Climat et santé, des enjeux liés

Le changement climatique a des impacts sur la santé, renforçant les risques liés à la chaleur, aux catastrophes naturelles, aux maladies… Mais de nombreuses mesures pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre ont des bénéfices directs et à court terme sur la santé.

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Les impacts du changement climatique sur la santé

Le GIEC a identifié 8 principaux risques sanitaires que le changement climatique est susceptible de renforcer. Ils sont liés :

  • à la dénutrition,
  • à la chaleur,
  • aux infections transmises par l’alimentation et l’eau,
  • aux événements météorologiques extrêmes,
  • à la santé professionnelle,
  • aux maladies infectieuses,
  • à la qualité de l’air,
  • à la santé mentale.

Dès +1,5°C – un niveau de réchauffement qui devrait être atteint avant 2040 – ces risques sont déjà très forts, en particulier ceux qui se rapportent aux vagues de chaleur et à la dénutrition. On remarque que tous les risques explosent avec un niveau de réchauffement plus élevé : pour limiter ce dernier et atténuer ses effets néfastes, il est indispensable de réduire rapidement nos émissions de gaz à effet de serre.

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Source : RE5 du GIEC – GT2 (2014) – Lecture du graphique : plus on s’éloigne du centre, plus les risques sont élevés.

Vagues de chaleur et autres événements extrêmes

Le changement climatique rend les vagues de chaleur de plus en plus fortes et fréquentes, avec de graves conséquences sur la santé : maux de tête, nausées, déshydratation… jusqu’aux coups de chaleur pouvant entraîner la mort. On estime par exemple que les canicules de l’été 2022 ont indirectement causé le décès de plus de 11 000 personnes en France. Ces risques exposent particulièrement certaines catégories de population (jeunes enfants, personnes âgées ou atteintes de problèmes cardiovasculaires…).

Ce ne sont pas les seuls événements météorologiques extrêmes amplifiés par le réchauffement du climat : c’est aussi le cas des inondations, périodes de sécheresse, cyclones, précipitations intenses, incendies… Ces épisodes affectent la santé de  plusieurs manières, à commencer par le danger direct qu’ils représentent. Par exemple, les inondations historiques qui ont frappé le Pakistan à l’été 2022 ont fait plus de 1 500 morts et blessé plus de 12 000 personnes. Mais ils ont également des effets indirects: ils facilitent l’émergence de maladies (eaux insalubres, propagation de moustiques), affectent la santé mentale (stress post-traumatique, anxiété liée à la disparition des moyens de subsistance), limitent l’accès à la nourriture et peuvent détériorer la qualité de l’air. La précarité qui résulte de ces catastrophes renforce aussi le risque de violences et de conflits dans les zones sinistrées.

Dénutrition et pénuries d’eau

Des pénuries menacent la sécurité alimentaire de populations du monde entier, avec des risques plus élevés en Afrique et en Asie. 22 millions de personnes sont par exemple menacées par la famine dans la Corne de l’Afrique actuellement, à la suite de 4 saisons de pluies consécutives marquées par un manque critique de précipitations. Les impacts que subit le secteur de l’agriculture accentuent ce danger : la modification des conditions climatiques ainsi que les aléas météorologiques (épisodes de sécheresse, précipitations extrêmes…) entraînent d’importantes pertes et destructions. Le GIEC estime par exemple que les pertes de récoltes liées aux sécheresses et aux canicules auraient triplé ces 50 dernières années en Europe.

Les sécheresses, mais aussi les catastrophes naturelles comme les inondations, entraînent des difficultés d’accès à une eau salubre. Près de la moitié de la population mondiale connaît, déjà aujourd’hui, une grave pénurie d’eau pendant au moins un mois. En plus du risque de déshydratation, cela favorise la propagation d’infections, comme le choléra.

Exposition aux maladies

Changement climatique et qualité de l’air sont directement liés : d’une part, certains polluants atmosphériques sont également des gaz à effets de serre qui contribuent au réchauffement du climat. D’autre part, certaines conséquences de ce dernier détériorent la qualité de l’air : c’est par exemple le cas des vagues de chaleur, qui renforcent la pollution à l’ozone. Or l’exposition à la pollution de l’air peut avoir des conséquences graves pour la santé, en particulier chez les personnes à risque. Elle peut entraîner des problèmes respiratoires et immunitaires, mais aussi des pathologies telles que le diabète, l’obésité, la dépression et certains cancers. On observe une explosion des maladies respiratoires et de l’asthme chez les enfants (+12% entre 2005 et 2012), dont 3 sur 4 respirent un air pollué en France. Les femmes enceintes sont aussi menacées, la pollution de l’air pouvant engendrer des issues défavorables de grossesse (naissances avant terme, malformations congénitales…).

