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Élections municipales : le climat au coeur des préoccupations et des attentes

Le 28 juin dernier se terminaient les élections municipales, perturbées par une crise sanitaire sans précédent. Nous avons décrypté ces élections exceptionnelles au prisme des grands enjeux dans la lutte contre le dérèglement climatique.

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Après plusieurs mois de campagne, les élections municipales se sont finalement closes le 28 juin dernier. Depuis début juillet, les présidents et vices présidents ont pris place au sein des différentes intercommunalités de France. Les nouveaux mandats locaux s’ouvrent donc pour les 6 ans à venir et devront faire face à un enjeu de taille : lutter contre le dérèglement climatique dans un contexte où les plans de relance se multiplient. Alors que le climat était au coeur des préoccupations des Français lors de ces élections(1),  l’enjeu écologique s’est traduit dans les programmes des candidats avec plus ou moins d’ambition et de précision. Maintenant, l’heure est à la transformation des promesses en actions concrètes.

Le climat au coeur des élections

Analyser ces élections municipales nécessite de revenir en premier lieu sur le contexte exceptionnel dans lequel elles se sont tenues. La crise sanitaire s’étalant sur plusieurs mois a ainsi profondément bouleversé le calendrier : faible participation dans les urnes avec une abstention record atteignant 58,4% au second tour(2), meetings de campagne interdits, plus de 100 jours d’intervalle entre le premier et le second tour etc. A n’en pas douter, cette campagne était particulière.

La seconde analyse à mettre en avant est que la question climatique a été un enjeu phare de ces élections municipales. Cela s’est traduit de plusieurs manières : que ce soit dans les rues, dans les médias, voire dans les programmes, le climat est devenu le premier sujet d’inquiétude personnel des Français et donc un enjeu électoral.

Cette séquence a ainsi été le théâtre de nombreuses mobilisations sur tous les territoires : de décembre 2019 à juin 2020, la campagne Alternatives Territoriales a réalisé plus de 70 actions portées par des citoyens pour mettre en avant les questions d’agriculture et d’alimentation, de transport et de mobilité, de publicité, tout en insistant sur la nécessité d’aller voter au premier et second tour. De Paris à Auch en passant par Marseille et Orléans, en interpellant les candidats sur les marchés, en réalisant des décryptages de programme, en faisant des cordons sanitaires autour des écoles, en organisant des débats : les groupes de la campagne ont contribué à mettre le climat au coeur de l’agenda politique. Cette importance de la mobilisation citoyenne s’est aussi traduite par la réussite du Pacte pour la Transition composé de 32 mesures et porté par des citoyens auprès des candidats : au final, 811 listes candidates signataires du Pacte pour la Transition ont été élues, sur les 969 signataires.

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Chiffres clés

  • 2 527 communes couvertes par le Pacte pour la Transition
  • 6 journées de mobilisations et d’interpellations nationales totalisant plus de 70 actions
  • Un mot d’ordre sur Twitter : #UnMandatPourToutChanger

L’importance de lutter contre le dérèglement climatique et d’agir au niveau local a été également accentuée par la crise sanitaire que nous traversons. Alors que de nombreuses associations, scientifiques et politiques ont mis en avant la nécessité de changer de mode de production et de consommation pour rendre les territoires plus résilients(3), les collectivités locales, puisque qu’elles portent plus de 70 % de l’investissement public, se sont retrouvées en première ligne pour répondre aux inquiétudes et demandes des habitants tout au long du confinement, mais aussi dans le cadre de la relance. Le rôle central de l’échelon local pour faire face aux crises a ainsi été mis en avant par le Haut Conseil pour le Climat(4), mais aussi par la Convention Citoyenne pour le Climat qui reprend, parmi les 150 mesures, de nombreuses recommandations qui s’adressent aux collectivités territoriales(5).

De fait, citoyens, acteurs de la société civile et experts ont su mettre le climat au coeur de l’agenda politique des élections municipales, en en faisant un enjeu électoral. Dans son décryptage des programmes réalisé en mars 2020(6), le Réseau Action Climat a montré que le climat était présent dans la plupart des engagements de campagne des 40 candidats analysés : à la différence des élections municipales de 2014, le climat est désormais perçu et identifié par les candidats comme un enjeu incontournable. Néanmoins, sur les 40 candidats évalués, seulement 13 ont intégré les mesures nécessaires pour faire face à l’urgence climatique, tandis qu’à l’opposé, 9 candidats n’en tenaient tout simplement pas compte. La grande majorité des candidats restait donc au milieu du gué. Les promesses électorales apparaissant dans les programmes n’étaient donc pas suffisamment ambitieuses ni assez précises, voire ne portaient que sur une thématique précise, sans approche transversale.

L’enjeu du suivi des engagements

Cette campagne exceptionnelle par sa durée, son contexte et ses rebondissements a aussi été le théâtre d’une surenchère pour le climat, chaque candidat cherchant à intégrer davantage de promesses écologiques. Afin qu’elles ne restent pas lettre morte, la société civile mobilisée en 2020 suivra de près les réalisations concrètes des territoires dès 2021 !

Le suivi s’accompagne d’un double enjeu : s’assurer que l’ensemble des engagements pris sera mis en oeuvre, mais veiller aussi à la rehausse des engagements et des mesures quand le programme ne tenait pas suffisamment compte du dérèglement climatique. Le Réseau Action Climat réalisera donc une mise à jour du décryptage régulière jusqu’à la fin du mandat. Ce travail de suivi se fera sur la base de leurs engagements pris dans les programmes, et se centrera sur deux éléments :

  • un suivi des engagements globaux, centré autour des 10 mesures phares ;
  • un suivi spécifique des engagements pris dans le domaine des transports afin d’agir concrètement en faveur de l’amélioration de la qualité de l’air et de la réduction du trafic routier(7).

