L’impact du réchauffement climatique sur les cyclones

En septembre 2017, après les destructions d’Harvey au Texas en août, le cyclone Irma dévastait les îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy et Maria celle de la Dominique. Un an après, dans l’Atlantique Nord, Hélène, Isaac, Joyce et Florence évoluaient simultanément, ce dernier provoquant près de 30 morts en Caroline du Nord.

Cyclone
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Frank ROUX, professeur à l’université Paul Sabatier (Toulouse) et chercheur au Laboratoire d’Aérologie de l’Observatoire Midi-Pyrénées, répond à ces questions :

Sous l’effet du réchauffement climatique, la fréquence des cyclones va-t-elle augmenter ?

Pour qu’un cyclone se forme, il faut que l’eau soit suffisamment chaude sur les premières dizaines de mètres de profondeur [1] [2], que l’atmosphère au-dessus d’elle puisse se charger d’humidité, que des perturbations lancent le mouvement et que le vent ne varie pas avec l’altitude pour que le tourbillon se forme. Donc ce n’est pas qu’une question de température.

Surtout, ce qui est déterminant pour sa formation, c’est le différentiel de température entre la couche superficielle de l’océan et l’atmosphère. Sous l’effet du réchauffement, la température de l’océan va augmenter, mais celle de l’air aussi, sans changement majeur de cette différence !

Donc, en moyenne, il ne devrait pas y avoir plus de cyclones. On en compte actuellement une cinquantaine par an sur l’ensemble du globe et une centaine de tempêtes tropicales, ce qui devrait perdurer.

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Publiée par Réseau Action Climat sur Lundi 28 janvier 2019

Qu’en est-il de leur distribution et de leur intensité ?

On s’attend à une variation au niveau des bassins d’activité. Selon certaines projections climatiques, l’eau de l’Atlantique tropical devrait se réchauffer plus que celle du Pacifique ouest par exemple. Donc l’activité cyclonique pourrait y être plus active. Il est aussi probable que sa zone de distribution se déplace de quelques centaines de kilomètres vers les pôles. Nous n’aurons pas de cyclones (vents supérieurs à 120 km/h) en Bretagne, mais davantage de tempêtes (vents inférieurs à 120 km/h) résultants d’eux pourraient la frapper [3].

Par ailleurs, on estime que l’intensité des cyclones pourrait augmenter [4]. En effet, un air plus chaud peut contenir plus de vapeur d’eau, ce qui accroît le transfert d’humidité dans l’atmosphère et la puissance cyclonique. Cela ne signifie pas qu’ils seront à chaque fois plus fort, mais qu’ils seront en capacité de l’être, comme certaines voitures qui peuvent atteindre 280 km/h, mais pour lesquelles les conditions sont rarement réunies pour y arriver. Aujourd’hui, moins de 10 % des cyclones atteignent leur intensité potentielle, proportion qui semble déjà augmenter [5]. Il subsiste cependant une grande incertitude sur leur  intensification dans le futur, les modèles prévisionnels divergeant à ce sujet.

Comment se protéger ?

Deux choses sont à considérer : le risque, contre lequel on ne peut rien, et l’exposition à celui-ci, sur laquelle on peut agir. Les vents cycloniques s’atténuent rapidement à l’intérieur des terres mais les pluies peuvent rester très intenses sur des centaines de kilomètres [6].

Les zones côtières sont donc les plus exposées et le danger augmente [7] : accroissement des populations et des industries qui s’y installent, croissance démographique dans les pays tropicaux … De plus, les mangroves, qui contribuent naturellement à freiner les vagues et à réduire l’impact des cyclones, sont détruites par les activités humaines. Donc il y a de moins en moins de zones tampon. Par ailleurs, l’augmentation du niveau de la mer due au réchauffement climatique va rendre les côtes encore plus vulnérables en rapprochant l’eau des infrastructures.

Il faut arrêter de construire en bord de mer en zone exposée aux cyclones, d’y installer des industries sensibles, des installations touristiques… Ce sont des choix politiques et économiques difficiles à prendre sur la durée alors que le risque potentiel est incertain. Quand survient un événement extrême, on parle de mesures à prendre etc. Mais comme souvent il n’y en a pas de nouveau dans les années qui suivent, rien n’est finalement fait.

La seule alternative restante, sur laquelle nous travaillons. est d’améliorer les prévisions de ces phénomènes cycloniques pour au moins prendre les mesures d’évacuation qui s’imposent avant leurs frappes.

Références

[1] Kerry Emanuel : “Assessing the present and future probability of Hurricane Harvey’s rainfall”, PNAS, November 13, 2017

http://www.pnas.org/cgi/doi/10.1073/pnas.1716222114

[2] Trenberth, K. et al. : “Hurricane Harvey links to ocean heat content and climate change adaptation”. Earth’s Future,  Volume 6, Issue5 May 2018 Pages 730-744

https://agupubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1029/2018EF000825

[3] Haarsma et al. : “More hurricanes to hit western Europe due to global warming”, Geophysical Research Letters Volume 40, Issue 9 16 May 2013

http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/grl.50360/abstract

[4] K Bhatia et al. :  » Projected Response of Tropical Cyclone Intensity and Intensification in a Global Climate Model », Journal of Climate 31(20) · July 2018 doi:10.1175/JCLI-D-17-0898.1, American Meteorological Society »

https://www.researchgate.net/publication/326759021_Projected_Response_of_Tropical_Cyclone_Intensity_and_Intensification_in_a_Global_Climate_Model

[5] GFDL Princeton University : “Global Warming and Hurricanes – An Overview of Current Research Results” Sept. 20, 2018

https://www.gfdl.noaa.gov/global-warming-and-hurricanes/

[6] James P. Kossin  “A global slowdown of tropical-cyclone translation speed » Nature, vol. 558, p. 104-107, 06 June 2018

https://doi.org/10.1038/s41586-018-0158-3

[7] Union of Concerned Scientists : “Hurricanes and Climate Change – Increasingly destructive hurricanes are putting a growing number of people and structures at risk”, December 1, 2017

https://www.ucsusa.org/global-warming/science-and-impacts/impacts/hurricanes-and-climate-change.html

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