PLF 1ère partie : après les débats en commission, la démission écologique

Le débat en commission des finances de la première partie du projet de loi de finances pour 2021 s’est achevé hier soir avec le vote d’un projet de loi qui reste largement décevant d’un point de vue écologique et insuffisant pour respecter les budgets carbone de la France.

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Le débat en commission des finances de la première partie du projet de loi de finances pour 2021 s’est achevé hier soir avec le vote d’un projet de loi qui reste largement décevant d’un point de vue écologique et insuffisant pour respecter les budgets carbone de la France. Malus poids, taxe sur les engrais azotés, réduction des niches fiscales en faveur des énergies fossiles, hausse de l’éco-contribution sur des billets d’avion, mise en place d’éco-conditionnalités pour les entreprises qui reçoivent des aides publiques : aucune des propositions fiscales de la Convention Citoyenne pour le Climat n’a été adoptée d’une manière satisfaisante en respectant l’engagement du Gouvernement d’une mise en oeuvre “sans-filtre”.

Le détail par thématique :

Pire : l’opposition stérile entre préservation des emplois d’un côté et transition écologique de l’autre a été évoquée à maintes reprises pour justifier le rejet des mesures pour verdir l’économie. Pourtant, la transition écologique peut être un levier pour transformer notre économie et créer de nombreux emplois pérennes, mais aussi pour mettre enfin en place des outils d’anticipation et d’accompagnement des reconversions professionnelles. La prise de conscience collective de devoir repenser notre modèle économique pour créer une société plus résiliente ne semble pas avoir pénétré les murs de l’Assemblée qui reste encore très largement engluée dans l’ancien monde.

Le Réseau Action Climat lance un appel aux parlementaires pour prendre leurs responsabilités face au Gouvernement et garantir de réelles mesures pour la transition écologique.

Automobile :

Malus poids et renforcement du Malus

La majorité gouvernementale continue d’ignorer l’augmentation du poids des voitures, alors que les SUV constituent la 2ème source de croissance des émissions de CO2 ces dix dernières années. Pire, elle se fonde sur des informations erronées pour rejeter les amendements pertinents : contrairement à ce qu’a pu affirmer le Président de la Commission des finances, les SUV ne représentent pas 80 % mais 33 % de la production de voitures en France. Par ailleurs, le malus poids, tel que proposé par le Réseau Action Climat, ne pénaliserait ni les familles nombreuses (un abattement est prévu), ni les véhicules électriques (un seuil spécifique est prévu), ni les constructeurs français, dont les ventes sont plus légères que celles de leurs concurrents européens. 60 % des voitures thermiques et 82 % des voitures électriques ne seraient d’ailleurs pas soumis à ce malus.

En refusant de renforcer le barème du malus automobile, la majorité se satisfait dans le même temps d’un dispositif inefficace, qui n’est pas parvenu à faire baisser les émissions des voitures neuves vendues en France entre 2016 et 2019 et qui demeure incohérent avec les objectifs imposés aux constructeurs par la réglementation européenne.

Réforme de l’indemnité kilométrique

La réforme de l’indemnité kilométrique proposée par la Convention Citoyenne, celle-ci étant actuellement indexée sur la puissance des véhicules et favorisant à ce titre les plus lourds et polluants, a finalement été écartée en commission des finances; alors que le Premier ministre, lors de son point d’étape avec les citoyens le 30 septembre, avait promis de l’intégrer finalement au PLF 2021. Par ailleurs, les amendements visant à prendre en compte le poids dans l’ensemble des outils fiscaux portant sur les véhicules (taxes sur les véhicules de société, contrats d’assurance…) ont également été écartés.

Mobilités alternatives

TVA à 5,5 %

Plusieurs amendements examinés en commission proposaient d’abaisser à 5,5 % la TVA applicable aux transports collectifs comme le recommande la Convention citoyenne pour le climat. Malheureusement, tous ces amendements ont été rejetés confirmant ainsi le nouveau joker du Gouvernement sur les propositions de la Convention.

Forfait mobilités durables

Jamais un sans deux, le Gouvernement a dégainé un nouveau joker sur les propositions de la Convention citoyenne pour le climat en refusant de rendre obligatoire le forfait mobilités durables comme cela était demandé par des députés du groupe EDS. A noter toutefois, un amendement déposé par le Gouvernement augmentant le plafond du forfait mobilités durables a lui été adopté. Cela ne représente qu’une faible avancée tant que ce forfait restera facultatif, à ce jour moins de 1 % des salariés en bénéficient.

