Valeur tutélaire du carbone et taxe carbone : deux questions distinctes !

Le rapport Quinet II publie une nouvelle valeur tutélaire du carbone d’environ 250 euros par tonne de CO2 en 2030 et jusqu’à 775€ en 2050. Quelle est la différence entre cette valeur et une taxe carbone?

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Plateforme pétrolière

Le rapport Quinet II a été remis au gouvernement. Il conclut qu’il faudra une valeur tutélaire carbone d’environ 250 euros par tonne de CO2 en 2030 et jusqu’à 775€ en 2050, afin de respecter les objectifs climatiques de la France tel que définis dans la Stratégie nationale bas carbone.

Ce rapport étant rendu public dans une séquence de controverses sur la taxe carbone, le Réseau Action Climat publie ce décryptage pour mieux distinguer l’outil d’évaluation « valeur tutélaire du carbone » de l’outil fiscal « taxe carbone ».

Qu’est-ce que la taxe carbone ?

La taxe carbone française, de 44 euros par tonne de CO2, est une composante des taxes sur l’énergie. Les consommateurs la payent à la pompe ou via les factures de chauffage. Cela concerne les ménages et une partie des entreprises (hormis les entreprises  couvertes par le prix du carbone européen, les agriculteurs et d’autres catégories).

Qu’est-ce que c’est la valeur tutélaire du carbone ?

La valeur tutélaire du carbone est une valeur exprimée en euros par tonne de CO2, qui devrait servir de référence climatique pour les choix d’investissement de tous les acteurs économiques publics et privés en France.

Il s’agit donc d’un “référentiel carbone” : les investissements et les décisions publiques doivent être évaluées à l’aune de cette valeur.  Ainsi, la valeur tutélaire du carbone permet de prioriser les investissements et de les planifier dans temps. Les réductions de gaz à effet de serre, qui coûtent moins cher que la valeur tutélaire du carbone, doivent être effectuées en priorité et rapidement afin de respecter les engagements climatiques français.

Comment on obtient cette valeur tutélaire du carbone et qui a travaillé dessus ?

En 2018, la Commission Quinet II, composée d’experts, de représentants des partenaires sociaux et des ONG, s’est réunit sous la présidence d’Alain Quinet afin de mettre à jour la trajectoire de la valeur décidée en 2009 (par la commission Quinet I).

Pour identifier la valeur tutélaire carbone, la commission s’est appuyé sur les résultats des modèles macroéconomiques et technico-économiques de la transition énergétique.

Il paraît important de répéter régulièrement cet exercice au vu des incertitudes sur l’évolution des prix des différentes technologies de la transition écologique ainsi que la trajectoire des émissions du scénario de référence notamment au-delà de 2030.

A quoi doit servir la valeur tutélaire du carbone ?

La valeur tutélaire du carbone devrait être utilisée dans 3 contextes différents :

  1. Elle devrait constituer un critère pour évaluer la cohérence des investissements publics, notamment avec les engagements climatiques de la France. Chaque investissement devrait être passé à ce crible afin d’écarter tout argent public des projets climaticides, comme les aéroports, et de favoriser les investissent ayant l’impact climatique le plus positif. Aujourd’hui, la loi impose une évaluation socio-économique pour les investissements de l’Etat supérieurs à 20 millions d’euros. Ces évaluations doivent désormais utiliser la nouvelle trajectoire de valeur tutélaire du carbone.
  2. Elle permet également d’évaluer l’efficacité climatique des investissements effectués (en termes d’euros investis par tonne de CO2 évitée). Il ne faut cependant pas oublier qu’il ne s’agit pas d’un critère unique. Par exemple, la rénovation énergétique des logements permet de réduire significativement la consommation énergétique du logement et ainsi les gaz à effet de serre tout en protégeant les ménages dans la situation de précarité énergétique des factures élevés et des impacts sur la santé d’un logement humide et mal chauffé.
  3. Il est également important d’intégrer cette valeur tutélaire dans la réflexion sur le bon mix des outils pour accompagner la transition écologique : elle peut se refléter dans des réglementations et des obligations, ou via les subventions et taxes.

Le Réseau Action Climat salue la publication de cette nouvelle valeur tutélaire du carbone car elle constitue un outil indispensable pour évaluer la cohérence des politiques publiques et en particulier des investissements publics de l’Etat et des collectivités avec les objectifs climat de la France.

Mais, en aucun cas, cette valeur tutélaire carbone ne peut se traduire automatiquement par une hausse de la taxe carbone.

Impact de la nouvelle valeur tutélaire du carbone sur l’évaluation de projets d’infrastructure

Le tableau 19, page 145 du rapport illustre l’impact de la prise en compte de la nouvelle valeur pour l’évaluation des projets d’infrastructure : tandis que la modernisation de la ligne Serqueux-Gisors devient encore plus intéressante, l’impact climat du contournement est de Rouen devient encore plus néfaste.

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