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D’accord sur leurs désaccords : les pays ont failli à leurs responsabilités à la COP25

La plus longue COP de l’histoire, et certainement l’une des plus décevantes, voilà ce qu’il restera de la COP25. Nous décryptons, quelques semaines après sa fin, les principaux résultats du sommet et ses implications pour l’année 2020.

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© UNClimateChange

La plus longue COP de l’histoire, et certainement l’une des plus décevantes, voilà ce qu’il restera de la COP25. Après près de 40 heures de prolongation, les 196 pays présents à Madrid ont quitté l’Espagne avec un accord si mince qu’il ne peut être qualifié de progrès. Nous décryptons, quelques semaines après sa fin, les principaux résultats du sommet et ses implications pour l’année 2020.

Des divisions évidentes entre pays

Alors qu’une partie considérable des pays s’emploie à attiser les tensions à l’échelle internationale, l’enjeu de 2020 est de rétablir une confiance ternie dans la coopération sur le climat.

Pendant plus de deux semaines, la COP25 a été le théâtre d’approches diamétralement opposées face à la crise climatique. Tandis que 500 000 citoyens se mobilisaient lors d’une marche historique dans les rues de Madrid, il semble que l’écho de leurs slogans n’ait atteint qu’une partie des 196 pays réunis autour de l’Accord de Paris.

Les pays en développement ont une fois de plus montré qu’ils ont compris l’urgence d’agir. Cent-huit d’entre eux, représentant 15 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre sont désormais engagés à augmenter leurs objectifs climatiques en 2020. Mais cette ambition est en contraste avec l’absence flagrante de celle des grands émetteurs.

En mettant en avant l’inadéquation des objectifs et de la mise en oeuvre des politiques climatiques avant 2020, les pays émergents comme la Chine, l’Inde ou le Brésil ont préféré jouer sur les divisions du passé pour éluder la nécessaire discussion sur les efforts à effectuer dès à présent et jusqu’en 2030. Pendant ce temps, l’Australie, le Japon et les États-Unis ont continué à tourner le dos avec brio à leur responsabilité historique. Ce jeu toxique n’a été brisé que partiellement, par l’annonce des premiers éléments du Green Deal par l’Union européenne et par la perspective d’une révision à la hausse de son objectif de réduction d’émissions de gaz à effet de serre en 2020, après l’accord sur la neutralité carbone pour 2050. Alors qu’une partie considérable des pays s’emploie à attiser les tensions à l’échelle internationale, l’enjeu de 2020 est donc de rétablir une confiance ternie dans la coopération sur le climat.

Face à ces divisions, la présidence chilienne, affaiblie par le déplacement de la COP du Chili à l’Espagne, n’a pas réussi à faire ressortir un compromis par le haut. Malgré des références timides – mais bienvenues dans le contexte actuel – à la transition juste et un progrès majeur dans la prise en compte du genre dans les politiques climatiques, la COP25 a patiné sur l’ensemble de ses trois grands objectifs : donner les orientations nécessaires aux pays pour qu’ils révisent à la hausse leurs contributions nationales en 2020, adopter des règles robustes pour encadrer strictement les marchés carbones, et trouver des sources nouvelles de financements pour faire face aux impacts irréversibles des dérèglements climatiques. 

Un sauvetage de dernière minute pour “l’ambition”

La COP25 devait préparer la chorégraphie de 2020, année au cours de laquelle les pays, en premier lieu les plus pollueurs, doivent adopter des objectifs de réductions d’émissions de gaz à effet de serre plus ambitieux. Les pays n’ont que partiellement rempli cet objectif à Madrid.

L’accord conclu, arraché de dernière minute, nommé “Chile Madrid time for Action”, reconnaît bien l’urgence d’agir conformément à la science et l’écart existant entre les objectifs des pays à 2020 et les trajectoires d’émissions compatibles à la limitation du réchauffement global à 1,5°C. Il demande aussi aux pays de mettre à jour ou communiquer de nouveaux engagements en 2020, en reflétant “la plus haute ambition possible”. Ces indications restent cependant trop vagues pour donner un réel rythme à l’année 2020 : elles ne précisent pas avant quelle date ces nouveaux engagements devront être adoptés, ou encore si les pays devront associer les citoyens à l’élaboration des nouveaux objectifs.

La COP25 laisse donc largement au bon vouloir des États la révision à la hausse (ou non) de leurs objectifs climatiques, en espérant qu’additionnés, ils seront compatibles avec l’Accord de Paris. La COP26 sera donc le moment de vérité, car un rapport sur l’impact agrégé sur les émissions de gaz à effet de serre des nouveaux engagements sera publié par la CCNUCC. 

Des décisions reportées à plus tard sur de nombreuses questions

L’élaboration de règles pour encadrer les marchés carbones (l’article 6), ces marchés permettant de monnayer puis échanger des efforts de réduction d’émissions de gaz à effet de serre, était l’un des grands objectifs de la COP25. Et pour cause : de mauvaises règles auraient des conséquences désastreuses sur la possibilité de limiter le réchauffement global à 1,5°C en ouvrant la porte à des tricheries sur les effort climatiques réels des pays. Il s’agissait donc de préserver la crédibilité et l’ambition de l’Accord de Paris mais aussi les droits humains, car par le passé, de nombreux projets financés par des marchés carbone ont gravement porté atteinte aux droits fondamentaux de communautés locales. 

