Alimentation

Toutes les Agricultures ne se valent pas face au climat

Dans une tribune publiée le 30 septembre 2015 dans Libération, Xavier Beulin, président de la FNSEA, explique que le modèle agricole actuel répondrait parfaitement aux enjeux mondiaux de la sécurité alimentaire et de la lutte contre les changements climatiques. Vraiment ? Retour sur des affirmations pourtant largement contestées.

Épandage de produits phytosanitaires
Épandage de produits phytosanitaires

De quel modèle agricole avons-nous besoin ?

Pour M. Beulin, « Toutes les agricultures, tous les modes de production ont leur place car le défi est grand ! » Les modèles agricoles seraient même pour lui, « complémentaires les uns des autres ». Or le modèle agricole industriel à grande échelle est le principal responsable des émissions de gaz à effet de serre liées au secteur agricole. Premièrement, l’agriculture industrielle est une très grande consommatrice d’engrais azotés synthétiques, dont l’épandage engendre la plus grande partie des émissions de gaz à effet de serre agricoles. C’est également ce modèle qui compte le plus de concentration de méthane provenant de l’élevage et de fortes émissions de CO2 liées à l’utilisation des machines agricoles.

C’est également en grande partie cette agriculture qui implique de massives importations d’intrants dont la production et le transport ont émis d’énormes quantités de gaz à effet de serre en dehors des frontières françaises. On parle alors de gaz à effet de serre importés. En 2012, le secteur agro-alimentaire français a par exemple importé 57 millions de tonnes de gaz à effet de serre.

Alors qu’une agriculture réellement écologique et paysanne est la forme d’agriculture la plus à même de contribuer à la lutte contre les changements climatiques, grâce au modèle dans lequel elle s’inscrit et aux pratiques agricoles ayant peu d’impacts sur l’environnement. Recherche d’autonomie alimentaire pour les élevages, faible utilisation d’intrants, forte présence de haies, respect du sol et de la ressource en eau, … autant de pratique augmentant la résilience du système et les revenus des paysans.

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Copyright : Benjamin Claverie

En réalité, ces deux formes d’agriculture ne se complète pas : elles se font concurrence. Les décalages entre des agricultures massivement subventionnées et celles qui ne le sont pas, des coûts pour le traitement des eaux et pour la santé des individus, etc. D’autant plus que les petits producteurs, en particulier ceux du sud, font partie des groupes les plus touchés par les changements climatiques.

Pour répondre au défi climatique, et lutter contre la faim, on ne pourra pas faire l’économie d’un changement de modèle agricole. L’agriculture de demain ne passera que par des choix politiques courageux excluant des modèles incompatibles avec les enjeux actuels.

Les émissions agricoles ne peuvent être compensées par la séquestration du carbone

Xavier Beulin avance également que l’agriculture, si elle est émettrice de gaz à effet de serre « est sans doute aussi la seule activité économique à capter et à stocker le carbone ». Et d’ajouter « Grâce aux cultures, le sol est un véritable puits de carbone, permettant ainsi de compenser ses propres émissions ! ». Or, il y a ici confusion car le sol ne devient puits de carbone que si l’on s’en occupe bien ! L’usage qui est fait du sol, en fonction des pratiques déployées, peut être soit une source d’émissions, soit un puits. De plus, on ne sais jamais combien de temps un stockage de carbone pourra être conservé dans le sol : si une prairie est retournée, tout est perdu ! A l’échelle d’une année par exemple, c’est incorrect d’additionner les gaz à effet de serre émis par le secteur agricole, et le carbone qui a été stocké.

De plus, les agricultures les plus intensives et industrielles sont celles qui font le moins pâturer leurs ruminants ! Or c’est en grand partie grâce au maintien et au développement des prairies permanentes qui l’on pourra séquestrer une grande quantité de carbone. Pour plus de détail sur ce sujet complexe : voir également cet article.

Pour que l’agriculture puisse à la fois contribuer à la lutte contre la faim et contre les changements climatiques, il est donc déterminant de choisir et de soutenir les modèles agricoles les plus résilients et en particulier une agriculture écologique et paysanne.

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