Agriculture

Taxe sur les engrais azotés

Un nouveau fossé se creuse entre la majorité et le Gouvernement sur la question agricole. C’est cette fois l’enjeu des engrais chimiques qui divise les marcheurs. La proposition de redevance défendue par la République en Marche est pourtant une reprise sans-filtre d’une mesure de la Convention citoyenne pour le climat. Tout en reconnaissant le coût environnemental des engrais chimiques, le Gouvernement refuse encore une fois d’affronter un enjeu central de la transition agricole. Après s’être porté garant du travail de la Convention citoyenne pour le climat, Emmanuel Macron n’hésite plus à afficher son mépris pour la démocratie directe et… représentative !

Entreprises

Baisse d’impôts de production

Les premiers débats autour de la baisse aveugle des impôts de production ont eu lieu en commission des finances cette semaine. Des députés de presque tous les groupes politiques ont défendu un ciblage de la mesure aux TPE et PME en excluant les grandes entreprises du processus ou en conditionnant l’aide à des engagements écologiques et sociaux contraignants. Des députés de la majorité ont même voté un amendement en ce sens en commission développement durable, mais le rapporteur général, également de la majorité, a fait machine arrière dès le lendemain en refusant de revenir sur cette baisse aveugle des impôts de production. Le sujet des contreparties au plan de relance doit continuer d’être une priorité des débats lors des prochaines semaines.

Aides néfastes pour le climat

Niches fiscales en faveur des énergies fossiles

Le vote quasi concomitant d’une hausse de l’objectif climat à l’échelle européenne, l’engagement de la France au G7 de supprimer d’ici 2025 la totalité de ses subventions aux énergies fossiles, l’annonce de Bruno Le Maire, Ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance, lors des débats sur le Projet de loi de finances 2020 à engager dès ce débat budgétaire 2021 à poursuivre la réduction des dépenses fiscales néfastes pour le climat et l’environnement… Tous ces argument en faveur d’une suppression progressive des 18 milliards d’euros de dépenses fiscales néfastes pour le climat ont été mis de côté d’un revers de main. Financer la décarbonation de l’industrie française (1,2 milliards d’euros dans le plan de relance) sans supprimer en même temps des taux de taxation réduits sur la consommation des énergies fossiles ne semble poser aucun problème de cohérence.

Eco-contribution billets d’avion

La proposition de la Convention Citoyenne d’augmenter l’éco-contribution sur les billets d’avion a été rejetée, alors même que les compagnies aériennes bénéficient d’un moratoire sur le paiement de ces taxes depuis mars 2020 et que ce paiement sera modulé en fonction de la reprise du trafic aérien. Les députés, dont certains ont tout bonnement souhaité supprimer toute fiscalité écologique sur l’avion, ont acté que le secteur continuera de bénéficier d’exonérations fiscales malgré un plan de sauvetage public massif.

Biocarburants contribuant à la déforestation

En 2018, les députés ont voté l’exclusion des produits à base d’huile de palme du dispositif d’incitation fiscale à l’incorporation de biocarburants. Une exclusion confirmée en 2019 mais avec une exception ouverte en catimini par le gouvernement pour les distillats d’acide gras de palme (PFAD). Alors que les députés, y compris de la majorité, se sont offusqués de cette nouvelle manœuvre, aucun amendement pour exclure explicitement les PFAD n’a été retenu en commission des finances. L’enjeu est très politique puisque les PFAD sont l’un des principaux produits à base d’huile de palme utilisé par Total pour approvisionner sa raffinerie de La Mède. Enfin, si les députés ne clarifient pas le statut des PFAD, ces derniers pourraient être massivement utilisés comme biocarburant dans l’aviation. Concernant les biocarburants à base d’huile de soja qui contribue également à la déforestation, le gouvernement propose d’en plafonner l’utilisation au niveau de 2017. Par cohérence avec la décision sur l’huile de palme, nous considérons que l’exclusion serait plus cohérente et efficace.

Taxe HFC (hydrofluorocarbures)

Une des taxes à faible rendement dont la suppression est visée par l’article 16 est la taxe sur les hydrofluorocarbures un puissant gaz à effet de serre. Cette taxe récente a été votée seulement en PLF 2019 et représente par ailleurs un engagement gouvernemental du Plan Climat de 2017. Elle devait entrer en vigueur au 1er janvier 2021, sous réserve que les filières utilisant des HFC réduisent fortement leurs émissions. Bien que Bercy déclare que ces engagements ont été tenus et conclue que l’entrée en vigueur de la taxe ne serait pas nécessaire, les députés n’ont eux eu aucun rapport ou information chiffrée sur lequel appuyer leur jugement. Face à cette maladresse, la discussion reste pour le moment ouverte et sera reprise en séance plénière la semaine prochaine.

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