Face à la réticence d’une minorité de pays comme le Brésil, qui souhaitait pouvoir comptabiliser plusieurs fois des réductions d’émissions n’ayant eu lieu qu’une fois, ou l’Australie, qui voulait utiliser des réductions d’émissions périmées pour atteindre ses objectifs actuels sans efforts supplémentaires, la COP25 s’est soldée sur un statu quo. Ce résultat est loin d’être une réussite, car cela signifie que les négociations reprendront l’année prochaine sans garantie qu’elles aboutiront à un meilleur accord. Mais c’est certainement un moindre mal, car le pire a été évité. L’action de l’Union européenne, y-compris de la France, qui est restée intransigeante jusqu’au bout de la COP25, est à saluer dans ce contexte. 

La COP25 n’a pas fait chou blanc que sur les marchés carbone : les pays n’ont pas non plus pu se mettre d’accord sur les discussions liées aux financements climat, notamment en ce qui concerne le lancement des discussions sur l’objectif qui succédera aux 100 milliards de dollars après 2025 et sur le programme de travail associé. Ces divisions soulignent à quel point la confiance entre pays développés et pays en développement reste fragile, alors que 2020 est l’année où, théoriquement, les 100 milliards de dollars doivent être atteints.

Enfin, aucun accord n’a été trouvé pour rendre opérationnelles les règles sur la transparence adoptées en 2017 en Pologne. Ce travail, qui doit être achevé en fin d’année 2020, reprendra donc lors de la prochaine session de négociations à Bonn en juin, en accusant un retard certain.

Une réponse bien en deçà des besoins pour les pertes et dommages

Dernier point majeur de la COP25, la question trop longtemps remise à plus tard des pertes et dommages. Dans un contexte de vulnérabilités grandissantes des pays en développement et d’intensification des impacts du dérèglement climatique, la COP25 devait se pencher sur les possibles mécanismes et sources de financements nouvelles pour faire face aux impacts irréversibles et inévitables. 

Là encore, le résultat obtenu est bien timide face à l’ampleur des besoins réels. Les pays les plus vulnérables repartent de Madrid avec un maigre groupe d’expert pour plancher sur les sources de financements disponibles, notamment via les fonds multilatéraux sur le climat, et une reconnaissance à demi-mots de leur situation. En cause, des États-Unis bien résolus à entraver les progrès sur la question, et l’Union européenne qui, malgré les apparences, peine à sortir du déni de réalité face aux besoins de financements pour les pertes et dommages. 

2020, un parcours semé d’embûches (et d’opportunités ?)

Les pays font face à un double défi. Ils doivent non seulement se mobiliser à l’échelle nationale pour remplir les promesses de relève des objectifs climatiques, sans directives claires après Madrid, mais doivent également rétablir un dynamisme à bout de souffle dans le cadre des discussions onusiennes. 

À l’issue de la COP25, 2020 ne commence pas sous les meilleures auspices. Les pays font face à un double défi. Ils doivent non seulement se mobiliser à l’échelle nationale pour remplir les promesses de relève des objectifs climatiques, sans directives claires après Madrid, mais doivent également rétablir un dynamisme à bout de souffle dans le cadre des discussions onusiennes.

Plus que jamais, la volonté de dépasser les jeux de postures des grands émetteurs, de créer des alliances bilatérales et une solidarité entre pays du Nord et du Sud sera déterminante pour la réussite, ou l’échec de l’action climatique  en 2020. Le couple sino-européen a un rôle clé à jouer pour débloquer l’inertie des pays les plus responsables du dérèglement climatique. L’Union devra atteindre au plus tôt un accord sur la réhausse de son objectif de réductions d’émissions de gaz à effet de serre pour 2030, si elle espère pouvoir convaincre la Chine de la suivre lors du sommet Union Européenne-Chine de septembre. C’est la seule manière de créer un effet boule de neige entre les grandes puissances, et d’entraîner des pays comme l’Inde, le Canada ou même les États-Unis, après l’élection présidentielle de novembre. L’ambition de l’Union européenne sera d’autant plus importante que la COP26 se déroulera à Glasgow, en Europe.

Dans le même ordre d’idée, 2020 sera une année test pour préserver et amplifier l’ambition des pays en développement : alors qu’ils ont déjà pris les devants, ils attendent désormais les signaux concrets de la part des pays développés, et des garanties que les soutiens financiers promis de longue date sont effectivement  fournis puis augmentés dans le temps, tandis que les systèmes économiques et financiers continuent de réorienter leurs investissements des énergies fossiles vers une transition écologique juste. Après des résultats en demi-teinte sur le soutien aux pertes et dommages, il faut à tout prix redresser la barre de la solidarité entre pays développés et en développement. 

Enfin, 2020 marquera une étape importante pour l’adoption d’un nouveau cadre de protection de la biodiversité. La France prendra part à cette dynamique en organisant dès le mois de juin à Marseille un congrès mondial sur la biodiversité avec l’IUCN. L’occasion de rappeler et d’intégrer bien plus systématiquement dans les politiques nationales les liens intrinsèques entre préservation de la biodiversité, limitation du dérèglement climatique et protection des droits humains. 

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