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La suppression de tous les soutiens français aux projets charbon à l’étranger : état des lieux

A l’occasion de la conférence environnementale, François Hollande a annoncé la fin de tous les crédits à l’exportation dès lors qu’il y a utilisation du charbon et la suppression à terme, des subventions aux énergies fossiles.

Emissions de gaz à effet de serre

Depuis, cet engagement est menacé. Comment espérer négocier un accord ambitieux sur le climat à Paris, fin 2015, si la présidence elle-même ne fait pas preuve de cohérence ?

A l’occasion de la conférence environnementale, François Hollande a annoncé la fin de tous les crédits à l’exportation dès lors qu’il y a utilisation du charbon et la suppression à terme, des subventions aux énergies fossiles. Le RAC et les associations mobilisées sur ce dossier avaient qualifié l’annonce de symbolique et importante pour enclencher, à sa suite, une dynamique internationale auprès des autres pays qui continuent d’investir ou soutenir les centrales à charbon à l’international. Dynamique extrêmement importante à quelques mois de la conférence Paris Climat 2015 qui doit déboucher sur un accord mondial de lutte contre les changements climatiques et de fait, sur la fin de la consommation et production d’énergie fossile le plus rapidement possible. La crédibilité de la France, en tant que présidente de Paris Climat 2015, et le succès de l’accord sont donc en jeu.

Malheureusement, suite à l’annonce présidentielle, nous avons appris que celle-ci était sujette à interprétation et dilution par une partie des ministères concernés et chargés de mettre en œuvre la directive du président de la République. A ce titre, la présentation – mardi 4 février – de la feuille de route du Gouvernement pour la transition écologique issue de la conférence environnementale 2014 par le Premier Ministre présentait, aux côtés de la Ministre de l’Écologie était un moment important pour réaffirmer et préciser l’engagement pris.

Pour les associations, la feuille de route devait refléter fidèlement l’engagement pris par le président et non une version diluée : l’agence de crédits à l’exportation française, la Coface, doit mettre fin avant la COP21 à ses garanties à tous les projets de centrales, de mines et d’infrastructures de charbon, sans exception. L’État doit également veiller à ce que les entreprises dont il est actionnaire interrompent leurs investissements dans des projets charbon à l’étranger. La feuille de route doit également proposer la publication, dès 2015, d’une stratégie d’arrêt des financements aux énergies fossiles pour que la France ait une stratégie d’investissement cohérente et non plus climaticide.

Malheureusement, la feuille de route se contente de réaffirmer textuellement l’engagement pris mais ne le précise pas, ce qui de facto, le remet en cause. Ci-dessous, les éléments d’analyse des Amis de la Terre sur le contenu de la feuille de route.

Concernant la Coface, l’agence de crédit à l’exportation

La feuille de route annonce la suppression de « tous les crédits export dans le soutien qu’elle accorde aux pays en développement, dès lors qu’il y aura l’utilisation du charbon ». Un copier-coller de l’annonce du Président faite pendant la Conférence environnementale le 27 novembre 2014 et sur laquelle on attendait que soit précisé le calendrier et les modalités d’application. Car s’il peut s’agir d’une une réelle progression vers la fin des soutiens publics aux énergies fossiles, le diable se cache dans les détails et dans ce qui est dit mais non écrit. Manuel Valls a précisé à l’oral que seuls les soutiens aux centrales non équipées de captage et stockage du carbone seraient arrêtés, sans préciser s’il s’agissait d’un CCS opérationnel ou non. Un détail qui a toute son importance : la centrale de Medupi en Afrique du Sud, soutenue par la Coface, est équipée d’un CCS mais celui-ci n’est pas opérationnel. La centrale émettra à elle seule 29 millions de tonnes de CO2 par an ! Le gouvernement doit préciser immédiatement qu’il s’agit de tous les soutiens de la Coface au charbon et qu’il portera cette position au niveau de l’OCDE.

Concernant l’arrêt des projets charbon par les entreprises dont l’État est actionnaire

Lors de la Conférence environnementale, les ministres Laurent Fabius et Ségolène Royal avaient reconnu cette nécessité. En effet, des entreprises comme GDF ou EDF investissent à l’étranger dans des projets charbon dommageables pour l’environnement, les communautés et le climat, alors que cette source d’énergie est quasiment bannie de l’hexagone. Pourtant, aucune mention de la fin des projets charbon par les entreprises n’est faite dans la feuille de route. Le Gouvernement ne peut pas appeler à un accord ambitieux sur le climat d’une part et d’autre part saper toute possibilité pour les pays du Sud de limiter leurs émissions en laissant les entreprises françaises aller polluer sur leur territoire.

Concernant le charbon au sein des banques multilatérales de développement

La feuille de route reconnaît que la France s’engagera à « défendre […] l’importance de n’autoriser en particulier le financement de centrales à charbon que dans des circonstances rares et exceptionnelles, et à condition que le projet représente la seule alternative économiquement viable […] ». Une avancée qui peut devenir toute relative si les coûts sanitaires et environnementaux de ces projets ne sont pas intégrés dans le calcul de la viabilité économique.

Concernant l’arrêt progressif des soutiens publics aux énergies fossiles dans leur ensemble

La France dit vouloir pousser la fin des soutiens aux énergies fossiles au niveau européen, mais encore faut-il commencer par balayer devant sa porte. Le Gouvernement doit publier une stratégie de fin des soutiens publics aux énergies fossiles bien en amont de la conférence sur le climat en décembre 2015 pour avoir un effet de levier sur les autres pays.

La France doit impérativement et rapidement redresser la barre sur ce dossier. Comment espérer négocier un accord ambitieux sur le climat à Paris, fin 2015, si la présidence elle-même ne fait pas preuve de cohérence ?

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