Par ailleurs, il est important de rappeler que les promesses de campagne, mais aussi les 10 mesures sélectionnées dans le cadre du décryptage, les 32 mesures du Pacte ne forment qu’un socle minimal ! Le climat n’est pas qu’une question de développement des énergies renouvelables ou de mise en place de pistes cyclables : il s’agit d’un prisme global pour toutes les politiques publiques. Ainsi, les politiques locales sur la culture, l’aménagement, le soutien aux entreprises et artisans, le tourisme sont autant de secteurs qui doivent tenir compte du dérèglement climatique, réduire la consommation énergétique et leurs émissions de gaz à effet de serre.

Notre avis : Sans suivi, greenwashing garanti !

Le climat était au coeur des élections municipales et c’est un signal politique fort. Mais face à l’ampleur du défi climatique, au delà des urnes et des promesses, les élus doivent maintenant agir, sur tous les territoires.

Ainsi, dans le suivi des engagements réalisé, le Réseau Action Climat tiendra compte aussi du respect de certaines lignes rouges comme les soutiens publics aux aéroports, les aides à la construction et/ou à l’agrandissement de routes, de ronds-points ou de contournements routiers, les projets contribuant à l’artificialisation des sols, les projets de centrales de production d’énergie fonctionnant au gaz, pétrole et charbon, et celles fonctionnant au nucléaire, les projets agricoles non agroécologiques.

Remarquons aussi que le contexte d’urgence climatique ne doit pas amener à remettre en cause le respect des principes de participation citoyenne et des normes environnementales pour les projets : le travail des collectivités dans les 6 ans à venir est de co-construire ces actions avec les différents acteurs locaux – habitants et habitantes, société civile, tissu économique local etc. – tout en étant transparent sur l’état d’avancement, ce qui implique notamment de connaître et de communiquer sur le calendrier de mise en oeuvre des mesures et les moyens alloués.

Ce travail de suivi sera donc mené conjointement avec les citoyens et citoyennes mobilisés dans le cadre de la campagne Alternatives Territoriales, mais aussi avec le Pacte pour la Transition. En tant que contre-pouvoir et que force de proposition et d’opposition, les citoyens veilleront par le plaidoyer mais aussi par les mobilisations locales au respect des engagements électoraux pris.

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Des enjeux forts : le climat au coeur des autres échelles

Si les élections municipales viennent de se terminer, de nouveaux chantiers se dessinent à deux autres échelles : l’enjeu de moyens suffisants pour la transition pour les collectivités, et les élections régionales et départementales en 2021.

En effet, si le climat est désormais au coeur des préoccupations politiques des Français et doit être traduit en acte politique à l’échelle locale, cela implique aussi un soutien fort des autres échelons et du gouvernement. La réalisation d’une transition ambitieuse locale nécessite des moyens humains et financiers suffisants pour les collectivités. Or, si les collectivités ont de plus en plus de compétences pour la transition – ce qui semble être renforcé par le projet de loi 3D “décentralisation, différenciation et déconcentration”(8) – cela implique une hausse des moyens financiers à leur disposition. Ainsi, pour faire face au manque de financement structurel qui ralentit la mise en oeuvre des projets, les collectivités doivent avoir d’avantage de moyens financiers, conditionnés à la réussite de leurs objectifs de transition. La réalisation des politiques climatiques et énergétiques à l’échelle locale doit aussi s’accompagner d’une hausse de la dotation de fonctionnement et d’investissement.

Notre avis

Dans son discours de politique générale, Jean Castex a déclaré “Libérer les territoires, c’est libérer les énergies. C’est faire le pari de l’intelligence collective. Nous devons réarmer nos territoires”. Le Réseau Action Climat attend ainsi que ce soutien aux collectivités pour le climat se traduise dès cet été dans le projet de loi issu de la Convention Citoyenne pour le Climat, puis en octobre avec le projet de loi de finances 2021.

Enfin, le nouvel enjeu qui s’ouvre devant nous est celui des élections régionales. Elles devront se tenir normalement en 2021, et seront un moment charnière pour le climat puisque les Régions sont les cheffes de fil de la transition climatique et énergétique. Rôle de planificatrices, plateformes qui distribuent les aides, subventions et prêts, gestionnaires des trains et des lycées : les Régions jouent un rôle clé dans la transition. Le Réseau Action Climat, qui a proposé 30 recommandations clés pour les plans de relance régionaux, s’assurera que les candidats et candidates prendront leurs responsabilités et s’engageront pour le climat de manière concrète et ambitieuse.

Notes

  1. https://elabe.fr/francais-environnement/
  2. https://www.lagazettedescommunes.com/686053/la-deferlante-abstentionniste/#utm_source=quotidien&utm_medium=Email&utm_campaign=2020-06-29-quotidien&email=zoe.lavocat@reseauactionclimat.org&xtor=EPR-2
  3. https://reseauactionclimat.org/des-initiatives-locales-a-preserver/
  4. https://www.hautconseilclimat.fr/publications/rapport-annuel-2020-reprendre-le-cap-relancer-la-transition/
  5. https://propositions.conventioncitoyennepourleclimat.fr/pdf/ccc-rapport-final.pdf
  6. https://reseauactionclimat.org/elections-municipales-decryptage/
  7. https://reseauactionclimat.org/classement-lutte-pollution-air/
  8. https://www.cohesion-territoires.gouv.fr/projet-de-loi-3d-decentralisation-differenciation-et-deconcentration
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