Industrie

50 sites industriels les plus émetteurs de CO2 : La difficile mutation de l’industrie française

En 2023, l’industrie a émis 17,5% des émissions nationales de gaz à effet de serre, ce qui en fait un secteur clé pour l'atteinte des objectifs climat de la France.

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De plus, l’impact de l’industrie sur l’environnement n’est pas que climatique : les scandales environnementaux et sanitaires, tels que la contamination aux polluants éternels, se multiplient à un rythme inquiétant, tandis que les contrôles se raréfient.

C’est pourquoi le Réseau Action Climat et France Nature Environnement publient ce jour un rapport pour dresser le bilan climat et environnement des 50 sites les plus émetteurs de CO2 pour l’année 2023. Ce rapport met en lumière les lacunes constatées en matière d’ambition et d’actions de la part des principaux acteurs industriels et des pouvoirs publics et propose des recommandations politiques concrètes pour réduire les impacts environnementaux de l’industrie, tout en préservant la compétitivité économique du secteur.

 

Une transition industrielle peu transparente et aux allures de paris technologique

L’année 2023 aurait pu être décisive pour la décarbonation de l’industrie lourde. En effet, suite à la demande d’Emmanuel Macron en novembre 2022 (conditionnant le doublement de l’aide publique à 10 milliards d’euros d’ici 2030), les 50 sites les plus émetteurs de CO2 de France ont travaillé avec l’Etat pour élaborer leurs trajectoires de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans le but d’atteindre les objectifs de la future stratégie nationale bas carbone. Mais, au grand dam des organisations de la société civile, seuls les contrats de transition écologique, version tronquée des feuilles de route, ont été rendus publics. De plus, les industriels n’ont aucune obligation de les respecter et certains ont déjà avertis du décalage de leur décarbonation face à un prix du carbone volatile et une incertitude sur le coût de l’électricité.

Bien qu’il soit trop tôt pour évaluer les efforts entrepris par les industriels de ces 50 sites dans le cadre des feuilles de route, il est toutefois préoccupant de constater que certains sites ont augmenté leurs émissions de gaz à effet de serre en 2023. C’est notamment le cas de l’usine pétrochimique TotalEnergies de Gonfreville (+9.8%), LAT Nitrogen à Grand Quevilly (+42%), Aluminium Dunkerque (+5.3%), Lyondell Chimie France à Fos-sur-Mer (+3.8%). 

De plus,il est inquiétant de constater que de nombreux industriels prévoient de capter une partie de leurs émissions alors que ces technologies de captage de carbone présentent de nombreuses limites. Le recours à ces technologies doit être justifié et ne doit pas détourner les industriels de la nécessaire transformation de leurs activités. Dans ce sens, le Réseau Action Climat recommande le fléchage des aides publiques vers les autres solutions de décarbonation, au potentiel plus important pour un moindre coût.  

48 milliards nécessaires pour la décarbonation de l’industrie française soit 27 milliards de plus que les investissements actuellement prévus

L’Institut Rousseau a évalué en 2023 le coût de la décarbonation de l’industrie en France à 48 milliards d’euros, soit 27 milliards de plus que les investissements actuellement prévus. L’Institut recommande que 20 milliards d’euros soient pris en charge par l’Etat sous forme de subventions à l’investissement vert industriel. Ce soutien public ne doit pas être de l’argent gratuit : il doit être assorti d’éco-conditionnalités, permettant une maximisation de son efficacité et un suivi des dépenses.

Cet effort d’investissement doit être réalisé en parallèle d’une diminution de la consommation, permettant une baisse de certaines productions. En effet, alors qu’ils sont pour le moment sous-investis par les industriels qui préfèrent se concentrer sur les solutions technologiques, la sobriété et l’économie circulaire sont les deux piliers de la décarbonation de l’industrie. 

Décarbonation de l’industrie : ArcelorMittal, un hors-la-loi environnemental au coeur de l’enjeu

En janvier dernier, une aide d’Etat d’un montant exceptionnel de 850 millions d’euros destinée à la décarbonation du site ArcelorMittal à Dunkerque a été confirmée par le gouvernement. Un enjeu majeur puisque en 2023, 2.8% des émissions nationales de gaz à effet de serre tous secteurs confondus proviennent des sites ArcelorMittal de Fos-sur-Mer, Dunkerque et Florange et que la filiale française a déjà perçu 392 millions d’euros d’aide publique française et européenne depuis 2013 et dégagé plusieurs milliards d’euros de la spéculation de crédits carbone gratuits. 

Pourtant, ArcelorMittal laisse toujours planer le doute sur la stratégie de décarbonation de ses sites en Europe et multiplie les infractions environnementales. Pour ces raisons, l’Etat a la responsabilité de conditionner l’aide exceptionnelle de 850 millions d’euros promise à ArcelorMittal au respect d’objectifs climatiques, sociaux et environnementaux. 

Le respect de la réglementation environnementale, la grande oubliée des politiques de décarbonation

Pollution de l’air, des sols, de l’eau, artificialisation et contribution au changement climatique : les activités industrielles ont de nombreux impacts délétères sur l’environnement et les riverains. 500 000 sites industriels sur le territoire métropolitain sont classés comme susceptibles de créer des risques, des nuisances et des atteintes à l’environnement. Pour ces raisons, les activités industrielles sont strictement encadrées afin de limiter au maximum leurs nuisances.  

Pourtant, dans les faits, de nombreux industriels ne respectent pas cette réglementation, ce qui a des conséquences directes sur la biodiversité et la santé humaine. Ces pollutions ont aussi un coût financier : en 2021, la pollution industrielle a coûté 15,5 milliards d’euros de dommages sur la santé et les écosystèmes à la société française.

Une situation qui s’explique notamment par un manque de contrôles de ces installations : en 2022, moins de 23 000 inspections ont été réalisées pour les 500 000 installations françaises. Ce manque de contrôles et les sanctions financières peu dissuasives sont autant de facteurs qui permettent à de grands industriels tels que Yara, Naphtachimie ou encore ArcelorMittal d’émettre des polluants au-delà des limites légales.

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