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Émissions de CO2 des transports : la France doit jouer un rôle moteur

Nicolas Hulot se rend aujourd’hui au Conseil de l’UE afin de discuter des nouvelles normes d'émission de CO2 post-2020 pour les voitures, les utilitaires légers et les véhicules lourds.

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Les émissions de CO2 des voitures neuves ne baissent plus en usage réel

Update

Le 25 juin dernier, Nicolas Hulot a appelé à aller plus loin que les propositions de la Commission Européenne, notamment avec l’introduction d’un protocole de mesures des émissions de CO2 des voitures en conditions de conduite réelle (RDE). Mais les objectifs de réduction des émissions de CO2 des voitures portés par la France sont à ce stade insuffisants pour assurer le respect effectif de l’accord de Paris sur le climat

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Alors que la politique nationale et européenne a échoué à faire réduire les émissions de gaz à effet de serre des transports, des engagements forts sont attendus pour mettre le secteur des transports sur la voie de l’accord de Paris.

Ce débat entre ministres de l’environnement intervient alors que les émissions de CO2 des véhicules neufs vendus en France sont reparties à la hausse en 2017 (1) et que les agissements des constructeurs automobiles dans le scandale du dieselgate retentissent encore dans les médias et les tribunaux.

Trois ans après les révélations, une profonde réforme des normes européennes et du système d’homologation est toujours attendue afin de restaurer la confiance des citoyens dans la réglementation automobile et de garantir son indépendance vis-à-vis des constructeurs automobiles.

Les transports représentent la première source d’émissions de CO2 en France et en UE mais le secteur n’est toujours pas sur une trajectoire de réduction des émissions de CO2 du transport routier qui soit compatible avec l’accord de Paris sur le climat.

En tant que gardienne des engagements pris par les Etats, la France doit assurer une relève de l’ambition européenne, afin de répondre à d’importants enjeux non seulement écologiques mais également économiques au service des utilisateurs des véhicules concernés, qu’ils soient automobilistes ou transporteurs routiers européens.

DES PREMIERES PROPOSITIONS TRES DECEVANTES

En matière d’efficacité, les actuelles propositions de la Commission européenne sont trop timorées : seulement moins 15% de réduction à l’horizon 2025 et moins 30% à l’horizon 2030 pour tous les véhicules (voitures, camionnettes et véhicules lourds), alors que le respect de l’Accord de Paris nécessiterait une trajectoire de réduction plus ambitieuse.

 La Commission a également proposé un large éventail de dispositifs dérogatoires qui permettront aux constructeurs de contourner les niveaux d’ambition retenus : pour les voitures, le quota fixé pour les véhicules à faibles émissions (15 % en 2025, 30 % en 2030), n’a pas de valeur contraignante puisque les constructeurs ne sont pas pénalisés s’ils ne les respectent pas. En revanche, ils bénéficieront d’un bonus pour la mise sur le marché de tels véhicules leur permettant d’augmenter leur niveau d’émissions global en toute légalité.

Pour les camions, le niveau d’ambition est encore plus faible : aucun quota contraignant, alors que 98% des véhicules fonctionnent toujours au diesel, et un système de « super bonus » et de crédits d’émissions faisant en sorte qu’un constructeur tel que Daimler de ne devrait vendre annuellement que 860 “véhicules zéro émission” – soit 1,6% de l’ensemble de ses ventes – en une seule année pour être en accord avec la règlementation!

Il est également particulièrement regrettable que, malgré l’ampleur des fraudes montrées par Dieselgate et les récentes actualités mettant en cause les constructeurs, la Commission européenne ne propose pas de système de mesure des émissions en conditions réelles de conduite pour mesurer les émissions de CO2, comme cela existe désormais pour mesures les émissions de Nox. 

Pour les véhicules légers, un respect effectif des réglementations européennes est attendu, dans un contexte où l’écart entre les mesures faites lors de l’homologation des véhicules et leur niveau d’émissions en conditions réelles est de 42%, et où les deux-tiers des progrès revendiqués par les constructeurs automobiles ces dernières années ont été obtenus en utilisant les flexibilités des tests.

Pour la règlementation visant les véhicules lourds, il s’agira d’assurer que les millions de camions qui sillonnent les routes d’Europe soient soumis pour la première fois à un contrôle tangible de leurs émissions de CO2.

[1] Transport & Environment, 2018

LA FRANCE DOIT AGIR POUR RELEVER LE NIVEAU DE L’AMBITION EUROPEENNE

La France, qui se porte en garante de l’Accord de Paris, doit porter une position suffisamment ambitieuse pour faire aboutir les négociations actuelles :

En ce qui concerne les véhicules légers, la position française doit intégrer l’adoption d’un objectif contraignant pour 2025, sans quoi le volume d’émissions des véhicules cumulées sur la période 2020-2030 pourrait doubler. Des objectifs de réduction contraignants d’au moins 35% en 2025 et 70% en 2030 par rapport à 2021 doivent être fixées pour être en ligne avec les engagements de long terme mais l’objectif de limiter la hausse des températures à 2 degrés et 1,5 degrés autant que possible nécessitent une transformation plus profonde de la mobilité. Notons d’ailleurs qu’à l’horizon 2030, plusieurs pays européens envisagent la fin de la commercialisation des véhicules conventionnels (Ecosse, Slovénie, etc. )

Ces objectifs doivent être identiques pour tous les constructeurs automobiles[1].

Les constructeurs ne devraient pas non plus bénéficier de bonus sans malus en contrepartie de la mise sur le marché de véhicules « zéro émission ».

La France doit enfin tirer les leçons du dieselgate, dans le contexte actuel de défiance croissante visant le secteur automobile et les récentes actualités de la semaine dernière sur le sujet, pour imposer des protocoles d’essai en conditions réelles de conduite (RDE). La réduction de l’écart entre les mesures en laboratoire et les niveaux réels d’émissions permettrait également aux automobilistes de réaliser des économies de carburant de l’ordre de 300 € par an[2].

En ce qui concerne les camions, un objectif d’au moins 20% en 2025 par rapport à 2019 permettrait de doubler voir de multiplier par 5 les économies réalisées par les constructeurs en 5 ans[3]. Il s’agit également d’atteindre moins 40% à l’horizon 2030. Tout super-crédit octroyé pour la mise sur le marché d’un véhicule à faible émission devra être associé à minima à un système de malus.

Sans ce niveau d’ambition, l’atteinte des objectifs de l’accord de Paris serait compromise, alors même que d’autres leviers de transition écologique du secteur des transports peinent à se mettre en place, tels que la baisse du nombre de véhicules, le report modal vers des modes moins émetteurs, ou la substitution du pétrole par des carburants 100%  renouvelables et non concurrents de l’alimentation (comme le sont les agrocarburants).

[1] Les objectifs actuels sont attribués aux constructeurs automobiles selon le poids moyen de leurs véhicules, favorisant paradoxalement les véhicules lourds, moins économes en énergie

[2] http://www.beuc.eu/blog/consumers-can-save-fuel-and-money-if-the-eu-goes-the-full-mile-on-co2-targets-for-cars/

[3] Commission Européenne, étude d’impact accompagnant la proposition de règlementation du Parlement Européen et du Conseil concernant les objectifs de réduction de CO2 des véhicules lourds

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