La propagation de maladies infectieuses est également amplifiée. La hausse des températures favorise la propagation des moustiques : non seulement le niveau de transmission de maladies infectieuses (paludisme….) augmente dans les zones où ils sont déjà présents, mais de nouvelles aires sont aussi touchées. Plus de la moitié des maladies infectieuses seraient ainsi aggravées. Le changement climatique, combiné à la destruction des habitats de certaines espèces, rendrait les pandémies 3 fois plus probables.

Pathologies liées au travail

L’exposition aux risques sanitaires sur les lieux de travail est un enjeu important pour les années à venir, avec des conséquences importantes dès un réchauffement de +1,5°C. “On s’attend à des hausses d’accidents du travail dans tous les secteurs d’activité” d’après Kévin Jean, épidémiologiste et maître de conférence au Conservatoire national des arts et métiers. « Face aux vagues de chaleur, on pense tout de suite aux travailleurs extérieurs. Ils sont bien sûr les plus exposés, mais les vagues de chaleur vont avoir des effets bien plus larges : en période de canicule on dort moins bien, l’organisme est moins bien reposé, et donc on a une vigilance diminuée qui va affecter le travailleur. »

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Parmi les 17 types de risques professionnels listés par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), 15 seront affectés et potentiellement accrus par le changement climatique, dont les risques biologiques, d’effondrements, de manque d’hygiène ou encore de chutes.

Un réchauffement de +2,5°C pourrait ainsi exposer plus d’un milliard de personnes à des conditions incompatibles avec le travail pendant au moins un mois de l’année. En termes économiques, cela représente un coût direct pour les entreprises : la productivité des secteurs les plus exposés pourrait chuter de 20% durant la seconde moitié du siècle.

De fortes inégalités sociales et géographiques

Les pays du Sud, pourtant les moins responsables du changement climatique car moins émetteurs de gaz à effet de serre, sont en première ligne face à ses impacts. En termes de santé, les inégalités sociales, déjà élevées, vont continuer de se creuser.

Dans son rapport “Impacts, adaptation et vulnérabilité” (2022), le GIEC met en évidence de très grandes disparités entre les pays.

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La mortalité due aux inondations, à la sécheresse et aux tempêtes a été jusqu’à 15 fois plus élevée dans les pays du Sud au cours de la dernière décennie.

Ces inégalités sont également perceptibles à l’échelle nationale, tout particulièrement pour les enfants : « on a une accumulation de facteurs de vulnérabilité chez les enfants défavorisés » explique Séverine Deguen, enseignante-chercheuse en biostatistique et épidémiologie environnementale et spécialiste des inégalités sociales de santé. « Les études montrent que leurs écoles sont localisées dans des zones où l’exposition à la pollution est plus importante, tout comme leurs logements qui sont par ailleurs moins isolés et parfois surpeuplés », alors que les enfants sont biologiquement plus vulnérables que les adultes. Pourtant, les populations défavorisées sont généralement celles qui bénéficient le moins des mesures visant à améliorer la qualité de l’air.

Préserver notre santé en protégeant le climat

Pour réduire l’ensemble des risques sanitaires liés au changement climatique, il est urgent de réduire fortement nos émissions de gaz à effet de serre, chaque dixième de degré de réchauffement supplémentaire entraînant des effets plus graves. Pour cela, des solutions efficaces existent dans tous les secteurs selon le dernier rapport du GIEC.

Et cela permet de faire d’une pierre deux coups, car de nombreuses mesures qui sont bonnes pour le climat ont aussi directement des effets positifs et à court terme sur la santé. Une étude de l’institut Lancet a estimé le nombre de décès par an qui seraient évités d’ici 2040 si l’Accord de Paris sur le climat était respecté, en comparaison avec le scénario qui suit la trajectoire actuelle. 166500 décès par an pourraient être évités en Allemagne rien qu’avec des mesures concernant la qualité de l’air, l’alimentation et les transports.

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Horizon 2040, d’après Hamilton et al, Lancet Planetary Health 2021 – Nombre de décès évités par an d’ici 2040 si l’Accord de Paris était respecté, en comparaison avec le scénario qui suit la trajectoire actuelle (cette étude n’a pas été menée en France).

