Transition énergétique et fiscalité : le vrai débat sur la contribution au service public de l’électricité

En prévision du projet de loi de finances 2016, le gouvernement prépare une réforme de la contribution au service public de la fourniture d’électricité (CSPE).

Fiscalité
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En prévision du projet de loi de finances 2016, le gouvernement prépare une réforme de la contribution au service public de la fourniture d’électricité (CSPE). Mais en favorisant l’électricité aux dépens d’autres vecteurs d’énergie, il risque de passer à côté des vrais enjeux de la transition énergétique et de son financement. Au lieu d’une réforme hâtive aux effets pervers évidents, il doit se donner le temps d’une réforme concertée de la fiscalité de l’énergie et de l’usage des fonds collectés.

Cet automne, le gouvernement pourrait bien sortir de ses cartons son projet de faire financer le soutien aux énergies renouvelables électriques par les consommations de gaz (pourtant déjà assujetties à des taxes comme la composante carbone, la CTSS et la contribution biométhane), voire d’autres carburants. Il souhaite donner un avantage encore plus important à l’électricité, et risque ainsi d’encourager le chauffage électrique direct.

Alors que le prix de l’électricité en France est déjà l’un des plus faibles d’Europe, une telle décision provoquerait des effets néfastes difficilement réversibles… Car le chauffage électrique est particulièrement inefficace en terme de performance énergétique et son bilan carbone n’est pas positif : il occasionne des pointes de consommation en fin de journée qui nécessitent le recours à des centrales thermiques alimentées par des énergies fossiles. Par ailleurs, cette réforme limiterait également les marges de manœuvre pour financer d’autres volets de la transition énergétique comme le développement du biogaz qui est pourtant une réelle solution à terme, y compris dans les transports. Ce que reconnaît GrDF qui prévoit, dans l’un de ses scénarios, une part de 73 % de « gaz vert » dans le gaz consommé en France en 2050.

Politiques erratiques

Les promoteurs d’un élargissement de l’assiette de la CSPE à d’autres énergies mettent en avant le prétendu coût « exorbitant » des énergies renouvelables. C’est oublier que la CSPE finance aussi les énergies fossiles par la péréquation tarifaire dans les zones non interconnectées (ZNI) où peu d’efforts ont été réalisés pour substituer les énergies fossiles par des énergies renouvelables et des économies d’énergie. Par ailleurs, une partie du coût important de la CSPE pour les énergies renouvelables est liée à des politiques erratiques imputables à l’Etat lui-même, notamment sur les tarifs d’achat sur l’électricité photovoltaïque fixés trop haut dès 2006 et absurdement ajustés à la hausse jusqu’en 2010.

Bien que les tarifs d’achat aient été réduits de manière drastique et brutale en 2011, les contrats d’une durée de vingt ans signés avant cette date pèsent lourdement dans les charges alors qu’ils ne bénéficient qu’à un nombre réduit de producteurs. Enfin, une éventuelle prolongation des réacteurs nucléaires au-delà de quarante ans aura un coût très élevé, estimé à 110 milliards d’euros par la Cour des Comptes. Ceci entraînera une hausse inéluctable du prix de l’électricité. Un phénomène que certains acteurs ont tout intérêt à camoufler… en baissant artificiellement la CSPE, et ainsi la facture d’électricité, par le biais de l’élargissement de son assiette.

Concertation et fiscalité

Une vraie réforme de la fiscalité sur l’énergie devrait plutôt orienter les achats et les investissements vers la transition énergétique mais aussi contribuer à son financement en luttant contre la précarité énergétique, en développant les énergies renouvelables, en encourageant l’efficacité énergétique et les transports collectifs et doux… C’est actuellement loin d’être le cas, en particulier pour la composante carbone. Une large concertation de la société civile est indispensable sur une réforme nécessaire de cette fiscalité sur l’énergie et en particulier sur l’utilisation des fonds.

Afin de donner du sens à l’impôt, il faut commencer par clarifier les taxes perçues sur l’énergie et les flécher vers plus de transition énergétique. Par exemple, alors que la plus grande partie des fonds collectés par la composante carbone (qui représente quatre milliards d’euros en 2016) finance le Crédit d’impôt compétitivité emploi (Cice), son attribution n’est pas conditionnée à la contribution des entreprises à la transition énergétique. Dommage…

La lisibilité et l’efficacité de la « fiscalité verte » est souvent remise en cause. Pour y remédier, nous recommandons la mise en place d’une contribution climat-énergie s’appuyant sur quatre principes :

  • Un outil simple à mettre en œuvre et à percevoir avec une contribution assise sur la consommation d’énergie, y compris d’électricité, et sur les émissions directes pour les secteurs non-énergétiques.
  • Une trajectoire de prix du carbone progressive annoncée à l’avance permettant de donner un signal clair et d’atteindre 56 euros la tonne de CO2 en 2020 et 100 euros en 2030 au moins.
  • Une taxe vraiment générale, sans exonérations.
  • Une affectation des fonds collectés à des mesures d’accompagnement pour les ménages en situation de précarité énergétique, pour les entreprises montrant une grande vulnérabilité et exigeant un temps d’adaptation, et pour l’investissement dans les solutions de la transition énergétique bénéfiques pour tous (efficacité énergétique, transports en commun, mobilités douces, énergies renouvelables…)
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