le sol européen : le soleil, le vent, les cours d’eau, la biomasse. A condition de les mobiliser dans le respect des riverains et de la biodiversité, les énergies renouvelables sont les énergies de l’autonomie européenne. Non seulement l’Europe dispose d’ores et déjà de bases industrielles solides pour les technologies de la transition (éolien terrestre, en mer, pompes à chaleur, véhicules électriques), mais elle en développe de nouvelles, tandis que l’administration Trump saborde l’industrie verte américaine en freinant la transition des quatre fers.
Face à l’impérialisme fossile de Donald Trump, réaffirmons la priorité d’aller au plus vite vers une société peu consommatrice d’énergie et productrice d’énergies renouvelables, gages de notre souveraineté et notre résilience.
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