Vélo et marche : les bienfaits des transports actifs

Les transports sont le premier secteur émetteur de gaz à effet de serre en France, avec 31% des émissions, dont 53% liées à la voiture individuelle. Les transports actifs, comme le vélo et la marche, offrent une alternative non polluante à un très grand nombre de trajets. Ils sont par ailleurs un excellent moyen de pratiquer quotidiennement une activité physique, ce qui permet de prévenir plusieurs maladies chroniques : maladies cardiovasculaires, diabète de type 2, cancer du sein ou du côlon.

Une étude évalue le nombre de décès évités si la France suivait un scénario de transition bas carbone, basé sur ceux de l’association Négawatt. Elle révèle qu’à l’horizon 2050, la transition vers des transports actifs permettrait à elle seule d’éviter 10 000 décès par an et d’économiser 40 milliards d’euros par an. Cela représente aussi un gain d’espérance de vie de 3 mois.

Améliorer la qualité de l’air

L’une des priorités pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre est de sortir des énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz…). Or tout ce qui brûle ces énergies, comme les centrales à charbon ou les véhicules polluants, émet aussi des particules qui sont mauvaises pour la santé. Mettre un terme à leur consommation présente donc des co-bénéfices importants pour la lutte contre la pollution de l’air et donc la réduction des risques sanitaires.

Les aires urbaines, en première ligne, pourraient bénéficier de ces effets positifs sur la santé. Les mesures comme les Zones à Faible Émissions (ZFE), qui restreignent la circulation aux véhicules les plus polluants, permettent à la fois de réduire les émissions de gaz à effet de serre et d’améliorer la qualité de l’air dans les villes. Au-delà de leurs effets bénéfiques pour la santé mentale, les espaces verts et la végétalisation sont aussi une barrière efficace contre la pollution : ils filtrent les particules et permettent aussi de lutter contre les îlots de chaleur qui se forment lors des périodes de canicule.

L’agroécologie, dont l’agriculture biologique, est également une solution pour améliorer la qualité de l’air, puisqu’elle n’utilise pas de pesticides ni d’engrais azotés (utilisés dans l’agriculture conventionnelle), qui contribuent à la pollution de l’air.

Une alimentation moins carnée : bon pour le climat et pour la santé

Notre alimentation actuelle représente 24% de l’empreinte carbone des français. Cela s’explique par la grande quantité émise par l’élevage, à l’origine de 80 % des émissions du secteur agricole français, du fait du méthane rejeté par les ruminants, des déjections animales et des engrais chimiques utilisés pour produire l’alimentation des animaux. Manger moins de viande permettrait donc de réduire nos émissions de gaz à effet de serre, mais aussi d’améliorer notre santé. En France, nous mangeons en moyenne 2 à 3 fois plus de viande que ce qui est recommandé par le “régime planétaire” sain et durable déterminé par les scientifiques du Lancet. Réduire cette consommation nous permettrait de prévenir notamment l’obésité, le diabète de type 2, les maladies cardiovasculaires et certains cancers. Un régime riche en aliments végétaux de qualité et moins riche en produits d’origine animale permettrait même de gagner jusqu’à 10 ans d’espérance de vie par rapport à un régime alimentaire occidental moyen.

Rénover les logements

Les logements les plus énergivores sont exposés à des risques sanitaires accrus, étant difficiles à chauffer et sujets à des problèmes d’humidité. Ces passoires énergétiques sont généralement occupées par les ménages les plus modestes, qui sont donc susceptibles de ne pas pouvoir subvenir à leurs besoins en énergie : on parle alors de “précarité énergétique”. En 2021, cette situation concernait 10% de la population de l’UE, un chiffre qui risque d’augmenter en 2022 avec la hausse des prix de l’énergie.

En plus d’être une bonne option d’adaptation pour lutter contre les vagues de chaleur et faire des économies d’énergie, la rénovation des logements permet de prévenir les risques sanitaires auxquels sont exposés leurs habitants, en particulier les pathologies respiratoires ou cardiovasculaires. D’après cette publication du ministère de la transition écologique, la rénovation de l’ensemble des passoires énergétiques d’ici 2028 – un objectif que s’est fixé par la France – permettrait d’éviter des coûts de santé de près de 10 milliards d’euros par an.

Bien que les impacts du changement climatique sur la santé soient nombreux et de plus en plus marqués, des options efficaces existent pour les limiter, avec des résultats à moyen voire court terme. Les bénéfices santé pourraient presque, à eux seuls, justifier les mesures de transition, au-delà de leurs bénéfices climatiques” insiste Kévin Jean. Mais ces solutions ne peuvent se limiter à des choix individuels : il est urgent d’investir massivement dans les transports actifs, de rénover les logements, de proposer plus d’options végétariennes dans la restauration collective… afin d’en retirer des bénéfices pour la santé et pour le climat.

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